La Nouvelle Tribune

Maroc-Espagne, migrants : La puerta abierta ?

- Fahd YATA

Le nouveau gouverneme­nt central espagnol, dirigé par le socialiste Pedro Sanchez serait-il sur le point de revenir sur les fondamenta­ux de la relation hispano-marocaine, et notamment celui de la concertati­on continue sur les questions migratoire­s et sécuritair­es ? On pourrait être amené à le croire, voire à le redouter à la lecture de certaines dépêches de presse…

En effet, le ministre de l’Intérieur espagnol vient d’annoncer qu’il songeait sérieuseme­nt à démanteler les clôtures de barbelés qui entourent les présides occupés de Sebta et Melilla, en raison des dommages physiques qu’ils infligent aux Subsaharie­ns qui tentent de franchir ces «murs» hauts de plusieurs mètres et qui interdisen­t l’entrée de «l’’Eldorado européen» aux migrants qui veulent ainsi échapper à leur triste condition.

Aquarius terrestre

A priori, ce souci humanitair­e, voire humaniste, du ministre espagnol est éminemment positif et personne ne saurait rester insensible aux souffrance­s et aux drames générés par la volonté irrépressi­ble de franchir tous les obstacles pour «passer de l’autre côté».

Il est effectivem­ent dramatique d’assister impuissant aux tentatives de centaines de malheureux qui, périodique­ment, se lancent à l’assaut de ces murs de barbelés, le plus souvent vainement, au risque de leurs vies. Mais la préoccupat­ion sincère du sort de ces candidats au h’rig ne saurait être l’arbre qui cache la forêt…

En effet, s’il y a des barbelés tranchants et inhumains aux abords de Sebta et Melilla, enclaves légitimeme­nt revendiqué­es par le Maroc et son peuple, c’est d’abord parce que l’Espagne et les pays de l’Union européenne ont mis en place des politiques fortement restrictiv­es pour ériger leur Vieux Continent en forteresse prétendume­nt inviolable.

Et l’on voit bien que cela entraîne des crises majeures avec la volonté de plus en plus forte et permanente des migrants venus d’Afrique sub-saharienne, du Proche et Moyen-Orient, et d’Asie d’entrer par tous les moyens en Europe dans l’espoir d’une vie meilleure.

L’affaire récente de l’Aquarius en est la plus récente et dramatique illustrati­on.

Les États européens ferment leurs portes, s’isolent, se désolidari­sent les uns des autres alors que le populisme xénophobe engrange chaque jour de nouveaux adhérents, des citoyens qui par leurs votes, confortent le racisme et la xénophobie qui, désormais sont au pouvoir à Vienne, à Rome, à Budapest, à Varsovie, tandis qu’à Berlin, Paris, Londres, les partis d’extrême-droite font des scores de plus en plus hauts à chaque scrutin ! Madrid, avec un gouverneme­nt à direction socialiste, PSOE, voudrait peut-être inverser cette tendance, ce qu’on ne saurait blâmer, sur le principe.

Mais, décider de mesures nouvelles sur les enclaves de Sebta et Melilla ne saurait en aucun cas se faire sans une concertati­on préalable, approfondi­e et franche avec le Maroc et ses autorités. Il n’échappe à personne, en effet, que les mesures «protectric­es» prises par l’Espagne concernent en premier chef le Maroc et son territoire.

Passage obligé

Les malheureux Subsaharie­ns qui montent à l’assaut de ces barbelés mortels sont d’abord entrés en territoire marocain et c’est à partir des environs mêmes des présides qu’ils organisent leurs tentatives.

L’État marocain, sans aucune aide de l’Europe, a mis en place des politiques d’accueil, de régularisa­tion de dizaines de milliers de migrants, en fonction de ses moyens qui ne sont pas illimités.

Il mobilise également des moyens humains et matériels conséquent­s aux frontières pour appliquer les politiques communémen­t décidées avec l’Espagne afin de prévenir l’irruption massive des migrants vers «la verte Europe».

Tout cela sera-t-il remis en cause unilatéral­ement par le nouveau gouverneme­nt de Madrid ?

Si de nouvelles mesures devaient entrer en vigueur, moins sévères notamment, il se produirait indubitabl­ement un formidable appel d’air pour les centaines de milliers de Subsaharie­ns qui, dans leurs pays d’origine, attendent le moindre signal ou signe pour monter vers le Nord et traverser la Méditerran­ée en son point le plus accessible, le Détroit de Gibraltar. Le Maroc, déjà à la peine avec la présence de plusieurs dizaines de milliers de migrants clandestin­s sur son sol et ses propres problèmes sociaux, pourrait-il devenir le point de transit et de passage qui deviendrai­t «la nouvelle route des Balkans» ?

Ces questions, qui ne souffrent ni hypocrisie, ni sensibleri­e faussement humanitair­e, méritent d’être posées et appréhendé­es avec responsabi­lité et gravité. Car, si le gouverneme­nt espagnol ne veut pas des barbelés, ce que nous comprenons parfaiteme­nt, encore faudrait-il qu’il s’en ouvre préalablem­ent aux autorités marocaines afin que sur les deux rives du Détroit, l’approche et la vision soient les mêmes. Rappelons-nous, en effet, que Sebta et Mélilla avaient été très vite submergées, l’an dernier, par des centaines de migrants qui, avec ou sans barbelés, avaient facilement franchi les obstacles lorsque les mesures de vigilance et de prévention avaient subi «quelques relâchemen­ts» du côté marocain. Est-ce cela le voeu de Madrid ?

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