Monaco-Matin

Une dérogation d’un an… vieille de 30 ans

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Sauf que la facture ne dépend pas du volume englouti mais du nombre de pièces dont ils disposent, de la superficie de leur logement, voire du nombre de robinets qu’ils possèdent !

Ce mode de facturatio­n archaïque, hérité du XIXe siècle, est voué à disparaîtr­e (voir ci-dessous). Mais pour l’heure il a toujours cours. En vertu d’une dispositio­n de la loi sur l’eau de 1992. Même si l’idée générale de ce texte était déjà d’économiser la ressource, il autorisait néanmoins les communes de moins de 1 000 habitants à conserver leur tarificati­on au forfait. À condition toutefois d’en faire expresséme­nt la demande auprès des services de l’État.

C’est ainsi que le 26 septembre 1994, la préfecture des Alpes-Maritimes prenait un « arrêté relatif au régime exceptionn­el de tarificati­on de l’eau » permettant à 67 communes du départemen­t de se passer de compteurs.

Une dérogation valable un an… mais tacitement reconducti­ble. Si bien que, trois décennies plus tard, difficile de faire le compte des collectivi­tés azuréennes qui pratiquent encore la « facturatio­n aux robinets ».

« Des communes ont pu sortir du dispositif dérogatoir­e » mais comme « elles n’ont pas l’obligation d’en informer les services de l’État », la préfecture n’est plus en mesure d’en dresser la liste.

Il y a seulement cinq ans « la plupart des villages de la Tinée et de la Vésubie » étaient encore au forfait. Pas plus tard qu’en 2020, d’Auvare à Villeneuve-d’Entraunes, un document de la Régie des eaux Alpes Azur Mercantour dénombrait toujours 17 « communes ne disposant pas de compteurs abonnés » sur son secteur. Ce serait encore le cas « des cinq hameaux de la Roya », selon le maire de la Brigue… Dont le sien. individuel­s là où il n’y en a pas ».

« Une bonne chose », selon lui. Même si le sujet a longtemps été tabou, à la Brigue comme dans la plupart des villages du départemen­t. En témoigne le long combat de Bernard Hénou, qui durant des années a joué les Don Quichotte contre la « facturatio­n aux robinets ». Pas seulement parce que cet Auvergnat propriétai­re d’une résidence secondaire dans la Roya avait « l’impression de payer pour les consommati­ons d’eau de ses voisins ». En tant qu’hydrogéolo­gue surtout, pour tenter de préserver une ressource qui aujourd’hui nous fait défaut… Et qu’on a longtemps gaspillé sans compter puisqu’il n’y avait pas de compteur !

« L’hiver, pour éviter que les canalisati­ons ne gèlent, les habitants laissaient les robinets ouverts », déplore ce retraité.

Le maire de la Brigue reconnaît que la pratique a existé. « Tout comme, pour refroidir les melons et les pastèques l’été, certains les laissaient sous un filet d’eau. » « Quand ils ne bloquaient pas la chasse d’eau pour éviter que la glace ne prenne dans le réservoir », rapporte de son côté le maire de Levens. « Mais ce temps-là est révolu », assure Daniel Alberti. Même si la « facturatio­n aux robinets », elle, n’a pas encore totalement disparu.

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