Fonction Achats, les enseignements de la crise du coronavirus
La crise sanitaire liée à la Covid-19 a causé des perturbations au niveau des chaînes d’approvisionnement mondiales avec des niveaux de gravité qui diffèrent d’un secteur d’activité à un autre.
Une des sources principales de ces perturbations provient du maillon amont de la chaîne d’approvisionnement qui s’étend sur plusieurs fournisseurs. En effet, il suffit qu’un seul fournisseur de rang 4, 3, 2 ou 1 suspende son activité industrielle pour provoquer une discontinuité des flux logistiques.
Pour découvrir les stratégies déployées par les directeurs achats afin d’atténuer les risques provoqués par le COVID-19, ESCA école de management a organisé, mardi 30 juin, une conférence en ligne sous le thème «Quelle Gestion des Risques dans la Fonction Achats Post Covid-19 ?».
Il existe plusieurs sources de risques pour les directions achats : perte de marchés, ruptures de la Supply-Chain, des impacts sociétaux dus à des fermetures administratives de sites, etc.
Cependant, trois risques ressortent et constituent une priorité dans la gestion de cette pandémie. Il s’agit du risque de rupture d'approvisionnement, des risques logistiques et des risques juridiques dans les relations avec les fournisseurs.
Quel rôle alors a joué la direction achat pendant la période de la Covid-19?
«Nous étions en front office, et étions sollicité tous les jours par le comité de direction » ; affirme Mounia Khourach, directrice achats à LafargeHolcim Maroc. Et d’ajouter : «Avec les chantiers qui se sont arrêtés, et en conséquence les ventes aussi, on s’est tourné vers la direction des achats, se demandant ce que celle-ci allait proposer dans un contexte économique où plus rien ne se vend». Il est à noter que l’arrêt des chantiers BTP durant le confinement, a eu un impact direct sur le secteur du Ciments au Maroc, un impact qui devrait s’étaler sur toute l’année 2020. Attijari Global Research prévoit, dans son rapport analytique intitulé «Covid-19 : des lueurs d’espoir au bout du tunnel», un repli de 20% de la consommation du ciment au Maroc en 2020.
Comment la direction des achats de LafargeHolcim Maroc s’est mobilisée durant cette période? «La première chose que nous avons fait est de renégocier les « open PO», les commandes déjà engagées et non livrées. Tout ce qui n’a pas été obligatoire au bon fonctionnement de la société a été reporté ou annulé vers une échéance ultérieure. Nous avons ensuite travaillé sur les contrats», souligne Mme Khourach. Celle-ci explique qu’au niveau des contrats, il existe une close intitulé «cas de force majeurs». «La pandémie étant un cas de force majeure, il a fallu faire valoir cette close pendant cette période parce que nous avons des engagements visà-vis des fournisseurs, des minimums garantis à payer…» souligne Mme Khourach.
Le troisième sujet sur lequel la direction achats a travaillé est celui du cash. «Nous avons renégocié l’ensemble des contrats et des délais de paiement que nous avons avec nos fournisseurs. Parce que nous n’avons plus de cash in, notre obligation était de limiter le cash out », explique-t-elle.
La crise de la Covid-19 a également permis une collaboration plus renforcée de la direction Achats avec d’autres fonctions stratégiques de l’entreprise, et lui a donné plus de pouvoir. C’est ce qu’affirme Amal Hafiani, procurement director, North Africa Cluster chez GlaxoSmithKline (GSK).
Pour elle, cette crise sanitaire fut une opportunité pour la direction achats d’avoir plus de pouvoir. «Nous sommes devenu un consultant important qui doit gérer tout ce qui se passe en amont et en aval que ce soit avec les fournisseurs où en interne», explique-t-elle.
Cette crise a permis de renforcer encore plus le positionnement de la fonction achat au sein de GSK, non seulement au niveau local mais aussi au niveau régional. « Notre périmètre d’intervention s’est élargi notamment sur le digital et la cyber criminalité. Nous avons constaté un gain en productivité malgré la crise et le télétravail. Nous avons réussi à créer de cette crise une opportunité nouvelle aussi bien au niveau du business que celui du département achat », affirme Mme Hafiani.
De son côté, Jamal El Kherrat, directeur achats, budgets et marchés, Groupe BCP, a énuméré 4 solutions pour traiter les risques. La première est l’acceptation, « ne rien faire et se dire que le dispositif est performant ». La deuxième solution est l’évitement ou l’annulation du risque, « soit arrêter toute activité source de risque ou porteuse de risque ». La troisième est le transfert ou le partage de risque à une entité tierce ou une filiale. Le dernier point pour M. El Kherrat, est la réduction de l’impact. Une solution appliquée par un grand nombre d’organisation parce que cela permet d’améliorer le dispositif, de l’ajuster et de le rendre modifiable, explique-t-il.