L'Officiel Hommes (Morocco)

L’ART CONTEMPORA­IN AFRICAIN MIS EN LUMIÈRE

Présenté à la Foire d’art contempora­in africain 1: 54, le livre d’André Magnin et Mehdi Qotbi, « Lumières africaines, l’élan contempora­in » réunit pour la première fois les biographie­s de 80 artistes africains.

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Cosigné par Mehdi Qotbi, président de la Fondation nationale des musées, et André Magnin, commissair­e d’exposition et expert internatio­nalement reconnu, Lumières africaines, l’élan contempora­in rassemble les biographie­s et les images de leurs oeuvres les plus marquantes de 84 artistes africains. Parmi eux : William Kentridge (Afrique du Sud), Abdoulaye Konaté (Mali), Chéri Samba (République démocratiq­ue du Congo), Oumar Ly (Sénégal), Romuald Hazoumè (Bénin), aux génération­s plus récentes : Zoulikha Bouabdella­h (Algérie), Soly Cissé (Sénégal), Pieter Hugo (Afrique du Sud), Mouna Karray (Tunisie) et Youssef Nabil (Egypte), entre autres. Particuliè­rement présent dans l’ouvrage, l’art du Maroc réunit Ahmed Cherkaoui et Mohamed Kacimi, les pères de l’art moderne du Royaume, et les grands noms de la scène actuelle : Mohamed El Baz, M’barek Bouhchichi, Hassan Darsi, Hassan Hajjaj ou encore Fatiha Zemmouri. André Magnin revient pour nous sur la genèse de cette oeuvre monumental­e présentée le 24 février dernier à Marrakech à l’occasion de la foire d’art contempora­in africain 1: 54.

L’Officiel Hommes : Comment vous est née l’idée de ce livre sur l’art contempora­in africain ? André Magnin :

Patricia Defever-Kapferer, directrice des éditions Langages du sud, avait l’idée d’éditer un livre qui offrirait un panorama de l’art contempora­in africain concernant l’ensemble du continent. J’avais déjà fait plusieurs livres ou catalogues d’exposition­s dédiés à l’art contempora­in de l’Afrique subsaharie­nne. Nous avons beaucoup échangé et j’ai été séduit par ce projet inédit. Concevoir ce livre en collaborat­ion avec Mehdi Qotbi, dont j’avais beaucoup entendu parler mais que je ne connaissai­s pas personnell­ement, m’est apparu comme la garantie d’une expertise certaine. J’espère que la conjugaiso­n de nos connaissan­ces aura permis de donner naissance à ce premier ouvrage que je pense unique en son genre.

Quelle a été l’idée directrice de ce livre ?

Dès le départ, nous savions, Mehdi et moi, que nous ne pourrions faire un livre qui puisse prétendre à l’exhaustivi­té. L’idée a donc été de proposer une vision, nécessaire­ment subjective, mais qui donne cependant à voir combien l’Afrique est riche d’un art diversifié, d’une multitude d’artistes, d‘expression­s, de techniques, de savoirs, d’imaginaire­s. Vous savez, je pense qu’il y a une spécificit­é de l’art contempora­in africain, comme l’art chinois ou indien, mais qu’il n’y a pas pour autant d’unité entre les peintres de Kinshasa et de Rabat, un photograph­e de Maputo, du Mali ou du Sénégal, un sculpteur du Bénin et du Zimbabwe. Chacun a sa propre culture, ses façons de créer avec des matériaux différents, sa façon d’envisager le monde et d’en inventer… De même que Warhol est profondéme­nt new-yorkais, Chéri Samba est profondéme­nt congolais, de Kinshasa, comme Bodys Isek Kingelez, Moké ou le jeune Mika. On parle tout de même d’un continent de 54 pays et de plus d’un milliard d’habitants !

Comment avez-vous procédé pour rassembler les biographie­s de ces 80 artistes africains ?

Avec Patricia et Mehdi, nous voulions couvrir le plus large spectre possible et présenter les artistes qui comptent et dans le plus grand nombre de pays du continent. J’espère que nous y sommes parvenus et que ce livre est une assez juste introducti­on à cette diversité qui apparaîtra évidente à tout le monde, que l’on soit spécialist­e, amateur ou plus simplement connaisseu­r.

En tant qu’expert internatio­nal, comment voyez-vous l’évolution de l’art contempora­in en Afrique ?

L’art se développe dans les pays où la puissance économique et la stabilité politique permettent l’éclosion d’un marché local, l’ouverture de galeries d’art, d’institutio­ns privées ou publiques, et la présence de collection­neurs. En Afrique, les courants artistique­s sont en train de se construire peu à peu. L’Afrique du Sud, le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Sénégal, le Cameroun, le Bénin ou la République démocratiq­ue du Congo sont les pays où l’art s’est implanté durablemen­t. Historique­ment, l’Afrique du Sud détient un marché important déjà bien établi, qui soutient ses artistes. C’est la scène la plus structurée. On pourrait aussi citer le Mali avec les Rencontres Photograph­iques et, bien sûr, le Nigeria. Lagos compte un grand centre d’art contempora­in, des galeries, une école d’art qui existe depuis un siècle et promeut un festival de photo renommé. Peu à peu, l’Afrique construit donc son propre modèle. Les artistes peuvent désormais vivre de leur travail, car un véritable marché s’ouvre à eux. À l’aube du 20e siècle, plus que jamais, l’Afrique est porteuse d’espoir. Toute la force et la nouveauté de l’approche des artistes résident dans la liberté qu’ils se sont octroyée.

Et au Maroc ?

Le Maroc fait partie des pays africains qui possèdent une scène artistique historique­ment établie. Les institutio­ns jouent leur rôle, de plus en plus, et les acteurs qui concourent à faire de ce territoire un marché dynamique sont présents : galeries, fondations, musées, foires, collection­neurs, critiques d’art, etc. Le Maroc est aussi un pays qui valorise son ancrage africain, qui prend conscience qu’il fait partie de ce continent. De cette volonté de se tourner vers l’Afrique est né un grand nombre d’initiative­s qui contribuen­t à une émergence de l’art africain.

Avec le musée YSL ou la récente Foire 1:54, Marrakech semble devenir une place incontourn­able de l’art et de la culture ?

Je ne suis certaineme­nt pas la personne la mieux placée pour prédire l’avenir de Marrakech. Néanmoins, je vois une ville très cosmopolit­e évoluer, se transforme­r et je pense qu’elle possède tous les atouts pour devenir un véritable pôle artistique africain. Marrakech est connectée, lumineuse, accueillan­te, ouverte, tolérante. Elle accueille aussi beaucoup d’initiative­s culturelle­s et ce phénomène va s’accentuer. Tout cela contribue donc à en faire une ville à part dont je ne connais pas d’équivalent en Afrique.

“Lumières africaines, l’élan contempora­in”, Éditions Langages du sud, 200 p.

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