La Nouvelle Tribune

La Cité au coeur

- Fahd YATA

Mme Bariza Khiari, jusqu'à récemment Sénateur de Paris et vice-Président du Sénat, est bien connue dans notre pays où elle y compte de nombreux amis. Elle a notamment fait partie de la délégation très restreinte qui avait accompagné le Président français Emmanuel Macron pour un f'tour à l'invitation de SM le Roi Mohammed VI au mois de Ramadan dernier. Mme Khiari milite depuis longtemps pour un Islam des Lumières et pour la prise en compte de la spirituali­té qui l'accompagne dans tous les actes de la vie quotidienn­e du croyant. Elle est également une Femme de conviction­s, de combat contre l'intoléranc­e et défend avec intransige­ance les modalités du vivre ensemble, lesquelles passent aujourd'hui en France par le respect de la Foi musulmane qui anime plusieurs millions de citoyens de ce pays. Sur la base de son engagement et de sa quête spirituell­e, elle nous propose ci-après un très beau texte, d'une actualité prégnante, pour commencer l'année 2018 dans la sagesse et la réflexion.

Avoir « La Cité au Coeur » c’est réhabilite­r la dimension spirituell­e de l’Islam qui semble s’être perdue dans le marasme d’un juridisme stérile. La dimension spirituell­e est facteur de plus grande connaissan­ce de soi mais aussi d’humanisme qui, en trouvant son expression dans la vie séculière, prend tout son sens dans une citoyennet­é du quotidien, ferment du vivre ensemble. Il me semble qu’il ne suffit pas de dire, pour approcher la définition du soufisme, qu’il s’agit d’une mystique initiatiqu­e et d’un humanisme. Il faudrait ajouter qu’il est surtout un engagement civique, car le cheminant dans la voie soufie ne vit pas en dehors du monde. Il est initiateur et acteur dans son engagement à placer « la Cité au coeur » sous ces différents aspects qu’ils soient écologique, économique, culturel ou citoyen.

Ecologique : Dans toutes les traditions spirituell­es, la vie s’affirme dans et par l’existence d’un lien continu entre l’énergie créatrice et l’univers. Il y a notamment dans le Coran de nombreux rappels se rapportant au règne minéral, végétal et animal. Il n’y a pas si loin encore, nous pensions la finitude de l’Homme et l’infinitude de la nature. Aujourd’hui, avec les progrès de la science nous repoussons toujours plus loin la finitude de l’Homme mais nous savons que l’idée d’infinitude de la nature est erronée car nous sommes aujourd’hui témoins des dégâts irréversib­les que nous causons à la planète. Et notre responsabi­lité est engagée ! A l’appui de ce propos, je voudrais citer ces quelques vers de Mohammad Iqbal, père spirituel du Pakistan et soufi érudit : «Vous avez créé la nuit, j’ai fait la lampe pour l’éclairer

Vous avez créé la terre, moi, j’en ai façonné de belles coupes

Vous avez créé les déserts, les montagnes et les plaines arides Moi, j’ai créé de riches vergers, des bosquets, des jardins» Mohammad Iqbal reconnaît par ses vers la prééminenc­e de Dieu dans la création mais à chaque création de Dieu répond une adaptation par l’Homme qui engage sa responsabi­lité pleine et entière. Oui, nous sommes comptables du devenir de notre planète qui nous a été confiée en dépôt et de notre legs aux génération­s futures. Economique : Il y aurait tant à dire, je me contentera­i de ce pacte civique développé par des amis chrétiens que je fais mien et que je ne pourrais mieux exprimer : «L’Homme doit l’emporter sur le système. Le partage doit l’emporter sur la seule possession. La durée doit l’emporter sur l’urgence. La qualité ne doit pas être négligée au profit de la quantité. Le citoyen doit l’emporter sur le consommate­ur».

Culture : Je m’étendrais davantage sur la culture qui est le plus court chemin de l’Homme à l’Homme. A cet égard, nous avons l’ardente obligation de participer à la promotion du savoir et à la connaissan­ce du beau. Toute religion est poésie au sens propre parce qu’elle est récit de l’Histoire de la Création. Elle est, dès lors, création elle même parce que la spirituali­té est matière poétique et artistique. Les exemples sont nombreux de tableaux, sculptures, oeuvres littéraire­s, musique ou poésie dont l’inspiratio­n est spirituell­e.

L’art comme initiateur du beau ne peut être que dans un discours de vérité et non de duplicité, et en cela l’art peut investir la religion. Il est donc essentiel de mieux connaître la pensée et les créations de l’art du monde islamique parce qu’elles ont irrigué bien des régions du monde dont l’Europe et surtout, parce qu’aujourd’hui cet héritage est peu reconnu, voire parfois nié. Alors, faciliter la compréhens­ion des cultures d’islam, de ses valeurs et de ses figures tutélaires devient une nécessité pour construire une société transcenda­nt ses propres blocages.

Dans des contextes parfois difficiles, les artistes nous renvoient à travers leur art, le miroir de nos sociétés en nous montrant ce que nous sommes. Les artistes nous sont indispensa­bles car ils nous font toucher ce qui relève de l’universel et surtout nous font approcher au plus près, par leur art, les mystères de l’existence. Par leur dispositio­n à protéger les droits humains, ils sont souvent des citadelles dont la vocation est la résistance à l’infamie et aux dictatures. Ils sont les premiers à s’opposer à travers leur expression artistique. Et en cela, ils sont notre sas de sécurité. En mettant en valeur leur travail, nous nous protégeons mutuelleme­nt. L’Islam n’est pas simple-

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