Monaco-Matin

Quand l’or ne suffit plus

2e Une semaine après leurs titres de champions du monde, Marjolaine Pierré et Clément Mignon étaient à Fréjus. Installé à Nice, le couple en a profité pour déplorer la précarité des triathlète­s qui consacrent leurs carrières aux épreuves longue distance.

- LAURENT SEGUIN

Les adeptes du triple effort le savent, concilier vie de couple et s’entraîner sur trois discipline­s connues pour être particuliè­rement chronophag­es, relève de l’équilibris­me. Une sorte de quadrature du cercle que Marjolaine Pierré et Clément Mignon ont résolu en choisissan­t non seulement de s’entraîner, mais surtout de vivre ensemble. Et comme l’union fait la force, les deux tourtereau­x viennent de signer un doublé aux championna­ts du monde longue distance ITU (l’un des trois labels de cette discipline à côté de l’ATP du triathlon que l’on appelle circuit PTO et de l’Ironman), disputés dimanche dernier à Ibiza. Couverts d’or donc, mais pas d’argent puisque le couple installé depuis quelques mois à Nice, a bien plus de facilités à boucler les centaines de bornes des épreuves longues distances sur lesquelles il s’aligne, que ses fins de mois.

« Les sponsors veulent des titres olympiques, mais on n’est pas aux Jeux »

« C’est très instable, raconte Clément Mignon. On a quelques aides de partenaire­s privés, mais ça reste quand même très limité. Surtout que l’on a lancé notre carrière à la sortie du Covid. Et ce n’était pas la période idéale. Si le longue distance devenait olympique, on aurait plus d’aides, mais le Comité olympique penche plutôt vers le très très court », regrette celui qui s’est notamment imposé sur les Ironman d’Andorre en 2021 et du Pays d’Aix l’an dernier avec, à la clé des primes qui restent hypothétiq­ues. « Encore faut-il les prendre, sourit le jeune homme de 24 ans. Un titre olympique offre un contrat avec l’Armée, un salaire tout le mois. Les sponsors veulent des titres olympiques, mais nous, on n’est pas aux Jeux », déplore Clément Mignon.

« J’aimerais savoir pourquoi il y a du breakdance aux Jeux de Paris et pas de triathlon longue distance, ajoute Marjolaine Pierré. Sur plein de sports, il y a plusieurs épreuves, et chez nous, il n’y en a qu’une, le courte distance (1,5 kilomètre de natation, 40 de vélo et 10 de course à pied). Alors que ça n’a rien à voir. J’aimerais en discuter avec le président de la fédération, peste celle qui a dû renoncer à la poursuite de ses études après quatre fractures de fatigue consécutiv­es quand elle tentait de jongler entre 25 à 30 heures d’entraîneme­nts par semaine et ses bouquins. Comme j’aimerais savoir pourquoi il y a quarante contrats avec l’Armée pour ceux qui font du courte distance et aucun pour ceux qui font du long », demande Marjolaine Pierré. Une interrogat­ion à laquelle, le président de la fédération française de triathlon, lui aussi présent à Fréjus, a justement pu répondre.

Cédric Gosse : « On se retrouve un peu piégés »

« On aide aussi le long, se défend Cédric Gosse. Alors évidemment, ce n’est pas sonnant et trébuchant, mais par un encadremen­t, par des stages, par des financemen­ts d’épreuves, on essaye de les aider. Mais c’est vrai qu’on a une concentrat­ion des moyens qui nous est demandée sur la distance olympique, concède celui qui a pris ses

fonctions en janvier 2021. Et ça se joue au niveau de la fédération internatio­nale de triathlon où des questions se posent déjà sur la distance du format olympique. On commence à entendre certaines remarques sur la durée de l’épreuve (autour de deux heures). J’ai entendu dire que la partie vélo à Tokyo était longue, que l’on s’ennuyait un peu. On est de plus en plus sur une notion de sport spectacle. Le long, ce n’est pas la tendance, prévient Cédric Gosse. Même nous, sur la question du Grand Prix (championna­t de France des clubs dont la première des cinq étapes se jouait samedi à Fréjus), nous ne faisons plus que des formats sprint (d’une durée d’une heure). Les distribute­urs que sont l’Équipe 21 ou d’autres chaînes, nous demandent de compresser les épreuves. Et on se retrouve un peu piégés. »

La fédération ne pourra pas inverser le sens de l’histoire. Et comme Marjolaine Pierré et Clément Mignon ne se voient pas non plus faire demi-tour pour retourner vers des formats courts qui les obligeraie­nt à « répartir de zéro », les deux tourtereau­x sont contraints au système D. Une autre forme d’équilibris­me.

Bourdon quelle première !

S’imposer sur un triathlon courte distance est une chose. Forcer le respect d’une légende de la discipline telle qu’Olivier Marceau en est une autre. Du haut de ses 18 ans, le Raphaëlois, Enzo Bourdon a pourtant à la fois gagné la course courte distance hier et le respect du champion du monde, sacré en 2000, en Australie. « Son ascension est fulgurante, glissait Marceau, septième sur la ligne d’arrivée. Il prouve que même en commençant tard, en venant de nulle part,onpeutperc­er.Jeluitireu­ncoupdecha­peau», insistait le pensionnai­re du Saint-Raphaël Triathlon au sujet de celui qui s’offre son premier format olympique, dès sa première participat­ion.

« J’ai commencé ici il y a quatre ans, souriait Enzo Bourdon après un peu moins de deux heures d’efforts. J’ai débuté au club de Saint-Raphaël, avant de m’engager à Nice (au Team Nissa Triathlon) il y a un an, afin de faire des courses de deuxième division. Mon début de saison a été contrarié par des blessures, mais cette victoire me donne de la confiance ».

 ?? (Photo Florian Escoffier) ?? Sacrés champions du monde de triathlon longue distance à Ibiza le 7 mai dernier, Clément Mignon et Marjolaine Pierré s’accordent une courte respiratio­n.
(Photo Florian Escoffier) Sacrés champions du monde de triathlon longue distance à Ibiza le 7 mai dernier, Clément Mignon et Marjolaine Pierré s’accordent une courte respiratio­n.

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