La régularisation spontanée, une dernière chance
Hassan Boulaknadal, Directeur Général de l’Office des Changes
Le recours aux avoirs des Marocains à l’étranger s’avère une ressource mobilisable importante qui se compte en milliards de dirhams et, de plus, est en devises, à un moment où le Maroc en manque du fait du frein induit par la crise sanitaire aux exportations et aux investissements étrangers dans notre pays. Sur ce sujet, M. Hassan Boulaknadal, Directeur de l’Office des Changes, nous a accordé, ci-après, un entretien explicite et exhaustif…
confiance entre l’administration et les contrevenants et garantis aux déclarants plusieurs avantages dont notamment, l’extinction des poursuites administratives et judiciaires sur le volet fiscal et change en relation avec les avoirs et liquidités déclarés. Le paiement de la contribution libératoire exonère les déclarants des amendes prévues au titre des sanctions pour infraction aux dispositions de la réglementation des changes et fiscale en vigueur.
Le taux de la contribution libératoire est fixé à 10% de la valeur d’acquisition des biens immeubles détenus à l’étranger, à 10% de la valeur de souscription ou d’acquisition des actifs financiers et des valeurs mobilières et autres titres de capital ou de créances détenus à l’étranger, à 5% du montant des avoirs liquides en devises rapatriés au Maroc et déposés dans des comptes en devises ou en dirhams convertibles et à 2% des liquidités en devises rapatriées au Maroc et cédées sur le marché des changes contre le dirham.
Enfin, il convient de rappeler que la loi de finances rectificative n°35-20 a arrêté une nouvelle date butoir pour la souscription et le paiement de la contribution libératoire. Les personnes éligibles doivent, ainsi, s’adresser jusqu’au 31 décembre 2020, à un établissement bancaire de leurs choix pour accomplir les formalités nécessaires et ce, sous couvert de l’anonymat.
Pouvez-vous rappeler les chiffres de la précédente opération et existe-t-il des différences avec celle en cours ?
Il va sans dire que le bilan de la contribution libératoire lancée en 2014 était plus que satisfaisant. Cette opération d’amnistie a marqué l’enregistrement de 18.973 déclarations d’actifs immobiliers, financiers et liquides, dont la valeur déclarée a atteint 27,85 milliards de dirhams. La réussite de cette mesure a démontré le niveau de confiance des opérateurs et citoyens marocains en leur économie et en leur pays. Cependant, il faut signaler qu’un grand nombre de personnes n’ont pas pu profiter de l’amnistie de 2014 soit par méfiance, soit parce qu’elles n’avaient pu rassembler un dossier complet dans les délais. Aujourd’hui, le législateur offre à ces personnes une dernière chance pour régulariser leur situation via le paiement d’une contribution libératoire.
La crise de la Covid-19 et ses conséquences économiques et sociales ont profondément bousculé notre manière de vivre. Les mesures imposées par cette conjoncture ont remarquablement freiné le déroulement de l’opération régularisation spontanée 2020. Pendant la période du confinement, plusieurs déclarants ont trouvé des difficultés pour accomplir les démarches déclaratives auprès des banques. En effet, la grande partie des déclarations a été enregistrée au cours des trois premiers mois de l’année. La loi de Finances rectificative N°35-20, a ainsi, arrêté une nouvelle date limite : le délai de souscription à cette opération exceptionnelle a été reporté jusqu’au 31 décembre 2020, au lieu du 31 octobre, prévu initialement.
Pour pallier l’impact de cette conjoncture qui risque d’imprégner considérablement le déroulement de l’opération, l’Office des Changes a continué sur sa lancée par la programmation d’une campagne de communication et de sensibilisation auprès des banques en tant que partenaires majeurs. Ainsi, une série de webinaires a été organisée au profit des réseaux des banques, l’objectif étant de fournir un espace de discussion interactif sur des questions portant essentiellement sur l’aspect opérationnel de ce dispositif (cas pratiques, contraintes, démarches, échéances…). Dans ce sillage, il était primordial de sensibiliser les personnes éligibles sur l’importance de saisir cette dernière chance pour se conformer aux dispositions de la réglementation des changes et bénéficier des avantages que leur offre l’amnistie, notamment la possibilité de continuer à gérer leurs biens immeubles en procédant aux transferts nécessaires, d’ouvrir des comptes en devises ou en dirhams convertibles, d’ouvrir ou de maintenir ouverts des comptes bancaires à l’étranger.
Aujourd’hui, et malgré les circonstances exceptionnelles liées au déroulement de cette opération de régularisation, nous assistons à une volonté de nos partenaires les banquiers de réussir ce challenge commun et nous estimons une reprise des déclarations au cours des trois derniers mois de 2020.
Que changera l’accord avec l’OCDE ? Et pour les réfractaires, qu’est-ce qui va changer ?
L’adhésion du Maroc à l’OCDE et sa signature des protocoles d’échanges des données financières détenues par les banques des pays signataires permettra de rendre le contrôle beaucoup plus aisé et instantané. Les données arriveront de manière spontanée et automatique aux autorités marocaines de la part de leurs homologues des Etats ayant signé l’accord.
L’année 2021 marquera la fin officielle du secret sur les avoirs extérieurs et permettra à l’administration marocaine de recevoir le détail des informations relatives aux comptes bancaires et avoirs financiers détenus à l’étranger par les Marocains résidents. L’opération régularisation spontanée de 2020 constitue alors, une phase transitoire avant de passer à l’étape prochaine : celle de l’effondrement de l’omerta concernant les avoirs extérieurs. En effet, les personnes concernées auront jusqu’à la fin de l’année pour se mettre en règle avec la réglementation des changes.
Les contrevenants qui passent à côté de cette opportunité se verront appliquer les peines et sanctions prévues par la loi en raison de leur situation irrégulière.
Dans ce sens, il convient de rappeler que la constitution des avoirs à l’étranger par les marocains résidents, sans l’accord préalable de l’Office des Changes constitue une infraction passible d’amendes pouvant aller jusqu’à six fois le montant de l’acquisition, lesquelles amendes peuvent être cumulées à des peines privatives de liberté allant de trois mois à cinq ans d’emprisonnement.
Quel conseil donneriez-vous à ceux que cette opération concerne ?
Nous sommes convaincus que les personnes visées par l’opération de régularisation sont conscientes des répercussions alarmantes dues à l’échange automatique d’informations des données bancaires.
Notre ultime conseil pour ces personnes serait, alors, de saisir cette dernière chance afin qu’ils puissent se prémunir contre les sanctions prévues à l’encontre des personnes physiques et morales en situation d’irrégularité.
A cet effet, nous saisissons cette opportunité pour encourager toute personne ayant constitué des avoirs et liquidités à l’étranger de rejoindre les plusieurs centaines de personnes qui ont régularisé leurs situations et qui commencent déjà à faire valoir leurs droits en la matière. Concernant le volet opérationnel de l’ORS, nous rappelons qu’une cellule de sensibilisation a été créé au sein de l’Office des Changes pour apporter, dans le respect total des règles de confidentialité, les éléments de réponses nécessaires aux requêtes émises par les personnes éligibles à la déclaration et ce, via la rubrique «ORS 2020 » du site web, par appel téléphonique au 05 37 26 63 64 ou à travers l’adresse de messagerie électronique : ors2020@oc.gov.ma Pour se renseigner davantage sur l’opération, nous invitons les personnes intéressées à consulter le guide pratique et la capsule vidéo élaborés par l’Office des Changes et mis à leurs dispositions sur son portail web (www.oc.gov.ma).