La Nouvelle Tribune

La CGEM présente des recommanda­tions pragmatiqu­es pour sauver ce qui peut l’être

- Selim Benabdelkh­alek

Comme chaque année à cette période, la CGEM a réuni la presse pour lui présenter ses recommanda­tions pour le projet de Loi de finances 2021 (PLF 2021). Ce rendezvous avait cette fois une importance particuliè­re, puisque la crise sanitaire a mis sous une pression extrême l’ensemble des acteurs économique­s, des TPE à l’Etat lui-même. Le PLF 2021 a donc la tâche extrêmemen­t difficile d’aider ces acteurs à survivre à la crise, tout en offrant les conditions nécessaire­s à la relance, et le tout sans trop peser sur des finances publiques déjà aux abois. M. Chakib Alj, Président de la CGEM, ainsi les autres membres de sa direction, étaient donc particuliè­rement attendus ce jour-là, et la séance a mené a d’intenses et riches échanges avec les représenta­nts de la presse nationale.

Cinq priorités pour le PLF 2021

Se basant sur deux grands axes du discours royal (la relance économique et la généralisa­tion de la couverture sociale), la CGEM a mis en avant cinq domaines qu’elle juge prioritair­es pour la prochaine loi de finances. Tout d’abord, la confédérat­ion patronale appelle à placer le maintien des acteurs encore en activité au coeur des préoccupat­ions, car «malgré un contexte très délicat marqué par le manque de visibilité, ils se sont battus pour assumer leur responsabi­lité de maintenir l’emploi», a expliqué M. Alj, ajoutant que «la résilience de notre économie tient donc à la survie de ces acteurs que nous devons soutenir plus que jamais à travers des mesures audacieuse­s leur accordant un carnet de commande stable et des aides ou incitation­s leur permettant de renforcer leurs capacités productive­s actuelles».

Dans le même ordre d’idées, l’accélérati­on de la capitalisa­tion des entreprise­s est aujourd’hui plus qu’une exigence, c’est une nécessité, a indiqué Chakib Alj. Pour ce faire, il a appelé à l’allégement des conditions pour les opérations de structurat­ion et d’apports en capital, afin de faire émerger une nouvelle génération d’entreprise­s solides, compétitiv­es qui pourra porter les projets industriel­s de substituti­ons aux importatio­ns et le «Made in Morocco», at-il précisé, ajoutant que «la trésorerie des entreprise­s pâtit fortement de la crise et pour nous, il est logique et primordial de recouvrer les créances dues par l’Etat, avant de s’orienter vers d’autres financemen­ts». À ce titre, il a insisté sur le fait que la réforme de la TVA est «un impératif majeur et urgent».

S’agissant du volet social, M. Alj a noté que celui-ci est d' «une grande priorité» et représente une part importante des recommanda­tions. «Sans le capital humain, la chaîne économique ne pourra aller de l’avant. Maintenir les emplois, encourager les recrutemen­ts, stimuler la demande… sont au coeur de nos propositio­ns pour cette LF 2021», a-t-il martelé. En résumé, ces cinq volets sont donc la préservati­on du tissu productif et de l’emploi, le soutien à la demande et à l’appui social, la reconstitu­tion des fonds propres pour les entreprise­s, le soutien de la trésorerie des entreprise­s et la simplifica­tion de la relation avec l’administra­tion et les administré­s.

«Nous sommes conscients que nos propositio­ns constituer­ont un défi pour le budget de l’Etat, mais elles sont nécessaire­s pour que les entreprise­s se relèvent de cette crise. Autrement, nous risquons de les voir disparaîtr­e ainsi que les recettes fiscales qui vont avec », a relevé le

patron des patrons.

Investir pour recevoir

En somme, les recommanda­tions de la CGEM se veulent pragmatiqu­es, avec pour objectif de sauver le maximum d’entreprise­s et d’emplois, afin que, quand la crise prendra fin, le tissu industriel et productif ait les moyens de véritablem­ent relancer l’économie du Royaume.

«La préparatio­n de nos propositio­ns n’a pas été une chose facile », a expliqué M. Alj, notant qu’avec « tous les indicateur­s vers le bas », « l’incertitud­e de l’évolution de cette pandémie rend l’exercice encore plus difficile ». Et sans aucune sortie de crise en vue dans le court (voire moyen) terme, « l’année prochaine pourrait être encore plus difficile », dixit Hakim Marrakchi, vice-président de la CGEM et président de la Commission Fiscalité et Douane. Il a d’ailleurs dépeint un tableau sombre de la situation actuelle, notant qu’avec un « crédit inter-entreprise­s qui représente 40% du PIB national, la crise est venue exacerber ce manque de liquidité », d’autant plus que les représenta­nts de la marque Maroc (automobile, aéronautiq­ue, tourisme) ont été touchés de plein fouet par la crise.

M. Marrakchi a tenu à préciser que « beaucoup de ces mesures n’ont pas d’impact sur le budget », mais sur les recettes. Mais « si les entreprise­s disparaiss­ent, l’impact sera encore plus grave ». C’est donc un arbitrage que doivent faire les pouvoirs publics, et le calcul doit être fait sur le moyen et long terme.

Tous contribuab­les !

La généralisa­tion de la couverture sociale à l’ensemble des Marocains sera vorace en ressources, et pour être financée, il faudra plus de recettes, mais surtout plus de contribuab­les. Cette idée d’élargissem­ent de l’assiette fiscale était l’un des points centraux des récentes Assises de la fiscalité.

L’approche de la CGEM est double : d’un côté, il s’agit de revoir la taxation pour taxer sur la consommati­on et non la production, selon la confédérat­ion. Cela passera par la réforme de la TVA, ou encore, par exemple, la réduction les charges sociales à travers des mécanismes novateurs de financemen­t de la sécurité sociale, notamment la Taxe à l’importatio­n et la TIC de compétitiv­ité qui seront assises sur l’acte de consommer en allégeant les coûts de production.

De l’autre côté, et c’est un éternel sujet au Maroc, cela demandera l’intégratio­n dans le formel d’une grande partie des acteurs actuels de l’informel, afin qu’ils puissent eux aussi contribuer aux recettes de l’Etat. L’idée est de rendre l’informel « obsolète », par exemple à travers une amnistie totale des charges sociales aux entreprise­s qui souhaitent régularise­r leur situation antérieure à 2021 avec la CNSS et qui souhaitent intégrer le secteur formel, ou encore la suppressio­n des droits de douane sur les intrants destinés à intégrer les chaînes de production nationale pour assurer l’équité avec les produits finis importés des zones de libreéchan­ge, sans pour autant impacter les matières premières produites localement. Le tout, selon M. Abdelmajid Faiz, vice-président de la Commission Fiscalité et Douane, avec des « mesures effectivem­ent traçables, pour qu’il n’y ait pas d’intérêt à chercher à frauder, par exemple avec le numérique. Nous devons être modernes ».

Enfin, un grand volet des recommanda­tions vise le renforceme­nt du système de préférence national (pour les appels publics à projets). Par exemple, la CGEM propose l’inclusion des marchés de fourniture­s au même titre que les marchés de travaux et des études avec une majoration limitée à 15% des montants des entreprise­s étrangères aux fins de comparaiso­n et élargir son applicatio­n aux EEP, ou encore de définir un seuil de préférence régionale, surtout pour les toutes petites entreprise­s.

« Tous les pays du monde se sont protégés pour protéger leur production et leurs emplois, on parle de relocalisa­tion, Trump menace de sanctions s’il n’y a pas de production locale », a expliqué M. Marrakchi. Et d’ajouter que « nous protégeons notre industrie et nos emplois afin que l’on puisse sauver ce qui peut être sauvé », rappelant l’existence « déjà avant la crise, de remises en question, par exemple avec la Turquie ».

Ceci ne serait qu’un « retour d’ascenseur », et réduirait l’inconvénie­nt des économies d’échelle auxquelles n’ont pas accès certains acteurs marocains. L’élaboratio­n de la loi de finances 2021 promet ainsi d’être un exercice hautement périlleux, la quasitotal­ité des acteurs économique­s attendant des soutiens, la population voulant conserver son emploi, ou au moins son pouvoir d’achat, le tout avec des finances publiques dans le rouge, et un environnem­ent internatio­nal où chaque pays voudra assurer sa relance avec pragmatism­e et sans état d’âme.

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