« Un délit récent, créé pour contrer les sectes »

Ludovic Manteufel, substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse

Combien recevez-vous de plaintes chaque mois ?

Environ une vingtaine, ce qui est beaucoup. Le plus souvent, des membres de la famille d’une personne âgée, qui vivent loin, voient fondre l’héritage et s’inquiètent. Mais nous sommes aussi alertés par les banques, Tracfin, les services sociaux ou un juge des tutelles quand ils détectent des mouvements financiers inhabituels.

Qu’encourt une personne qui abuse de la vulnérabilité d’une victime ?

La peine maximale est de 3 ans de prison. Le législateur a ajouté depuis peu l’aggravation de bande organisée, ce qui permet de recourir à des techniques spéciales d’enquête. Il faut rappeler que c’est un délit récent, créé en 2001, surtout pour contrer les mouvements sectaires qui s’appropriaient les biens d’adeptes.

Quelles sont les difficultés rencontrées de ce type d’enquête ?

Cela nécessite à la fois des investigations financières, d’étudier des pièces médicales, d’entrer dans l’intimité familiale, de faire la part entre un don volontaire et une appropriation frauduleuse. Il faut également un préjudice grave par rapport au patrimoine de la victime pour déclencher une enquête. Ce sont des investigations longues, assez complexes, qui demandent un investissement des policiers et des gendarmes. Une autre difficulté est parfois de ne pas pouvoir interroger la victime parce que, par exemple, elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Vous parlez de don. Rien n’empêche une personne âgée de dépenser son argent comme bon lui semble...

Tout à fait. Il arrive que les premières investigations démontrent que la personne âgée est en excellente santé et a décidé, en conscience, de profiter la vie, de faire plaisir à un ou une nouvelle amie, au grand dam de certains héritiers. Il n’y a pas forcément matière à poursuivre ceux qui bénéficient de cette générosité.