Monaco-Matin

Contrôlé avec trop d’espèces sur lui, un Ukrainien est relaxé

Un Ukrainien arrivait de Beausoleil pour passer la soirée à jouer au Casino. Arrêté par les policiers, il détenait 9 800  en espèces. Mais 4 000  en jetons non considérés comme de l’argent liquide.

- JEAN-MARIE FIORUCCI

La loi monégasque impose de déclarer tout transport d’argent en liquide à l’intérieur de la Principaut­é si le montant est supérieur à 10 000 euros. C’est la raison pour laquelle un Ukrainien, logé dans un hôtel de Beausoleil, a comparu devant le tribunal correction­nel. Notamment pour blanchimen­t du produit d’une infraction et sans faire état de la somme détenue auprès du SICFFIN dans le cadre d’un transfert transfront­alier d’espèces. La justice lui reproche d’avoir détenu une somme de 13 800 euros constatée par les policiers dans la soirée du 16 février dernier. Un pécule constitué de 9 800 euros en numéraires et l’équivalent de 4 000 euros en espèces sous la forme de jetons engrangés précédemme­nt, en grande partie à la roulette d’après le prévenu. Le président Florestan Bellinzona doute de la bonne foi de cet homme de 35 ans. « Cet argent ne cacherait-il pas un travail dissimulé ? Déjà, sur les milliers d’euros, vous ne pouviez pas

expliquer la provenance en garde à vue. Vous ne travaillez pas, vous n’êtes pas employeur. Pour vous justifier, vous évoquez un héritage de 10 000 euros et la vente d’une voiture par-ci, par-là. Expliquez-vous ! » Le personnage semble tomber des nues de se retrouver à la barre. L’argent en sa possession ? Il l’a gagné en partie au jeu. Puis, comme pour se dédouaner de tout passé répréhensi­ble, il ajoute : « Vous savez, je suis un vendeur de voitures. En

Ukraine, on peut faire commerce de véhicules sans déclaratio­ns. Là-bas c’est la guerre ! Croyez-moi, on essaie de gagner de l’argent comme on peut. J’ai atterri dans la région comme touriste et je vis dans cette commune limitrophe depuis le 15 janvier 2023. »

Un trafic de voitures ?

Le magistrat renchérit. « Vous évoquez l’héritage de votre grand-mère. Aucun document vient prouver que cette personne vous a transmis un patrimoine et que vous l’avez reçu. Ne paierait-on ni impôts ni TVA dans votre pays ? Existe-t-il au moins une trace de ce que vous avancez ? »

Le conflit actuel avec la Russie est synonyme de dégâts, de déperditio­n pour le prévenu. C’est la bonne occasion offerte au Parquet pour réagir. « Ne se sert-on pas de l’excuse de la guerre, argumente le premier substitut Valérie Sagné pour contrer pareils propos, afin de se lancer dans une activité de vendeur où l’on ne déclarerai­t rien ? »

Un instant de réflexion et la parquetièr­e poursuit : « Vous avez quitté votre pays natal le 15 janvier. Pourquoi allez-vous encore chercher les voitures en Géorgie ? On dédouane pourtant les véhicules dans ce pays du Caucase ! Alors, vous devez détenir des documents ! Ne seriez-vous pas impliqué dans un trafic de voitures ? Ici, cela s’appelle du travail dissimulé… » Mais les casiers de cet homme venu de l’Europe de l’Est sont vierges.

Le ministère public enchaîne. «Le casino est pour Monsieur un excellent système pour jouer et pour blanchir. La note pour l’infraction ? 6 900 euros, soit la moitié de la somme transporté­e, quatre mois avec sursis et la confiscati­on des espèces. Car cet individu a attendu la guerre pour se lancer dans un trafic de voitures. » Inconcevab­le, le prévenu loue le tribunal : « Dieu merci ! Vous m’avez expliqué les lois. La prochaine fois, je ferai bien attention. Soyez toutefois indulgent ! »

Le tribunal a prononcé la relaxe des faits reprochés car l’article 51-1 de l’ordonnance 2 318 fixe ce qu’il en est de l’argent liquide, et les jetons de casino ne sont pas prévus. Pour le blanchimen­t, les juges ont considéré que les conditions de l’article 218-4 du Code pénal n’étaient pas réunies : à savoir, la détention de l’argent qui ne peut avoir d’autre explicatio­n que d’en dissimuler l’origine. Donc la somme sera restituée si le parquet ne fait pas appel de la décision.

 ?? (Illustrati­on Jean-François Ottonello) ?? Les jetons de casino ne tombaient pas sous le coup de la loi.
(Illustrati­on Jean-François Ottonello) Les jetons de casino ne tombaient pas sous le coup de la loi.

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