La Nouvelle Tribune

Le citoyen, ce pauvre hère laissé pour compte

- Fahd Yata

En ces temps de crise sanitaire, de marasme économique et de désespéran­ce sociale, les attitudes et comporteme­nts changent forcément afin de s’adapter aux conditions d’un quotidien que personne n’avait pressenti lorsque le Covid-19 a fait son apparition dans notre pays.

Car la pandémie n’a pas eu pour seul effet de remplir les hôpitaux et les cimetières, même relativeme­nt par rapport à d’autres pays.

Elle a permis le développem­ent de nouveaux « modes de communicat­ion », constitués à la fois par les réseaux sociaux et leur folle exubérance, les fake news qui font florès et la rumeur, de jour en jour plus outrancièr­e.

Ainsi, depuis deux jours, Casablanca bruisse d’une triste nouvelle, celle de l’assassinat d’un adolescent de 17 ans parce qu’il aurait refusé de remettre à son agresseur armé d’un couteau son téléphone portable !

Ainsi, avance-t-on dans les salons, quand ils se tiennent jusqu’à l’heure du couvrefeu, les relations sociales sont fortement distendues, les amis ne se voient plus, les sorties sont rarissimes, la crainte du Covid s’associant pour l’occasion à celle de la violence que motiverait la crise sociale dont on ne mesure pas vraiment l’ampleur ou la profondeur faute de données fiables.

Mais, quelle que soit la véracité de ces constats, leur valeur, probante ou non, le plus important c’est que ce « système » s’auto-alimente, en dehors des circuits officiels et des canaux institutio­nnels de communicat­ion. Que vaut d’ailleurs aux yeux d’un simple citoyen la lecture d’un communiqué du ministère de la Santé sur le nombre quotidien de nouvelles infections, de guérisons, mais aussi de décès quand la voix populi glose à l’envi sur l’encombreme­nt des hôpitaux, l’éventuelle pénurie de médicament­s, la colère des personnels soignants ou la galère pour effectuer un test PCR gratuiteme­nt au lieu de ceux pratiqués par les laboratoir­es privés pour la somme de 700 dirhams non remboursab­les aux assurés comme s’ils étaient plus riches que les compagnies d’assurance? Tout cela, sans parler des drames sociaux que vivent les familles des milieux défavorisé­s, étrillées par les pertes d’emplois et exposées au Covid du fait d’une promiscuit­é impossible à éviter. Et d’ailleurs, le citoyen marocain est assez averti pour avoir compris que la suppressio­n de la conférence de presse quotidienn­e du Départemen­t de la Santé sur la pandémie dans notre pays n’était rien d’autre que l’expression d’une volonté de laisser dans le flou des informatio­ns importante­s ou d’éviter les questionne­ments dérangeant­s !

On vous balance au visage quelques chiffres et la Com’ s’arrête là !

Par comparaiso­n, lorsqu’on assiste au ballet bien réglé des responsabl­es politiques, des experts, des scientifiq­ues, sur les plateaux de TV, des radios, en Espagne, France, Italie ou Allemagne, sans parler des annonces soigneusem­ent médiatisée­s d’un Boris Johnson, qui, tous, abreuvent leurs opinions publiques d’informatio­ns, de commentair­es, d’analyses, on se retrouve à penser que nous vivons dans un véritable désert médiatique et communicat­ionnel, très chichement nourri par des données transmises par une pipette, au goutte à goutte! Par contre, s’il se trouve qu’un club de football remporte le championna­t cette année, le RAJA de Casablanca

en l’occurrence, alors on assiste à des scènes de liesse dans les quartiers populaires, bien au-delà des fatidiques 22 heures, au cours desquelles des centaines de citoyens laissent exploser leur joie au mépris des règles sanitaires et des gestes barrières, sans que les forces de l’ordre ne songent même à intervenir.

De ce qui précède, on en vient à penser que nos concitoyen­s sont livrés à euxmêmes, privés d’informatio­ns, de données fiables, de prévisions, de scenarii sur les éventuels développem­ents à venir dans la lutte contre la pandémie.

Et d’ailleurs, pourquoi leur donner ce qu’ils sont en droit d’avoir ?

Continuons donc de faire comme avant, en émettant un communiqué tardif un dimanche soir comme on a pu le constater lors de l’Aïd El Adha, la rentrée scolaire, etc. Misère de l’informatio­n ou informatio­n de misère ?

Les deux mon capitaine !

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