Monaco-Matin

« 300 agents de plus pour l’inspection du travail »

En première ligne lors de la réforme des retraites, Olivier Dussopt, le ministre du Travail, a visité hier matin le chantier de l’élargissem­ent de l’A57 dans le Var. Interview.

- PROPOS RECUEILLIS PAR P.-L. PAGÈS plpages@varmatin.com

Àla veille de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Pleinemplo­i et de l’Insertion, s’est rendu hier sur le chantier de l’élargissem­ent de l’A57, aux portes de Toulon. Un chantier plutôt exemplaire : en deux ans et plus d’un million d’heures travaillée­s, seuls deux accidents avec arrêt de travail ont été recensés.

Que répondez-vous à Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, qui a déclaré tout récemment :

« La France se caractéris­e par l’insuffisan­ce des mesures de prévention des accidents du travail »

On peut toujours faire mieux.

Et ce vendredi, Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, est justement l’occasion d’annoncer le renforceme­nt de mesures en matière de prévention des accidents du travail. Chaque année, nous recensons entre 640 000 et 650 000 accidents – ce qui est beaucoup –, dont un peu plus de 30 000 se traduisent par une incapacité permanente. Et il y a eu, en 2021, 693 décès comptabili­sés comme accidents du travail mortels – ce qui n’inclut pas les personnes qui décèdent à la suite d’une maladie profession­nelle.

? La France est souvent présentée comme la moins bonne élève de l’Union européenne. À tort ?

Nos chiffres ne sont pas bons, certes. Mais il faut être extrêmemen­t vigilant sur les comparaiso­ns, car tous les États ne comptent pas les décès au travail de la même manière. J’ai demandé qu’un travail d’harmonisat­ion soit ouvert. Un exemple : si vous décédez à la suite d’une blessure au travail en France, c’est considéré comme un accident mortel du travail. Quelle que soit la date du décès, dès lors que c’est lié à cette blessure au travail. Alors que dans certains pays européens, vous n’êtes comptés parmi les accidents mortels que si vous décédez dans les 24 heures qui suivent la blessure.

Justement, la loi sur le travail et l’emploi, que vous préparez, pourrait-elle améliorer les choses en matière de prévention des accidents ?

En fait, l’essentiel des outils en matière de prévention des accidents graves et mortels ne sont pas législatif­s, mais réglementa­ires. Ce qui nous permet d’avancer sans nécessaire­ment attendre. Et il existe déjà un plan de prévention des accidents graves et mortels, intégré dans le 4e plan de prévention et de santé au travail 2022-2025. Il comprend 27 mesures que nous allons renforcer. En faisant en sorte, par exemple, qu’il y ait plus de formation et d’informatio­ns dans les CFA, dans les agences d’intérim… avec des brochures dans des langues différente­s. Et que les plus grandes entreprise­s aient des référents « sécurité au travail » dotés de plus de moyens et de prérogativ­es.

Pourquoi tant insister sur la prévention et l’informatio­n ?

Parce qu’on sait que celles et ceux qui ont le plus d’accidents graves ou mortels sont souvent de nouveaux embauchés, des intérimair­es, ou des travailleu­rs détachés. Parce qu’il s’agit de gens arrivés récemment sur leur lieu de travail. C’est donc là que l’informatio­n est importante. Mais on pousse aussi les feux sur la question de la prévention. Car les drames sont aussi des occasions, certes tragiques, de tirer des enseigneme­nts pour que ça ne se reproduise pas. Pour cela, il faut que nos services soient prévenus très vite. Ce qui, la plupart du temps, est le cas grâce aux pompiers, aux gendarmes, aux policiers, à l’entreprise. Mais, aussi surprenant que ce soit, il n’y a pas d’obligation pour un employeur de signaler un accident mortel à l’inspection du travail. Cela va être modifié par un décret dans les prochaines semaines, avec une obligation de le faire dans les douze heures.

Quid des moyens de contrôle ? L’inspection du travail a-t-elle assez d’agents pour être efficace ?

L’inspection du travail accomplit une tâche énorme en matière de prévention. Par exemple, en 2021, elle a effectué 30 000 interventi­ons sur des travaux en hauteur et a procédé à 5 000 arrêts de chantier car les conditions n’étaient pas réunies pour la sécurité des personnels. Cette mobilisati­on doit continuer. Encore faut-il que l’inspection en ait les moyens. Or, depuis plusieurs années, elle connaît des postes vacants. Pour y remédier, est prévu en 2023 le recrutemen­t de 300 inspecteur­s, un record sur un an.

Des efforts supplément­aires doivent être faits sur la question de la formation. La formation initiale, pour que les jeunes qui sortent du système scolaire, universita­ire aient des compétence­s leur permettant d’être facilement embauchés. Et la formation continue, parce que souvent, ceux qui sont la recherche d’un emploi aujourd’hui ont des qualificat­ions, des compétence­s qui ne correspond­ent pas aux besoins des entreprise­s des territoire­s où ils vivent et où ils veulent rester. Depuis cinq ans, nous avons investi plus de 15 milliards d’euros dans les compétence­s aux côtés des Régions. Ce plan d’investisse­ment dans les compétence­s va être reconduit en 2024 sur des montants très significat­ifs.

Quoi d’autre ?

Mieux accompagne­r les personnes les plus éloignées de l’emploi. On a largement augmenté les budgets consacrés à l’insertion par l’activité économique : 800 millions d’euros en 2018, 1,3 milliard aujourd’hui. Ce budget va être renouvelé pour 2023. Il faut aussi faciliter l’accès à l’emploi de personnes en situation de handicap : le président de la République a annoncé des mesures mercredi. Et puis c’est moderniser, renforcer le suivi des allocatair­es du RSA.

Je le crois. Avant l’été, j’aurai à présenter deux projets de loi. Un premier visant à transposer l’accord national interprofe­ssionnel relatif au partage de la valeur, qui a été signé par les trois organisati­ons patronales et par quatre des cinq organisati­ons syndicales représenta­tives. Le consensus syndical et patronal fait que le Parlement devrait l’adopter. Le deuxième projet de loi concerne à la fois la réforme de Pôle emploi avec la création de France Travail, la modernisat­ion de l’accompagne­ment des allocatair­es du RSA et les mesures qui vont faciliter l’accès au travail des personnes en situation de handicap. Je travaille sur ces sujets avec l’associatio­n des Régions de France, celle des Départemen­ts de France, les associatio­ns d’élus locaux, les partenaire­s sociaux, avec la recherche d’un consensus très large.

Les syndicats ont appelé à faire du mai une journée historique de mobilisati­on. Si c’est le cas, comment l’exécutif compte-t-il y répondre ?

1er

Je ne fais pas la météo du dialogue social et du climat social. Je ne sais donc pas si la mobilisati­on sera importante ou non le 1er mai. À chaque manifestat­ion, quelle que soit sa taille, des messages sur la réforme des retraites, mais aussi sur les conditions de travail, le pouvoir d’achat, le déroulemen­t des carrières ont été envoyés. Chaque mouvement est l’occasion d’entendre ces messages. Mais la réforme des retraites a été adoptée. Et si des désaccords profonds ont subsisté, des convergenc­es ont également émergé sur un certain nombre de sujets, dont la prévention de l’usure profession­nelle, le minimum de pension, le travail des seniors… Aujourd’hui, nous sommes dans une logique qui consiste à veiller à ce que la mise en oeuvre de la réforme se passe dans les meilleures conditions mais, comme le président de la République l’a indiqué aux partenaire­s sociaux, toute améliorati­on, toute évolution est évidemment bienvenue.

650 000 accidents du travail par an”

Bientôt l’obligation de signaler un accident mortel”

 ?? (Photo Luc Boutria) ?? Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a visité hier matin les travaux d’élargissem­ent de l’A57, aux portes de Toulon.
Pensez-vous que ces lois que vous préparez ont une chance de passer avec la majorité relative dont dispose le gouverneme­nt ?
(Photo Luc Boutria) Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a visité hier matin les travaux d’élargissem­ent de l’A57, aux portes de Toulon. Pensez-vous que ces lois que vous préparez ont une chance de passer avec la majorité relative dont dispose le gouverneme­nt ?

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