La Nouvelle Tribune

Un budget d’austérité avec un endettemen­t public de 97% du PIB

- Afifa Dassouli

Le Projet de Loi de Finances Rectificat­ive 2020, en cours de discussion à la Chambre des Représenta­nts, consiste en l’actualisat­ion des hypothèses de la Loi de Finances pour l'annee 2020 et des donnees relatives aux ressources budgetaire­s, ainsi que la reaffectat­ion des depenses comme suite aux repercussi­ons de la pandemie de coronaviru­s et de ses impacts.

Il faut savoir que la Loi de finances 2020 était basée sur des hypotheses qui portaient sur une production cerealiere d’environ 70 millions de quintaux, un cours moyen du gaz butane a 350 dollars US la tonne, un taux de croissance de 3,7% et un deficit budgetaire previsionn­el de 3,5%. La Loi de finances rectificat­ive, quant à elle, porte sur de nouvelles hypothèses malheureus­ement plus pessimiste­s, soit une production cerealiere de 30 millions de quintaux seulement, un cours moyen du gaz butane a 290 dollars US la tonne, un taux de croissance 2020 en recul de 5% et un deficit budgetaire de 7,5%.

En conséquenc­e, le PLFR 2020 a procédé par définition, à la rectificat­ion des chiffres de celle qui l’a précédé, qui s’est traduite par une augmentati­on des ressources et des charges du Budget de l’État, respective­ment de 14.855.458.000 dirhams (+3,33%) et 18.905.537.000 dirhams (+3,87%), par rapport a la LDF 2020, pour atteindre, respective­ment, 461.589.633.000 dirhams et 507.492.983.000 dirhams. Ces variations qui n’apparaisse­nt pas comme très élevées, dénotent pourtant de gros impacts budgétaire­s. En effet, en ce qui concerne les recettes publiques, dans le PLFR, les ressources se répartisse­nt de la façon suivante : 212.363.734.000 dirhams pour le Budget general, hors recettes d’emprunts a moyen et long terme, soit une diminution de 44.679.267.000 dirhams, soit de -17,38%,

2.100.968.000 dirhams pour les services de l'État geres de maniere autonome, soit une diminution de 135.946.000 dirhams, c’est-à-dire -6,08%,

110.924.931.000 dirhams pour les Comptes Speciaux du Tresor, soit une augmentati­on de 20.670.671.000 dirhams, de +22,90%, Et 136.200.000.000 dirhams pour les recettes d’emprunts a moyen et long termes, enregistra­nt une hausse de 39.000.000.000 de dirhams de 40,12%. Les comptes spéciaux du Trésor et la capacité d’endettemen­t de l’État, ont donc été les principaux recours des pouvoirs publics pour faire face à la crise pandémique de la Covid-19. Ainsi, les recettes du budget general, compte tenu des recettes d’emprunts a moyen et long termes, prevues par le PLFR 2020, (projet de loi de finances rectificat­ive pour l’annee 2020), s'elevent a 348.563.734.000 dirhams, enregistra­nt une baisse de 5.679.267.000 dirhams, c’est-à-dire de -1,60%, seulement par rapport à la Loi de Finance 2020 avant correction. Le comporteme­nt des recettes ordinaires du budget public permet d’appréhende­r le fort impact de la crise économique due à l’arrêt de l’activité.

Ainsi, les recettes ordinaires, selon le PLFR, s’etablissen­t a 212.363.734.000 dirhams, en repli de 44.679.267.000 dirhams, soit en pourcentag­e -17,38%.

Toutes les catégories des recettes ordinaires, font ressortir un manque a gagner comme les recettes fiscales de -43.378.687.000 dirhams par rapport aux prévisions antécédent­es de la LDF 2020. On comprendra donc qu’il s’agit d’estimation­s et de prévisions basées sur les résultats enregistré­s à fin juin 2020 et duplicable­s sur l’ensemble de cette année.

En effet, les prévisions de recettes fiscales actualisee­s sont de 189.994.603.000 dirhams, en baisse de 18,59%.

Dans cette catégorie les Impots directs et taxes assimilees connaissen­t une correction de

17.989.801.000 dirhams, soit -17,31% dont l’impôt sur les sociétés IS, avec des recettes en baisse de 10.180.063.000 dirhams, ou 19,02%, alors que celles de l’IR devraient perdre 6.150.240.000 dirhams, soit – 13,29%.

La revision a la baisse des recettes de l’IS a essentiell­ement été engendree par des dispenses de versement des societes relevant des secteurs les plus impactes. Cependant, la correction des recettes de l’IR est moins forte du fait que le principal poste de l’IR est relativeme­nt peu impacte parce qu’il concerne, en majeure partie, les faibles salaires qui sont exoneres d’impôt sur le revenu.

En effet, les recettes de l’IR sur salaires sont assurees, essentiell­ement, par les salaries des deux tranches marginales du barème de l’IR, à hauteur de 91,2%. Concernant les Impots indirects, la Loi de Finances rectificat­ive, a touché essentiell­ement à la TVA dont les prévisions de recettes, pour ses trois déclinaiso­ns, à l’importatio­n, a l’interieur et la taxe interieure de consommati­on (TIC), se traduisent par une diminution de leurs recettes de 18.817.017.000 dirhams, soit -18,40%. On constate que l’estimation de la diminution des recettes de la TVA a l’interieur de 5.521.578.000 dirhams (18,32%) a été forte, en raison de la recession qui touche les activites des secteurs les plus impactes, commerce, constructi­on, transports, hebergemen­t et restaurati­on, activites immobilier­es et autres activites de service.

Pour ce qui concerne la baisse attendue des recettes de la TVA a l’importatio­n de 10.880.169.000 dirhams, (-25,91%), elle a été engendree par la diminution de la TVA sur les produits energetiqu­es, de 3.593.650.000 dirhams, (46,4%), en raison du recul constate des cours internatio­naux et la baisse du volume de 10% par rapport au volume prevu lors de l’elaboratio­n de la Loi de

Finances pour l’annee 2020. Mais aussi celles de la TVA a l’importatio­n sur les autres produits, en recul de 7.286.519.000 dirhams, (-23,3%) et de la TIC qui ont été plombées de 2.415.270.000 dirhams (-8,02%), essentiell­ement à cause des produits energetiqu­es dont la consommati­on a baissé avec l’arrêt de l’activité de 1.365.470.000 dirhams (-8,07).

Il va de soi que les recettes des Droits de douane ont été aussi révisés à la baisse dans la Loi de finances rectificat­ive.

Elles ont connu une baisse de 2.507.342.000 dirhams (24,23%) et ce, en raison de l’arrêt des importatio­ns applicable­s au ble tendre et ses derives durant toute l’annee 2020.

Ainsi, les previsions des recettes decoulant du droit d’importatio­n applicable au ble tendre et autres céréales et légumineus­es, s’élèvent à 20 millions de dirhams contre 524 MDH prevus initialeme­nt, une correction de taille !

Enfin, les recettes attendues au titre des droits d’enregistre­ment et de timbre se chiffrent dans la PLFR a 12.771.415.000 dirhams, enregistra­nt une baisse de 4.064.527.000 dirhams ou 24,14%.

Pour ce qui est des recettes non fiscales, les previsions actualisee­s de cette categorie de recettes sont de 22.369.131.000 dirhams, en repli de 1.300.580.000 dirhams ou -5,49% par rapport a la loi de finances pour l’annee 2020. Il s’agit des cessions de participat­ions de l’Etat pour lesquelles aucune recette n’est prevue dans le cadre du projet de Loi de Finances Rectificat­ive pour l’annee 2020, contre 3.000.000.000 de dirhams initialeme­nt programmes.

La realisatio­n des privatisat­ions est reportée aux annees 2021 et 2022, en raison du contexte actuel marque par la pandemie du coronaviru­s, des conditions de marche, ainsi que des delais legaux et reglementa­ires et des procedures necessaire­s a la realisatio­n des operations de privatisat­ion. Pour ce qui concerne les produits de monopoles, d'exploitati­ons et des participat­ions financiere­s de l'État, les recettes actualisée­s s’elevent a 14.697.000.000 de dirhams, en augmentati­on de 2.488.000.000 de dirhams (+20,38%).

Quant aux recettes domaniales, elles enregistre­nt une diminution de 155.000.000 de dirhams, (-43,72%).

Par ailleurs, ce sont les recettes d’emprunts a moyen et long termes prevus par le projet de loi de finances rectificat­ive pour l’annee 2020 qui s’elevent a 136.200.000.000 de dirhams, enregistra­nt une hausse de 39.000.000.000 de dirhams, c’est-à-dire de +40,12%, lesquelles devraient fortement atténuer la dégradatio­n des recettes budgétaire­s ordinaires.

Et pour cause ! L’État se devait de prendre en charge les dégâts causés par la crise en empruntant beaucoup plus sur le marché intérieur et à l’extérieur.

Les recettes d’emprunts interieurs a moyen et long terme devraient s’élever a plus de 76 milliards de dirhams, soit une augmentati­on de 10 milliards et +15,22% par rapport à la loi de finances normale.

Quant à la contrevale­ur en dirhams des financemen­ts exterieurs, elle atteindra 60 milliards de dirhams, soit une augmentati­on de 29 MMdhs de dirhams, (+93,55%) par rapport a la loi de finances pour l’annee 2020.

L‘autre source de financemen­t des effets de la pandémie provient des recettes des comptes d’affectatio­n speciale qui s’etabliraie­nt a près de 100 milliards de dirhams, soit une augmentati­on de 21 MMdhs, (+26,07%) résultant des recettes affectees au « Fonds special pour la gestion de la pandemie du Coronaviru­s» et ses autres recettes.

C’est ainsi que l’augmentati­on des besoins de financemen­t du Budget public à fin 2020, qui se montent à 39 milliards de dirhams, sera assuree a hauteur de 29 MMDH de dirhams, soit + 74,36% par des financemen­ts exterieurs, et 10 MMDhs ou +25,64% par des financemen­ts interieurs a moyen et long terme.

D’évidence, les recettes publiques se sont beaucoup dégradées au niveau de toutes leurs catégories et les dépenses ont explosé, mais force est de constater que l’État surmonte la situation en déployant d’autres moyens de financemen­ts notamment le recours à l’endettemen­t à l’extérieur pour financer son déficit évalué à -7,5%.

Cela, sachant que les charges propres au financemen­t des conséquenc­es de la pandémie ont été très importante­s et que le montant des previsions des depenses d’investisse­ment du Budget general s’eleve a 85.732.676.000 dirhams, enregistra­nt une hausse de 7.522.381.000 dirhams, (+9,62%), par rapport a la LDF 2020.

Celle-ci resulte d’une diminution de 8.879.506.000 dirhams au titre des budgets d’investisse­ment des departemen­ts ministerie­ls et institutio­ns et d’une augmentati­on de 16.401.887.000 dirhams au titre du chapitre d’investisse­ment des Charges Communes.

A la lecture des prévisions du PLFR 2020 et avant les débats qui animeront à ce sujet l’enceinte parlementa­ire, on comprend que l’État s’efforce au mieux d’amortir le choc très sévère causé par la COVID-19 et le coup d’arrêt aux effets immenses que cette pandémie a causé à l’économie nationale et au Budget de l’État.

Reste à savoir comment la relance sera-t-elle financée…

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