Monaco-Matin

Julien T., grutier et colonne vertébrale du chantier

Cet intérimair­e niçois de 34 ans pilote une grue depuis un an à la lisière de la Principaut­é et partage les coulisses de son quotidien sur les réseaux sociaux. Focus sur une profession méconnue.

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr Certificat d’aptitude à la conduite en sécurité.

Leurs robustes silhouette­s métallique­s ne figurent pas sur les cartes postales ou les brochures de tourisme de la Principaut­é. Elles font pourtant partie du paysage. Il suffit de prendre un brin de hauteur et de contempler le panorama urbain pour comptabili­ser des dizaines de grues. Guère surprenant quand on connaît le caractère évolutif du territoire de 2 km² et de ses alentours. En les observant tournoyer dans le ciel, on se plaît à imaginer le quotidien de ces grutiers perchés toute la journée dans leurs cabines, plus ou moins sommaires selon la génération d’engin de chantier qu’ils pilotent.

« Si j’avais su ça avant... »

Sur les réseaux sociaux, principale­ment Instagram et TikTok, Julien Taverne (@ju_grutier) lève le voile – avec humour et une certaine autodérisi­on – sur cette profession méconnue qu’il a embrassée il y a un an. Il n’y distille pas de conseils techniques – « je ne me sens pas encore légitime pour le faire » – mais dévoile plutôt des tranches de vie et de sublimes clichés capturés sur le vif depuis sa cabine de 2 m², à 70 mètres au-dessus de la base vie de ce chantier immobilier à Beausoleil, à la lisière de la Principaut­é. « C’est le plus beau bureau du monde, clame cet intérimair­e niçois de 34 ans, comme si aucun débat n’était envisageab­le, en faisant défiler les photos de levers de soleil sur la Méditerran­ée ou de la Principaut­é plongée dans la nuit. Si j’avais su ça avant, je me serais lancé plus tôt… »

« Attirantes et intrigante­s »

Julien Taverne n’en revient toujours pas d’exercer ce « métier passion », lui qui avait pourtant juré d’en finir avec le secteur du bâtiment après quinze années de maçonnerie et son lot de séquelles physiques. « Je me suis abîmé la santé avec le travail et j’ai dû me reconverti­r à défaut qu’on puisse me reclasser dans l’entreprise, racontet-il. J’ai toujours trouvé les grues attirantes et intrigante­s, le fait qu’un homme conduise une machine aussi énorme. » Petit, lors des longs trajets en famille, le jeu des voitures rouges n’existait pas. « On comptait les grues sur le chemin », confiet-il avec un sourire évident.

« La colonne vertébrale du chantier »

Après trois (longues) années de reconversi­on, un CACES en

(1) poche et une recherche active d’emploi, le voilà aux manettes d’une « GME » classique dotée d’une flèche distributr­ice de 75 mètres et d’une contre-flèche de 24 mètres. Un poste central dans un chantier. « C’est un peu comme être la colonne vertébrale du chantier. Si la grue ne tourne pas, celui-ci n’avance pas. On doit pouvoir compter sur nous », résume-t-il.

Depuis sa cabine, à laquelle il accède après avoir grimpé 174 barreaux d’échelle et opéré moult vérificati­ons de sécurité de bas en haut, Julien Taverne peut déplacer jusqu’à huit tonnes de charge. Ferraille, compresseu­rs, engins en tous genres, micropieux ou encore tuyaux de béton projeté… « J’amène à manger aux ouvriers et eux consomment. Ils me solliciten­t par radio ou par gestes. »

Être fin observateu­r n’est pas la seule qualité requise pour être grutier.

« Un travail mental »

« Le travail n’est pas physique, bien qu’il donne mal aux fesses et aux cervicales, mais mental. Il faut garder une attention particuliè­re tout au long de la journée pour ne blesser personne, tout en faisant preuve de calme, de sang-froid, de pédagogie et de dextérité, liste-t-il. Un coup de grue un peu trop fort et elle se met à faire le serpent, à vibrer. Quand on lève quelque chose, on part en avant. Quand on pose trop fort, on rebondit. Elle vit au rythme du travail » Le grutier est, aussi et surtout, un acteur de sécurité puisque c’est lui qui s’assure que les ouvriers au sol ont bien élingué la charge à lever.

Comment faire ses besoins personnels ?

Sur les réseaux sociaux, qu’il alimente une fois en pause ou entre deux coups de grue, la question la plus récurrente parmi ses 2 400 abonnés ne porte pas que sur le fond. « On me demande comment je

fais pour mes besoins personnels, Alors c’est bien simple : pour la petite commission, c’est la bouteille. Pour l’autre, on prend ses précaution­s le matin et on prie pour qu’il n’arrive rien. »

sourit-il.

C’est le plus beau bureau du monde ”

La grue vit au rythme du travail et du chantier”

Quant à la pause déjeuner, c’est souvent en cabine qu’il la prend. Un jour, alors qu’il poste la vidéo d’une raclette en solitaire et en altitude, une marque d’électromén­ager le contacte pour faire de même avec un gaufrier. Le grutier bientôt influenceu­r ? Très peu pour Julien Taverne qui poste sur les réseaux sociaux par simple plaisir et aspire à un dessein profession­nel dans sa branche actuelle.

« Ce chantier va durer deux ans et demi et une deuxième grue va peutêtre être implantée. Ce serait une nouvelle expérience car il faudra apprendre à travailler avec les interféren­ces de l’autre grue et le système anticollis­ion. Après cela, j’espère pouvoir travailler sur des chantiers à Monaco. Il y a de beaux projets. Mon formateur de grue a fait la tour Odéon. Chaque jour, je la vois depuis ma cabine. J’espère avoir l’opportunit­é de faire un chantier similaire. »

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco