Monaco-Matin

Le 109 à Nice IL ÉTAIT UNE FOIS... BERNAR VENET

L’artiste conceptuel revient dans la ville de ses premières oeuvres. Et investit de noir les anciens abattoirs.

- AURORE HARROUIS aharrouis@nicematin.fr

De Bernar Venet, l’on (re)connaît surtout les giga sculptures en acier Corten qui essaiment, depuis les années quatre-vingt, dans nos cités : ces « Arcs », ces « Angles » et ces « Lignes droites » ou « indétermin­ées » qui ponctuent l’espace public, jouant avec l’architectu­re stable et rectiligne, se mesurant au paysage. Ce que le grand public sait moins, c’est qu’au commenceme­nt des années soixante, il fut précurseur de nombreux concepts. C’est sur ces dernières que s’attardera l’exposition du 109 à Nice qui débute ce samedi 13 mai et se tiendra jusqu’au 2 septembre. Année 1963, plus précisémen­t. Il y a soixante ans.

« J’étais à Tarascon, à l’armée en 1961-1962, je suis rentré à Nice en 1963 pour m’installer et devenir artiste. C’est le début de cette activité, j’avais 22 ans. J’arrive rue Pairolière et je commence à faire des choses radicales », remonte l’artiste né dans les Alpes-de-HauteProve­nce en 1941 et que nous avons rencontré, entre mille projets, à sa fondation, au Muy, il y a quelques jours.

Suivre le chemin ouvert par d’autres avant lui ? C’est non ! Bernar Venet veut inventer de nouvelles voies.

« Tas de charbon » sans forme

Un soir, sortant de l’atelier, il remarque un chantier sur l’avenue de Verdun, avec un amoncellem­ent informe de gravier mêlé à du goudron qui retient immédiatem­ent son attention, entrant en résonance avec les tableaux goudron qu’il a déjà réalisés. Son « Tas de charbon » va naître de cette rencontre, de ce moment « de conversion du regard », évoque-t-il. « Le but était de montrer un tas. Librement posé sur le sol, donc sans forme spécifique et obéissant aux lois de la gravité. Que l’on installe une tonne ou deux de charbon, qu’on le place au centre d’une pièce, dans un coin ou contre un mur, qu’il fût relativeme­nt haut ou assez plat, ces considérat­ions n’avaient aucune importance. Le charbon, posé librement en tas, libérait la sculpture des a priori de la compositio­n imposée par l’artiste. »

La pièce, exposée depuis dans une quarantain­e de musées à travers le monde, dont la matière même « ne servait pas à faire une oeuvre d’art, mais était l’oeuvre d’art » selon l’expression de Venet, ouvre la voie. « Elle est autoréfére­ntielle, elle ne parle que d’elle-même. » Afin de célébrer leurs soixante ans, des « Tas » seront installés ces semaines prochaines à Montpellie­r au musée Fabre, au château de Montsoreau, dans le Val de Loire, à Meisenthal en Moselle et à Nice, donc. Là, il y aura aussi les tableaux goudron. Des tableaux situation, qui amorcent une réflexion sur la nature de l’oeuvre qui préfigure celle de ceux que l’on nommera bientôt les Conceptuel­s, et que Bernar Venet rejoindra d’ailleurs. Perfection glacée.

Livre noir sans histoire

« Pour la littératur­e, j’ai aussi fait dans ces années un livre tout noir qui sera exposé à Nice. Il ne raconte aucune anecdote ni histoire. » C’est pourtant sur les pas de sa propre histoire que remontera Bernar Venet avec cette exposition, lui qui vivait à proximité des anciens abattoirs niçois. « J’aime le côté undergroun­d de ce lieu », explique celui dont les oeuvres ont investi, dans ce même esprit, le Kunsthalle Berlin Flughafen Tempelhof l’an dernier pour une rétrospect­ive XXL. Au 109, il entend s’adresser à un « public plus jeune. C’est aussi à leur attention que je donnerai une conférence au CUM [mardi 16 mai à 10 h, ndlr], pour qu’ils écoutent aussi un peu mon histoire... J’ai toujours trouvé l’énergie pour continuer en écoutant des artistes plus âgés que moi »

« La matière ne servait pas à faire une oeuvre d’art, mais était l’oeuvre d’art »

Exposition au 109 (89, route de Turin) à Nice. Jusqu’au 2 septembre. Du mercredi au samedi, de 11 h à 18 h. Entrée libre.

Visites commentées le mercredi, jeudi et samedi à 12 h 30 et 13 h (20 minutes) ainsi que le samedi à 15 h (1 heure) sur simple demande à l’accueil. Rens. 04.97.12.71.11. ou le109.nice.fr

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 ?? (Photo © Bernar Venet) ?? Bernar Venet devant un tas de gravier mélangé à du goudron, à proximité du jardin Albert Ier à Nice, en 1963. C’est ce jour-là qu’il a eu l’idée de son « Tas de Charbon » qui sera exposé au 109, soixante ans plus tard, dès aujourd’hui.
(Photo © Bernar Venet) Bernar Venet devant un tas de gravier mélangé à du goudron, à proximité du jardin Albert Ier à Nice, en 1963. C’est ce jour-là qu’il a eu l’idée de son « Tas de Charbon » qui sera exposé au 109, soixante ans plus tard, dès aujourd’hui.

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