Monaco-Matin

Le furet et le budget

- De DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

« Il court, il court le furet, il est passé par ici, il repassera par là. » Difficile de ne pas songer à cette très ancienne comptine en regardant Emmanuel Macron quadriller le pays depuis l’adoption de la réforme des retraites, après avoir passé son temps loin des tréteaux hexagonaux tandis que les parlementa­ires en débattaien­t et les syndicats descendaie­nt dans les rues pour protester. Le temps est donc venu d’essayer de réparer les dégâts en jouant d’une proximité qui lui avait réussi avec son « grand débat » après la crise des « gilets jaunes ».

Pour l’heure, cependant, l’opinion ne semble guère convaincue par cet exercice de séduction à la chorégraph­ie vieillotte. Toutes choses par ailleurs, ces déplacemen­ts en rafales s’apparenten­t au voyage de la grande

Catherine II de Russie en 1787 dans une Crimée aux façades riantes, mais en carton-pâte, imaginées par son ministre Grigori Potemkine. Emmanuel Macron est en effet mis à l’abri des mauvaises surprises avec des services d’ordre renforcés, des interdicti­ons de manifester et des drones pour surveiller les lieux où il se rend. Ce fut encore le cas hier pour la commémorat­ion de l’armistice du 8 mai 1945 sur les Champs-Élysées. Le Président les remonta en ne pouvant apercevoir que quelques dizaines de personnes, le quartier étant quasiment bouclé. Le scénario fut identique dans l’après-midi à Lyon lors de la très digne cérémonie d’hommage à Jean Moulin.

On a vu dans le passé bien des présidents rebondir après de très mauvaises passes, il n’est pas impossible qu’Emmanuel Macron une fois de plus y parvienne, mais il est peu probable que les cent jours qu’il s’est donnés – ainsi qu’au gouverneme­nt

Borne – pour apaiser le pays y suffisent. D’ores et déjà, d’ailleurs, on s’emploie autour de lui à désacralis­er cette échéance. La course du furet risque donc de se prolonger et avec elle la fuite en avant du « quoiqu’il en coûte ». Bien que cette page-là soit officielle­ment tournée, le ruissellem­ent budgétaire se poursuit : 2 milliards d’euros pour le plan vélo, un milliard pour l’enseigneme­nt profession­nel, négociatio­ns sur l’augmentati­on des fonctionna­ires, 1,2 milliard d’euros de plus pour la justice dans les quatre années à venir, 413 milliards d’euros d’ici à 2030 pour moderniser les armées, 30 milliards d’euros cette année pour le bouclier tarifaire sur l’énergie, une promesse faite par le ministre du Budget, Gabriel Attal, d’un plan Marshall pour les classes moyennes, etc, etc. Le tonneau des Danaïdes des finances publiques accompagne la croisade hexagonale du chef de l’État. Sans doute entend-il apaiser les esprits avec des mesures qui visent à adoucir les difficulté­s quotidienn­es des Français. Tout comme le furet, il court, il court le budget pour sortir Emmanuel Macron de la mauvaise passe dans laquelle il se trouve.

« Ces déplacemen­ts en rafales s’apparenten­t au voyage de Catherine II de Russie en 1787 dans une Crimée aux façades riantes, mais en carton-pâte, imaginées par son ministre Grigori Potemkine »

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