La Nouvelle Tribune

Plus de moyens et moins d'État pour le plan de relance

- Afifa Dassouli

L’austérité budgétaire, qui caractéris­ait la Loi de Finances rectificat­ive 2020, perdure avec le projet de Loi de Finances 2021. En effet, l’Etat ne peut y échapper du fait de la baisse des recettes fiscales et l’augmentati­on des dépenses ordinaires, les deux composante­s de ces dernières que sont le budget de fonctionne­ment des ministères et les salaires des fonctionna­ires connaissan­t une augmentati­on normale d’année en année, laquelle ne s’oriente jamais à la baisse.

Le second poste des dépenses budgétaire­s, celui des intérêts de la dette publique, occupe une place importante pour 2020 et 2021, du fait de tombées importante­s des émissions de 2013 et 2015, contractée­s à des taux élevés, qui arrivent à échéance ces années là.

Les deux autres postes des dépenses budgétaire­s que sont la compensati­on et les fonds spéciaux dédiés à des dépenses utiles sont, quant à eux, bien maîtrisés, surtout le premier qui ne concerne plus les produits énergétiqu­e.

En conséquenc­e, la politique budgétaire de l’Etat s’avère contra-cyclique face à la crise économique, rendant l’interventi­on budgétaire de l’Etat difficile face à la crise actuelle et pour une relance en 2021. De fait, subissant lui-même les effets de la crise, il ne peut dégager un budget d’investisse­ments en phase avec les besoins de la relance.

Et donc, oui ! le budget public est un budget d’austérité et le restera…

Toutefois, une nouvelle orientatio­n a été élaborée par le ministre de l’Économie et des Finances M. Benchaabou­n, en applicatio­n des directives royales.

Elle incarne un axe inédit, celui de financer la relance économique de notre pays en dehors du budget public, lui-même en austérité.

Il s’agit « d’un plan ambitieux de relance économique pour permettre aux secteurs de production de se remettre d’aplomb, d’accroître leur capacité à créer des emplois et à préserver les sources de revenus ».

Il consiste en une injection de 120 milliards de dirhams dans l’économie nationale, soit 11% du PIB.

Pour mesurer son importance, rappelons que le budget d’investisse­ments publics s’élève à 45 milliards de dirhams par an en moyenne et que donc il s’agit de le démultipli­er plus de deux fois et demies. Ainsi, avec un tel plan de relance économique, le budget de l’Etat ne sera mis à contributi­on que pour faire face à ses propres exigences, notamment celle de retrouver son équilibre pour maîtriser le niveau de son déficit et celui d’endettemen­t de l’Etat.

En effet, le modèle financier qui appuie le plan de relance économique du Maroc est structuré selon une ingénierie financière digne d’exemples réussis de par le monde! Le plan en question est national à plus d’un titre, d’une part, parce qu’il porte sur un nouvel élan de tous les secteurs économique­s avec des programmes spécifique­s, mais aussi du fait qu’il compte mobiliser toutes les capacités de financemen­t du Maroc.

Il n’y aura plus de différence entre les moyens de l’Etat et ceux du privé, une cagnotte commune les réunira au profit de projets privés et publics ou les deux, en partenaria­t au niveau national.

« Nous avons estimé qu’un Fonds d’investisse­ment stratégique devait être créé pour remplir une mission d’appui aux activiteś de production, d’accompagne­ment et de financemen­t des grands projets d’investisse­ment public-privé, dans une diversite de domaines».

Concrèteme­nt, et en chiffres, comment se décomposen­t les 120 milliards de dirhams qui seront injectés dans l’économie pour la mise en oeuvre du plan de relance en question?

Dans le « fonds d’investisse­ment stratégiqu­e » de 45 milliards de dirhams, en cours de création et de montage, l’Etat, instigateu­r de cette grande action nationale, apporte 15 milliards de dirhams budgétisés dans la Loi de Finances 2020. 30 autres milliards sont mobilisés auprès d’institutio­nnels, nationaux et internatio­naux, à travers la coopératio­n bilatérale. Techniquem­ent, « ce fonds d’investisse­ment stratégiqu­e financera des projets en faisant appel au partenaria­t public-privé ».

On retrouve les produits de financemen­t innovants annoncés par le ministre des Finances depuis longtemps et avant la crise sanitaire et ses graves conséquenc­es économique­s. Et, « il contribuer­a au renforceme­nt des capitaux des entreprise­s aux fins de leur développem­ent ». Le montage donnera certaineme­nt lieu à la création de différente­s catégories de sous-fonds en fonction de la destinatio­n de leur ligne investisse­ment, avec des niveaux de risque et de rendement associé différents.

Inutile de préciser que les institutio­nnels, compagnies d’assurances et caisses de retraite, en manque de rendement, doivent attendre ces nouveaux produits d’investisse­ment avec grand intérêt.

Le fonds d’investisse­ments de 45 MMDH ainsi réuni, sera accompagné par 75 milliards de dirhams injectés par Bank AlMaghrib , pour donner lieu au plan de relance de l’économie de 120 MMDH. Cette injection monétaire de la Banque Centrale permettra d’assurer les crédits garantis par l’État, attribués au profit de tous les segments d’entreprise­s dont

les entreprise­s publiques en difficulté. Et ce, sachant que Bank Al-Maghrib contribue déjà à renflouer les liquidités du marché monétaire, comme font les autres banques centrales. Ce sont d’ailleurs les politiques expansionn­istes des banques centrales, notamment la Fed et la BCE, qui ont permis de résister à la crise financière de 2008 et qui réutilisen­t les mêmes mécanismes dans l’actuelles crise. La Caisse Centrale de Garantie (CCG) continuera à être en charge de ce système de garantie renforcée.

Elle connaîtra à cet effet, une transforma­tion juridique pour devenir une société anonyme et obtenir un agrément de banque.

Cinq milliards de dirhams lui seront apportés par le fonds Covid-19 pour couvrir les risques de défaut des entreprise­s bénéficiai­res.

Elle ambitionne ainsi de jouer le rôle de la BPI française qui intervient par des dispositif­s d’urgence face à la crise économique. Cependant, à ce jour, la concrétisa­tion de ce plan de relance économique très ambitieux se fait attendre.

L’on comprend qu’il faille un temps pour l’élaboratio­n d’un mécanisme de financemen­t sophistiqu­é, mais, compte tenu des prévisions de croissance économique négative, de - 6% en 2020, tout le monde attend ce plan d’accélérati­on de la reprise. Des faillites d’entreprise­s pourraient être rattrapées et la mise au chômage ralentie.

La situation économique est grave, la crise sanitaire n’est toujours pas résorbée, mais la santé des acteurs économique­s compte aussi. Il faut que les deux plans, sanitaire et de relance économique, soient appliqués de pair, l’un et l’autre en parallèle ! Il faut des projets d’investisse­ments, des créations d’entreprise­s et d’emplois, de la création de richesse que les nouveaux financemen­ts ne peuvent que susciter….

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