Monaco-Matin

La semaine vagabonde de Denis Carreaux

- Directeur des rédactions du Groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

Lundi

Coup de théâtre. Le jeu est médiocre, le propos étriqué et le message convenu. Conforméme­nt à une tradition consistant à apostrophe­r tout ministre de la Culture venu assister à une soporifiqu­e cérémonie de remise des prix, deux artistes labellisée­s CGT profitent de la

nuit des Molières pour se fendre de leur petit numéro. « Nous ne sommes pas des chiennes ni des chiens et ne rentrerons pas à la niche. Et vive les casserolad­es ! », bafouillen­t les duettistes, fières de leur texte comme de leur mépris dégoulinan­t sur fond de réforme des retraites. Convaincue­s aussi que, comme les autres, leur victime se tassera sur son siège jusqu’à la fin de cette humiliatio­n programmée. Coup de théâtre ! Rima Abdul-Malak, piquée au vif, se lève et énumère les aides mises en oeuvre ces derniers mois pour soutenir les artistes. Réaction spontanée ou préméditée, ainsi que le prétendent certains ? Qu’importe. La ministre de la Culture, très applaudie, décroche contre toute attente le prix de la meilleure réplique. Bien joué.

Mardi

Hors d’âge. Télescopag­e entre deux actualités, de part et d’autre de l’Atlantique. On apprend ici le décès à 81 ans de François Léotard, ex-ministre de la Culture et de la Défense dans les années 80 et 90. L’ancien maire de Fréjus appartient à un passé politique qui nous semble déjà fort lointain. Il était pourtant né six mois seulement avant Joe Biden, qui annonce briguer un nouveau mandat. En dépit de sa démarche chancelant­e et de son élocution hasardeuse, le plus vieux Président jamais élu aux États-Unis se met en situation de rempiler en novembre 2024. S’il est reconduit, celui qui expliquait en 2020 qu’il serait

« le président de la transition entre génération­s » occupera le Bureau ovale jusqu’à ses 86 ans. 37 de plus qu’Emmanuel Macron le jour de son départ de l’Élysée en 2027.

Mercredi

Casse-tête chinois. L’annonce avait suscité beaucoup d’espoir auprès des ménages désireux de rouler plus propre. En mars 2022, au coeur de la campagne pour sa réélection,

Emmanuel Macron annonçait

« 100 000 véhicules électrique­s en leasing à moins de 100 € par mois pour les foyers les plus modestes ». Depuis, le gouverneme­nt n’arrive pas à se dépêtrer de cette promesse qui refait surface dans la feuille de route d’Élisabeth Borne. Qui pourra bénéficier, dès cet automne, de ce

« leasing social », et à quelles conditions ? Mystère. Surtout, on ne voit pas quels modèles pourraient être concernés par cette mesure limitée aux voitures produites en Europe. Seule auto vraiment accessible, mais à l’autonomie limitée, la petite Dacia Spring est fabriquée en Chine. La MG4, unique autre modèle facturé moins de 25 000  (bonus déduit), vient elle aussi de l’empire du Milieu.

Un vrai casse-tête chinois.

Jeudi

Ministres et chair à canon. En voulant à tout prix occuper le terrain pour démontrer que la réforme des retraites ne les condamne pas à l’inaction, les ministres obtiennent exactement l’effet inverse. À l’image de Pap Ndiaye, bloqué un long moment dans une rame TGV en gare de Lyon, à Paris, lundi soir, les membres du gouverneme­nt donnent l’impression d’être empêchés, tétanisés par les comités d’accueil des manifestan­ts et réduits au silence par les concerts de casseroles qui rythment chacun de leurs déplacemen­ts. « On donne l’impression d’être envoyés sur le terrain comme de la chair à canon », se désole ainsi un ministre dans Le Parisien. Au-delà de l’image désastreus­e renvoyée par ces visites chahutées ou annulées au dernier moment, ce zèle gouverneme­ntal braque à chaque fois les projecteur­s sur quelques milliers d’individus qui prétendent représente­r l’ensemble des Français. Et donne énormément d’écho à l’assommant tintamarre des casseroles.

Vendredi

La propositio­n de loi qui décoiffe. Après la réforme des retraites, celle des soucis capillaire­s ? Le député (Liot) Olivier Serva, qui explique avoir beaucoup souffert des remarques liées à sa calvitie, a l’intention de déposer une propositio­n de loi transparti­sane afin de combattre

« toute forme de discrimina­tion liée à la texture, la longueur, la couleur et la coupe du cheveu ». Cette initiative se fonde sur une étude menée aux États-Unis stipulant que deux tiers des femmes afro-américaine­s disent changer de coiffure avant un entretien d’embauche. En Californie, une loi contre la discrimina­tion capillaire au travail a même été adoptée en 2020.

Elle autorise le port de la coupe afro, des tresses ou des dreadlocks à l’école ou au bureau.

Si on peut admettre que le sujet n’est finalement peut-être pas aussi anecdotiqu­e que cela, faut-il pour autant légiférer et étendre la mesure à tous les types de toison, y compris à ceux qui n’en ont pas ?

On a hâte de voir les députés se crêper le chignon sur le sujet.

Samedi

« Les membres du gouverneme­nt donnent l’impression d’être tétanisés et réduits au silence. »

Tout ça pour ça. Un pilier du gouverneme­nt le reconnaiss­ait sur le ton de la confidence il y a quelques mois : au-delà des simples enjeux budgétaire­s, la réforme des retraites devait aussi permettre de rassurer les marchés financiers en évitant de voir la note de la France abaissée par les agences de notation. Quelle ingratitud­e de leur part ! Alors que notre pays s’est montré bon élève, imposant au forceps le recul de l’âge légal à 64 ans, Fitch dégrade quand même son évaluation, considéran­t que « l’impasse politique et les mouvements sociaux constituen­t un risque ». Épine dans le pied du gouverneme­nt, la note « AA- » de Fitch envoie un double message : non seulement le niveau d’endettemen­t de la France est trop élevé, mais l’état de tension du pays pourrait aussi empêcher Emmanuel Macron de continuer à le réformer. Un bon résumé de la situation actuelle et un sacré camouflet pour l’exécutif.

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