L’hommage de Macron à Jean Moulin rattrapé par les retraites
Après une commémoration du 8 mai 1945 sur des Champs-Élysées quasiment vides, Emmanuel Macron a rendu hommage hier à la Résistance à Lyon, où quelques milliers d’opposants ont défilé sous tension.
Le chef de l’État a déposé une gerbe au Mémorial de la prison de Montluc, dans laquelle près de 10 000 personnes ont été incarcérées sous l’Occupation. Plus d’un millier d’entre elles ont été fusillées, 6 000 déportées.
« La République française n’est par définition ni bonne, ni mauvaise. Elle est nécessaire, vitale, juste », a-t-il déclaré, saluant la mémoire de Jean Moulin, « l’enfant de la République », « le soldat de la France ». Il a mis en avant la mission de l’ancien préfet – « unir les droites et les gauches » – notant la présence des principales forces politiques du pays, de la CGT ou encore de la CFTC, le 27 mai 1943, lors de la réunion fondatrice du Conseil national de la Résistance. Un appel à la concorde alors que l’hostilité contre lui est vive depuis l’adoption au forceps de la réforme des retraites ?
Près de 5 000 manifestants
Pour éviter les risques de « casserolades », récurrents depuis la promulgation du texte, les rassemblements avaient été interdits autour de la prison et un vaste périmètre de sécurité instauré.
3 000 manifestants selon la préfecture,
5 000 d’après la CGT, ont défilé à l’extérieur, certains tapant sur des casseroles.
« On ne dit pas que la situation actuelle est comparable à 1945, on dit simplement que le gouvernement ne peut pas piétiner l’héritage social de la Résistance », a relevé Samuel Delor de la CGT du Rhône.
« Inacceptables »
Les vitres de la porte de la mairie du 3e arrondissement de Lyon ont été cassées, des vitres de voitures brisées et des CRS ont fait à plusieurs reprises usage de gaz lacrymogène.
Le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, a jugé de tels rassemblements « inacceptables » en ce jour de mémoire.
À plusieurs centaines de mètres des manifestants, Emmanuel Macron a effectué sans encombre sa visite. Accompagné de Claude Bloch, 94 ans, dernier rescapé d’Auschwitz vivant à Lyon et des chasseurs de criminels nazis Serge et Beate Klarsfeld, il a visité la cellule de Jean Moulin, arrêté à Caluire, près de Lyon, par le chef local de la Gestapo, Klaus Barbie. Affreusement torturé, il a gardé le silence et est mort, des suites des blessures infligées, le 8 juillet 1943 dans le train qui le conduisait en Allemagne.
Emmanuel Macron s’est aussi rendu dans la cellule de l’historien résistant Marc Bloch, fusillé en 1944, dans celle de Klaus Barbie qui passa une semaine à Montluc en 1983, et dans un espace consacré aux 44 enfants d’Izieu, raflés sur ordre du « boucher de Lyon ». Après avoir transité une nuit dans la prison, ils ont été acheminés à Drancy, d’où ils ont tous été déportés et assassinés.
Des survivants ont plaidé pour que « la baraque aux Juifs », située dans la cour de la prison et qui a aujourd’hui disparu, soit « reconstruite à l’identique ».
« On voulait voir le Président, on est très déçus »
Dans la matinée, les commémorations sur les Champs-Élysées ont aussi été très encadrées par les forces de l’ordre. Le chef de l’Etat, escorté par la Garde républicaine, a remonté, en voiture, une avenue quasiment vide, avant de se recueillir sur la tombe du Soldat inconnu, de raviver la flamme et de serrer quelques mains dans la tribune officielle.
« On voulait voir le Président, on est très déçus. On comprend pas bien pourquoi il y a tout ce bazar », a déploré Adrien Prevostot, bloqué avec sa fille à 200 mètres de la célèbre avenue. « Les cérémonies militaires, c’est fait pour que la population soit derrière le drapeau. C’est quand même dommage pour la France », a abondé Stanislas, un habitant du quartier.
Le tweet
“Les enfants d’Izieu et les millions de morts de la Seconde guerre mondiale méritent le silence et le respect. Pas l’indignité. Il y a un temps pour tout” Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, présent à la cérémonie.