Le geste qui fâche
On aurait pu parler politique intérieure, problèmes sociétaux, maux du monde et affres du quotidien. Voire géopolitique, sur ce thème « eurovisionnel » qui ne manque pas de mettre en lumière un certain puzzle diplomatique, avec pour pièces maîtresses les affinités entre États plus que la qualité musicale. Seulement voilà, depuis samedi soir, c’est un tout autre sujet qui enflamme l’actualité. Une sorte de « La Zarra Gate » dont on pourrait
a priori sourire de la futilité… Quoi que.
« Ai-je réussi à chanter, à chanter la grande France ? », entonnait ainsi avant-hier sur la scène de l’Eurovision la représentante de l’Hexagone venue du Québec, à l’élégance néanmoins toute parisienne dans sa robe fourreau rouge et noire à paillettes, coiffée d’un bibi « so chic » à la française, juchée à 3 mètres de haut – en référence à la Tour Eiffel – lors d’une prestation dont chacun jugera de la qualité. Pas de trébuchement à ce stade-là : la chute viendra quelques heures plus tard. Précisément lors de la proclamation des résultats du vote du public, peu après minuit, où, patatras, le carrosse se transforma en citrouille. De la classe à la casse… avec l’annonce de ces maigres « fifty points »
(50 points qui la placeront déclencheurs d’un geste qui crée, depuis, la controverse. Un doigt d’honneur (ce dernier mot étant tout relatif) à la fin de ce programme dont on n’attend rien de plus qu’un bon divertissement (et quelques vannes bien senties sur les réseaux sociaux), pas même, si l’on reste objectif, une victoire qui nous échappe depuis 46 ans. Alors évidemment, on a connu de tels gestes de la part d’artistes rebelles, engagés, qui ne se sont jamais gênés pour en faire un usage politique, militant. Mais quand on participe à un événement dont on connaît les règles, la siruposité assumée, et la faible probabilité de l’emporter avec vingt-six nations en lice, cela n’a rien d’un quelconque message
« Peu après minuit, patatras, le carrosse se transforma en citrouille. »
idéologique. Une « réaction de déception », une particularité culturelle se défend l’intéressée, qui nie tout acte de vulgarité. Restent les images qui, elles, ne prêtent guère à interprétation. Une telle attitude devant près de 200 millions de téléspectateurs dans le monde, drapeaux tricolores en décor, de la part d’une personne censée incarner un pays, fait aussi injure aux millions de Français qu’elle est supposée représenter.
Il y a certes plus bien plus grave dans la vie. Mais quand on prétend
« chanter la grande France », mieux vaut, même non intentionnellement, éviter de la rabaisser.
1. Elle parle d’un toz : onomatopée issue de l’arabe qui décrit un bruit de pet et dont le geste peut signifier un refus, une indifférence (« Tant pis, je m’en fiche ») ou vouloir dire « Va te faire foutre »… soit l’équivalent d’un doigt d’honneur.