Séparation des parents : QUEL IMPACT SUR LE TOUT-PETIT ?
Durant les premières années de vie, le bébé est très sensible au climat qui l’entoure. Une séparation ou un divorce demande une organisation et une écoute particulière afin de respecter le développement du jeune enfant et ses besoins.
Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… Cette phrase de conclusion convenue, tirée des contes pour enfants, n’a pas sa place dans notre monde réel. Et les récents chiffres finissent d’achever nos illusions. « En France, environ 46 % des mariages se terminent par un divorce. La durée moyenne du mariage est d’environ quinze années, les hommes divorçant autour de l’âge de 42 ans contre 44 ans chez les femmes, analyse Marie-Estelle Dupont, psychologue clinicienne.
Le risque accru de séparation se situe au bout de cinq ans, ce qui correspond généralement à la petite enfance du premier enfant. »
Dans son ouvrage Réussir son divorce, Marie-Estelle Dupont consacre toute une partie aux conséquences de la séparation sur l’enfant. « Selon son âge et le stade de son développement, les enjeux varient. En effet, à 1 an, 3 ans, 11 ans ou 14 ans, il n’en est pas au même moment de sa compréhension du monde, de son rapport aux autres et de la construction de son identité (lire par ailleurs) .» Ainsi, l’organisation d’une séparation présente des enjeux communs mais aussi des spécificités. Et particulièrement chez les toutpetits de moins de trois ans. Marie-Estelle Dupont nous explique les difficultés liées à ce jeune âge.
Se séparer ou divorcer alors que l’on vient d’avoir un bébé, est-ce fréquent ?
Oui, de plus en plus de couples se séparent avec un ou des enfants en très bas âge. Changement de vie, fatigue extrême, nouvelles responsabilités, quotidien chamboulé… Le couple est mis à l’épreuve. En cas de séparation, cette période est particulièrement complexe à gérer car le nourrisson a des besoins spécifiques.
Quels sont-ils ? Durant les mille premiers jours de vie, entre la naissance et l’âge de trois ans environ, le lien d’attachement se met en place. Les parents apportent sécurité et confiance au bébé. Grâce aux soins quotidiens, ils nourrissent l’attachement de leur enfant. Une séparation ou un divorce peut venir perturber ce processus. De plus, vers l’âge de 8 mois, l’angoisse de la séparation arrive avec la peur de l’étranger : cela se manifeste par des pleurs ou de l’agitation quand le parent s’en va ou qu’une figure étrangère s’approche de l’enfant. Il comprend, d’une manière non conceptuelle, que sa mère ne sera pas toujours là. Il a peur lorsqu’elle s’éloigne et il n’a pas de notion du temps. C’est pourquoi un bébé peut mal vivre une séparation prolongée avec l’un des deux parents.
Alors, comment répondre aux besoins du jeune enfant malgré la rupture ?
Tout d’abord, il faut éviter des séparations précoces prolongées. Clairement, la garde alternée – une semaine sur deux – n’est pas adaptée à un tout-petit.
Il ne faut pas hésiter à mettre en place une organisation provisoire, permettant au bébé de voir ses deux parents fréquemment. Sauf cas particulier (personne instable, violente…), le père ou deuxième parent doit pouvoir créer un lien avec son nouveau-né. C’est important pour l’équilibre de ce dernier. Autre conseil : le couple doit laisser de côté sa colère et sa rancoeur en présence de l’enfant, et cela, quel que soit l’âge. Comme le bébé ne parle pas, on peut être tenté d’avoir moins de filtres en sa présence, mais c’est une erreur. L’enfant, même tout petit, perçoit l’état émotionnel de ses parents. Par exemple, si sa mère est en pleurs et que son père manifeste de la colère, le nourrisson va sentir une vive tension. Il n’est pas capable de maîtriser ce qui se passe et il sera forcément anxieux. En revanche, si l’entrevue entre les deux parents se passe dans le calme et le respect, l’enfant vivra la situation le mieux possible.
Autre conseil : il ne faut pas hésiter à parler à son bébé et lui dire qu’on l’aime malgré la séparation. Rappelons que
80 % de la communication est non verbale ; le nouveau-né comprendra les intentions de ses parents. Enfin, la séparation ne doit pas faire oublier qu’un bébé garde les mêmes besoins (physique, psychologique, affectif) liés à son âge : avoir une routine, être changé et lavé régulièrement, dormir dans le calme, éviter les écrans, être câliné et rassuré…
Quels impacts pour un tout-petit qui vit dans un climat conflictuel ?
Il faut bien comprendre que l’enfant n’est pas marqué par ce qui est négatif : il est surtout marqué par ce qui est répétitif. Pour le cerveau, c’est la chronicité d’un climat anxieux qui est délétère pour lui. S’il perçoit de la tension – et que cela dure et se répète – une ombre planera sur son psychisme, comme celle de devoir réparer et combler sa mère. Le garçon risque de développer des angoisses de performance avec une sensation de ne pas faire assez bien. En grandissant, la petite fille peut vivre une confusion entre elle et sa mère avec de l’anxiété et des moments de doute importants.
Les répercussions sur son développement sont multiples.
Comment faire si les tensions et les rancoeurs prennent le dessus malgré les efforts ?
Il ne faut pas hésiter à parler à un tiers : une personne de la famille, un ou une ami (e), voire un psychologue. Lorsqu’il y a de la rancoeur, il faut que le parent garde un espace pour libérer sa colère (faire du sport, écrire…). Ce moment doit absolument se dérouler sans la présence de l’enfant afin de le préserver.
« Il faut éviter des séparations précoces prolongées » Marie-Estelle Dupont Psychologue clinicienne
Un bébé qui a des parents séparés a-t-il moins de chance d’être heureux en grandissant ?
Pas du tout ! Évidemment que le divorce va le blesser, ce serait malhonnête de dire le contraire. Cependant, une blessure, ce n’est pas un traumatisme. Cette blessure n’empêchera pas l’enfant d’être heureux. La bienveillance et le climat de confiance mutuelle de ses parents l’aideront à se construire sereinement.
Savoir + de MarieEstelle Dupont, aux éditions Larousse. Prix : 18,95 euros.