Une dérogation d’un an… vieille de 30 ans
Sauf que la facture ne dépend pas du volume englouti mais du nombre de pièces dont ils disposent, de la superficie de leur logement, voire du nombre de robinets qu’ils possèdent !
Ce mode de facturation archaïque, hérité du XIXe siècle, est voué à disparaître (voir ci-dessous). Mais pour l’heure il a toujours cours. En vertu d’une disposition de la loi sur l’eau de 1992. Même si l’idée générale de ce texte était déjà d’économiser la ressource, il autorisait néanmoins les communes de moins de 1 000 habitants à conserver leur tarification au forfait. À condition toutefois d’en faire expressément la demande auprès des services de l’État.
C’est ainsi que le 26 septembre 1994, la préfecture des Alpes-Maritimes prenait un « arrêté relatif au régime exceptionnel de tarification de l’eau » permettant à 67 communes du département de se passer de compteurs.
Une dérogation valable un an… mais tacitement reconductible. Si bien que, trois décennies plus tard, difficile de faire le compte des collectivités azuréennes qui pratiquent encore la « facturation aux robinets ».
« Des communes ont pu sortir du dispositif dérogatoire » mais comme « elles n’ont pas l’obligation d’en informer les services de l’État », la préfecture n’est plus en mesure d’en dresser la liste.
Il y a seulement cinq ans « la plupart des villages de la Tinée et de la Vésubie » étaient encore au forfait. Pas plus tard qu’en 2020, d’Auvare à Villeneuve-d’Entraunes, un document de la Régie des eaux Alpes Azur Mercantour dénombrait toujours 17 « communes ne disposant pas de compteurs abonnés » sur son secteur. Ce serait encore le cas « des cinq hameaux de la Roya », selon le maire de la Brigue… Dont le sien. individuels là où il n’y en a pas ».
« Une bonne chose », selon lui. Même si le sujet a longtemps été tabou, à la Brigue comme dans la plupart des villages du département. En témoigne le long combat de Bernard Hénou, qui durant des années a joué les Don Quichotte contre la « facturation aux robinets ». Pas seulement parce que cet Auvergnat propriétaire d’une résidence secondaire dans la Roya avait « l’impression de payer pour les consommations d’eau de ses voisins ». En tant qu’hydrogéologue surtout, pour tenter de préserver une ressource qui aujourd’hui nous fait défaut… Et qu’on a longtemps gaspillé sans compter puisqu’il n’y avait pas de compteur !
« L’hiver, pour éviter que les canalisations ne gèlent, les habitants laissaient les robinets ouverts », déplore ce retraité.
Le maire de la Brigue reconnaît que la pratique a existé. « Tout comme, pour refroidir les melons et les pastèques l’été, certains les laissaient sous un filet d’eau. » « Quand ils ne bloquaient pas la chasse d’eau pour éviter que la glace ne prenne dans le réservoir », rapporte de son côté le maire de Levens. « Mais ce temps-là est révolu », assure Daniel Alberti. Même si la « facturation aux robinets », elle, n’a pas encore totalement disparu.