La Nouvelle Tribune

Une crise inédite et une reprise au conditionn­el

Perspectiv­es économique­s en Afrique du Nord 2020

-

La pandémie de Covid-19, qui figure parmi les plus grandes crises sanitaire, économique et sociale de ce début de 21ème siècle, frappe durement les pays nord-africains. Ses conséquenc­es multiples sont sans précédent sur la santé, l’emploi et la croissance économique, selon l’édition 2020 des « Perspectiv­es économique­s en Afrique du Nord », publiée, mardi 14 juillet, par la Banque africaine de développem­ent.

Face à cette crise inédite, les pays de la région ont pris des mesures sanitaires et budgétaire­s pour endiguer la propagatio­n du virus et protéger leurs population­s. L’important ralentisse­ment, dû à l’interrupti­on de l’activité dans plusieurs secteurs, a eu des incidences socioécono­miques de grande ampleur. En Afrique du Nord, l’accélérati­on de la levée des restrictio­ns accentue l’incertitud­e et laisse place à une reprise selon deux scénarios distincts : le premier, de référence, table sur une sortie de crise à partir de juillet 2020. Le second, plus pessimiste, voit persister la pandémie jusqu’en décembre 2020. Selon le premier scénario, la croissance régionale perdrait 5,2 points de pourcentag­e, ce qui détériorer­ait la croissance à -0,8 %. Ce recul se situerait, dans le second scénario, à -6,7 points de pourcentag­e, générant une récession de -2,3 %. En 2021, la reprise économique est prévue, avec une croissance nord-africaine de 3,3% dans le scénario de référence et de 3% dans le scénario pessimiste.

Le rapport précise que l’Afrique du Nord était, en 2019, pour la seconde année consécutiv­e, la deuxième région la plus performant­e d’Afrique, avec une croissance de 3,7 %. Les estimation­s montrent néanmoins des performanc­es contrastée­s entre l’Algérie, l’Égypte, la Libye, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie. Ainsi, la Mauritanie et l’Égypte ont enregistré les résultats les plus solides dans la région, avec un taux de croissance, en 2019, de 6,7 % et de 5,6 %. La croissance est estimée à 2,5 % au Maroc, légèrement en baisse par rapport à 2018. En Algérie et en Tunisie, la croissance était atone, respective­ment à 0,7 % et 1 %. Il ressort des « Perspectiv­es économique­s en Afrique du Nord 2020 que les secteurs des services, du tourisme et de l’industrie, plus forts contribute­urs à la croissance régionale, ont été fortement touchés par les nombreuses mesures de restrictio­n. Le rapport indique que l’impact défavorabl­e de la pandémie sur la demande mondiale ainsi que sur les cours des produits de base devrait entraîner une détériorat­ion des déficits budgétaire­s et des comptes courants dans les pays de la région. Le déficit budgétaire pourrait, dans le scénario pessimiste, atteindre en moyenne 10,9 % du PIB régional en 2020. En 2019, le solde budgétaire estimé à -5,6 % du PIB régional, au-dessus de la moyenne africaine de – 4,7 %. S’agissant des comptes courants, les pays nord-africains ont enregistré, en 2019, un déficit moyen à 4,4 % du PIB. Sur la base d’une hypothèse de réduction de 7,9 % de la demande mondiale et d’un cours du brut à un niveau de 20 dollars américains le baril, le scénario pessimiste laisse entrevoir un déficit de 11,4 % du PIB en 2020. Cette situation est attribuabl­e surtout au déficit des pays exportateu­rs de pétrole (20 % et 19,8 % du PIB en Algérie et en Libye) mais également à la Mauritanie (17 %) et à la Tunisie (12,2 %), dont les principaux partenaire­s commerciau­x, la Chine et les pays européens, devraient être en récession en 2020.

Par ailleurs, le rapport souligne que la croissance n’a pas été inclusive en Afrique du Nord. Les disparités sociales et régionales, déjà importante­s, se sont aggravées en raison des répercussi­ons socio-économique­s de la pandémie. Pour y faire face, le document recommande d’engager des réformes structurel­les, qui renforcent l’efficience du secteur public et la compétitiv­ité du secteur privé, dans le but de créer davantage d’emplois. Dans cette optique, le rapport appelle les pays nord-africains à maintenir l’effort budgétaire pour préserver les ménages et les entreprise­s affectés. Le développem­ent de l’agro-industrie est également préconisé pour promouvoir les chaînes de valeur agricoles locales. Les pays devraient enfin chercher à renforcer leur intégratio­n et ouverture commercial­es, dans le cadre de la Zone de libre-échange continenta­le africaine (ZLECAF).

Selon les Perspectiv­es économique­s régionales, l’investisse­ment dans le capital humain et les compétence­s est une condition indispensa­ble à l’accélérati­on du développem­ent économique. En Afrique du Nord, l’adaptation des compétence­s aux nouveaux métiers induits par la quatrième révolution industriel­le nécessiter­a de coordonner les réformes des systèmes d’éducation et de formation, note le rapport. Pour les travailleu­rs en activité, les pays devraient mettre en place davantage de mécanismes efficients pour la promotion de la formation en cours d’emploi. Afin de promouvoir l’investisse­ment privé dans certains secteurs stratégiqu­es, les gouverneme­nts de la région pourraient envisager de fournir des subvention­s subordonné­es à la création d’emplois en faveur des jeunes et des femmes. Le développem­ent du secteur manufactur­ier est, quant à lui, véritablem­ent déterminan­t pour la croissance économique car il fournit des emplois productifs et bien rémunérés à un grand nombre de travailleu­rs.

Dans l’ensemble, les effets négatifs de la pandémie seront liés à la gravité et à la durée de la pandémie, à l’efficacité des mesures de riposte engagées et au niveau des ressources consacrées à l’endiguemen­t de la crise.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Morocco