Les leçons à tirer de la crise selon Oualalou...
Policy Center for the New South
Fathallah Oualalou est Senior Fellow au PCNS, et vient d’analyser, sous tous ses angles, l’impact de la Covid-19 sur la mondialisation.
Selon lui, cette crise est considérée comme une évaluation de la réputation de la mondialisation et du monde au regard des efforts consentis pour gérer la crise sanitaire. Ces évènements feront une référence dans la construction d’un système multilatéral, et la mondialisation doit préparer des réponses pour faire face aux transformations qui résultent de cette période critique dans les secteurs économique, géopolitique et sociétal.
Les Etats devront s’endetter pour financer leurs plans de relance économique, en considérant les nouvelles contraintes des politiques publiques à revenir sur les normes orthodoxes de la macroéconomie. Sur le niveau global, la crise a renforcé la régionalisation et a brisé cette chaine de valeur qui favorisait le processus de délocalisation industrielle en faveur de l’Asie. D’ailleurs, l’Afrique devrait en tirer des leçons si elle compte prendre part à ce monde en reconstruction. De plus, la pandémie a mis en avant une nouvelle bipolarisation due à l’antagonisme entre les Etats-Unis et la Chine. La crise n’a pas épargné la société, et a révélé de nouveaux aspects d’iniquités où les premières victimes de cette pandémie sont issues des classes sociales en situation difficile. La crise n’est cependant pas qu’une série de “scénarios catastrophes”. Par exemple, le confinement a accéléré la révolution digitale grâce au télétravail et à la mise en place des diverses formes de contacts à distance (vidéoconférences, activités éducatives, médiatiques et artistiques).
Au Maroc, le pays doit mettre en oeuvre ses expériences acquises pendant cette pandémie afin de maintenir sa réputation et faire face aux transformations géopolitiques à venir. Par conséquent, le Maroc doit adopter un modèle de développement qui servira de stratégie pour réduire sa dépendance vis-à-vis du reste du monde et renforcer les solidarités régionales.
Pour l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, 2020 restera dans l’histoire l’année du Coronavirus, bien sûr, mais, surtout, celle de l’ébranlement des certitudes. Le choc économique provoqué par la pandémie a révélé l’extrême vulnérabilité de la mondialisation, présentée jusque-là comme triomphante. ‘‘Si nous sommes encore loin de la sortie de crise, nous savons déjà que la mondialisation n’en sortira pas indemne : elle ne sortira pas indemne de la révision radicale du fonctionnement de l’économie, des remises en cause des politiques publiques, des systèmes politiques et sociétaux et, même, des rapports entre les Etats qui se profilent déjà. Il y aura désormais l’avant Covid-19 et l’après Covid-19’’.
La vulnérabilité que le Covid19 a révélée ‘‘nous interpelle nous, Marocains, Maghrébins, Sud-méditerranéens et Africains. Elle doit nous conduire à prendre conscience de la valeur du voisinage comme un bien commun, à ouvrir nos frontières, créer les bases de réconciliation et de rapprochement, pour renforcer notre position de négociation dans la gestion de la mondialisation post-2020’’. Et d’ajouter que cette crise sanitaire doit conduire à promouvoir les partenariats nécessaires pour réduire notre dépendance vis-à-vis du reste du monde, dépendance que nous devons à nos seules défaillances. Car, explique-t-il, après 2020, les chaines de valeur régionales pourraient se substituer aux chaines de valeur mondiales: ‘‘ La proximité prendra sa revanche sur le lointain. Nous devons, dans cette approche, interpeller l’Europe voisine qui a, une fois encore, révélé ses difficultés à rassembler ses efforts, que ce soit sur le plan politique, économique, technologique ou scientifique. Elle doit, désormais, s’unir et tendre la main à sa proximité, l’aire Sud-méditerranéenne et l’Afrique pour construire avec elles un nouveau pôle de rayonnement et asseoir les bases d’une mondialisation nouvelle, plus équilibrée et partagée’’.
Pour conclure, Oualalou estime que dans la région afroeuro-méditerranéenne, c’est à l’Europe de tirer les leçons de cette crise sanitaire et économique : réduire sa dépendance au niveau des chaines de valeur mondiales avec le lointain et créer des interdépendances solides avec sa proximité au Sud. Promouvoir la relocalisation des activités industrielles pour les intégrer dans une logique régionale qui intègre l’aire afro-méditerranéenne permettant, ainsi, de redonner à la Méditerranée sa centralité en tant que mer européenne et africaine.