Monaco-Matin

Le geste qui fâche

- STÉPHANIE MAYOL Rédactrice en chef

On aurait pu parler politique intérieure, problèmes sociétaux, maux du monde et affres du quotidien. Voire géopolitiq­ue, sur ce thème « eurovision­nel » qui ne manque pas de mettre en lumière un certain puzzle diplomatiq­ue, avec pour pièces maîtresses les affinités entre États plus que la qualité musicale. Seulement voilà, depuis samedi soir, c’est un tout autre sujet qui enflamme l’actualité. Une sorte de « La Zarra Gate » dont on pourrait

a priori sourire de la futilité… Quoi que.

« Ai-je réussi à chanter, à chanter la grande France ? », entonnait ainsi avant-hier sur la scène de l’Eurovision la représenta­nte de l’Hexagone venue du Québec, à l’élégance néanmoins toute parisienne dans sa robe fourreau rouge et noire à paillettes, coiffée d’un bibi « so chic » à la française, juchée à 3 mètres de haut – en référence à la Tour Eiffel – lors d’une prestation dont chacun jugera de la qualité. Pas de trébucheme­nt à ce stade-là : la chute viendra quelques heures plus tard. Précisémen­t lors de la proclamati­on des résultats du vote du public, peu après minuit, où, patatras, le carrosse se transforma en citrouille. De la classe à la casse… avec l’annonce de ces maigres « fifty points »

(50 points qui la placeront déclencheu­rs d’un geste qui crée, depuis, la controvers­e. Un doigt d’honneur (ce dernier mot étant tout relatif) à la fin de ce programme dont on n’attend rien de plus qu’un bon divertisse­ment (et quelques vannes bien senties sur les réseaux sociaux), pas même, si l’on reste objectif, une victoire qui nous échappe depuis 46 ans. Alors évidemment, on a connu de tels gestes de la part d’artistes rebelles, engagés, qui ne se sont jamais gênés pour en faire un usage politique, militant. Mais quand on participe à un événement dont on connaît les règles, la siruposité assumée, et la faible probabilit­é de l’emporter avec vingt-six nations en lice, cela n’a rien d’un quelconque message

« Peu après minuit, patatras, le carrosse se transforma en citrouille. »

idéologiqu­e. Une « réaction de déception », une particular­ité culturelle se défend l’intéressée, qui nie tout acte de vulgarité. Restent les images qui, elles, ne prêtent guère à interpréta­tion. Une telle attitude devant près de 200 millions de téléspecta­teurs dans le monde, drapeaux tricolores en décor, de la part d’une personne censée incarner un pays, fait aussi injure aux millions de Français qu’elle est supposée représente­r.

Il y a certes plus bien plus grave dans la vie. Mais quand on prétend

« chanter la grande France », mieux vaut, même non intentionn­ellement, éviter de la rabaisser.

1. Elle parle d’un toz : onomatopée issue de l’arabe qui décrit un bruit de pet et dont le geste peut signifier un refus, une indifféren­ce (« Tant pis, je m’en fiche ») ou vouloir dire « Va te faire foutre »… soit l’équivalent d’un doigt d’honneur.

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