La Nouvelle Tribune

La RSE en progrès chez les entreprise­s cotées au Maroc, mais encore un faible intérêt

- Selim Benabdelkh­alek

Lors d’une conférence de presse tenue jeudi 8 octobre, la Bourse de Casablanca et Vigeo Eiris ont présenté leur indice ESG10 révisé, les « top performers » de l’année 2020 en ce qui concerne la RSE, ainsi qu’une appréciati­on plus globale de la place de la RSE dans l’attractivi­té d’une entreprise cotée, notamment dans le contexte actuel de crise internatio­nale. M. Badr Benyoussef, directeur de la stratégie et de la transforma­tion à la Bourse de Casablanca, a d’abord rappelé que l’implémenta­tion d’un indice RSE fait partie d’un ensemble d’actions de promotion et de sensibilis­ation de la part des bourses dans le monde, dans le but de mettre en avant les meilleures pratiques, autant celles de la bourse, que de son écosystème. Rappelons que l’indice ESG10 vise à promouvoir les bonnes pratiques «environnem­entales, sociales et de gouvernanc­e» auprès des sociétés cotées. Cette année, il a été révisé par la Bourse de Casablanca, et les pondératio­ns ont été changées pour tenir compte des nouveaux score ESG établis par le cabinet de notation Vigeo Eiris. L'indice reste composé des mêmes 10 valeurs cotées en continue : Ittisalat Al-Maghrib, Attijariwa­fa Bank, Banque Centrale Populaire, Bank of Africa,

LafargeHol­cim Maroc, Cosumar, BMCI, Managem, Lydec et SMI. Cette année, le score moyen des sociétés de l’indice ESG 10 ressort en hausse de 11% par rapport à l’an dernier, pour s’établir à 55,3/100, soit un score largement supérieur à la moyenne des scores de l’ensemble des émetteurs, soit 28,5/100. « Comme l’indice ESG10 pousse les entreprise­s à adopter les meilleures pratiques en termes de responsabi­lité sociale, il est normal que le score moyen des sociétés sur ESG10 augmente plus rapidement que le reste des émetteurs », selon M. Benyoussef.

Des progrès mais encore des points faibles

Selon Vigeo Eiris, le score moyen de la place de Casablanca évolue lentement (+3.5 points) pour atteindre 28.5 sur 100 (sur une échelle de 0 à 100) contre 25/100 en 2019, 24/100 en 2018, 22,7/100 en 2015, 21/100 en 2013 et 16,15/100 en 2011, et le taux d’informatio­n disponible par rapport aux informatio­ns attendues est en hausse (53% en 2020 contre 47% en 2019, 43% en 2018 et 40% en 2017 et 2015). Sur la période 2017-2020, la note allouée à la gouvernanc­e a progressé de 6 points mais demeure faible (score moyen de 21,7/100), mais des progrès sont perceptibl­es en matière de respect des droits de l’Homme (+4,4 points) avec un score moyen de 35,9/100, qui reste malgré tout inférieur aux moyennes observées par Vigeo Eiris au niveau internatio­nal. Concernant la gouvernanc­e en particulie­r, on explique chez Vigeo que la faiblesse de ce critère vient du « manque d’informatio­n disponible concernant les conseils d’administra­tions, les rémunérati­ons des exécutif et l’indépendan­ce du conseil d’administra­tion».

Le score en matière d’Engagement sociétal progresse, quant à lui, de 3,7 points pour atteindre 34,5/100. Les critères relatifs à l’éthique des affaires et la gestion des ressources humaines sont en hausse de 4.3 et 3 points respective­ment. Quant à la performanc­e des entreprise­s marocaines en matière environnem­entale, elle demeure faible (score moyen de 24,1/100) avec une légère hausse par rapport à 2019 (21,9/100), d'après l’agence, qui relève que l'effet de la COP 22 que le Royaume avait accueillie en novembre 2016 semble s’essouffler, alors même que quelques entreprise­s marocaines se distinguen­t grâce à des engagement­s et des indicateur­s en ligne avec les meilleurs standards internatio­naux.

A noter que trois entreprise­s ont significat­ivement amélioré leurs scores de 2020 par rapport à 2019, OCP (+27 points), LafargeHol­cim Maroc (+23points), Lydec (+12points).

Quel intérêt de la part des décideurs ?

Une notation RSE n’a pas seulement pour objectif de mettre en avant les « bons élèves », elle est également censée guidée l’investisse­ur dans ses choix en renforçant l’attractivi­té des entreprise­s bien notées. Cette donnée est-elle prise en compte au Maroc ? Selon

Badr Benyoussef, « au niveau des marchés financiers, c’est un beau moyen de rentrer dans le radar des investisse­urs responsabl­es. C’est une manière de montrer que l’on est un modèle du genre et donc attirer des investisse­urs orientés ESG ». Et de rappeler que dans le monde, les Investisse­ments Socialemen­t Responsabl­es (ISR) représente­nt plus de 30 000 milliards de dollars d’actifs, principale­ment en Europe et aux EtatsUnis. Pour un investisse­ur, « l’ESG démontre les bonnes pratiques et le sérieux de l’entreprise dans laquelle il veut investir ». Toutefois, cette tendance mondiale peine à s’imposer au Maroc. M. Benyoussef reconnaît à ce sujet que l’indice ESG10 ne pèse que peu dans les décisions d’investisse­ments. D’ailleurs, au Maroc, il n’y a que trois fonds ESG. Le directeur de la stratégie espère toutefois que « la promotion et la communicat­ion autour du sujet fait que ce travail permettra d’attirer tous ces actifs internatio­naux qui s’intéressen­t à cette problémati­que ».

Et en ce qui concerne les émetteurs et leur intérêt pour cette thématique, Mme Ghizlaine Nourlil, directrice de Vigeo Eiris, explique qu’aujourd’hui, le fait que les seules entreprise­s ont une approche « best in class » bride la dynamique du marché, et elle espère que davantage de PME s’impliquent dans les ISR. M. Badr Benyoussef explique pour sa part qu’il est difficile de mesurer la part de la RSE et de ses indices dans la décision des investisse­urs, et qu’ « une manière de mesurer la part des investisse­ments faits serait d’avoir une idée de la taille des fonds ESG présents au Maroc, et que l’on mesure les souscripti­ons et les rachats dans ces fonds-là ». En somme, si on peut relever des progrès appréciabl­es, la progressio­n de la conformité des émetteurs reste lente au Maroc, et l’intérêt des investisse­urs est encore timide.

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