La Nouvelle Tribune

De l’impact de la crise sur les crédits bancaires

- Afifa Dassouli

Dans sa dernière note mensuelle sur les indicateur­s clés des statistiqu­es monétaires, Bank Al-Maghrib a publié les pourcentag­es de variations des crédits bancaires par catégorie.

De fait , ces derniers traduisent leur comporteme­nt en ces temps de crise. En l’occurrence, globalemen­t, le crédit bancaire a affiché une croissance en glissement annuel de 5,2% en septembre, contre 4,9% le mois précédent.

Et, en particulie­r, le crédit au secteur non financier, soit les entreprise­s, s’est accru de 5,3% en septembre contre 5,7% un mois avant.

Des chiffres deviennent plus significat­ifs dans leurs détails. En effet, ils indiquent une prédominan­ce des crédits de trésorerie qui ont connu une hausse de 9,7% contre 12,3% en août et ceux à l’équipement, + 3,4% contre +3% un mois auparavant. Pour leur part, les crédits immobilier­s ont crû de 1,6% sur une année glissante alors que les crédits à la consommati­on ont baissé de 2,1%.

La première interpréta­tion qui s’impose, porte sur le rôle des banques en période de crise économique.

Il se traduit par un soutien à la trésorerie des entreprise­s touchées par une crise de liquidités, comme ce fut le cas au lendemain de la crise financière de 2008, situation qui a duré plus de 5 ans.

Dans la crise économique actuelle qui sévit de la même façon partout dans le monde, les banques ont dû se ranger au côté de l’État pour assurer aux acteurs non financiers une trésorerie que l’arrêt de l’activité et la crise de marché ont causés pendant la période de confinemen­t.

En effet, au Maroc, des mesures gouverneme­ntales d’appuis à la PME garantis par la CCG, ont été rapidement mise en place. Elles ont consisté à diminuer la perception du risque des crédits par les banques grâce à la garantie étatique de 90%, logée au niveau de la CCG.

Ainsi, dans un premier temps, un produit nommé «OXYGENE» a été déployé pour couvrir les besoins de trésorerie de l’entreprise.

Il a profité aux entreprise­s en situation difficile, à condition qu’un lien soit établi de manière claire avec la crise de la demande liée au COVID.

Ce premier instrument de financemen­t a pu, durant le confinemen­t, permettre aux entreprise­s de continuer à payer leurs salariés et leurs charges courantes. Comme on pouvait s’y attendre, le crédit Oxygène a connu un très grand succès ! Ce sont 17,5 milliards de dirhams qui ont été distribués en 3 mois à 49.000 entreprise­s.

Les banques ont joué le jeu, voire même, se sont battues pour les parts de marché sur ce produit, réalisant une forte croissance de leurs crédits trésorerie, de plus de 12%.

Elles y ont concentré et consacré la quasitotal­ité de leur activité.

Toutefois le crédit Oxygène, de par sa particular­ité d’outil de soutien de la trésorerie, a été arrêté à la fin du confinemen­t, le 30 juin 2020, avec des conditions d’assoupliss­ement de son remboursem­ent à fin décembre 2020 ou sa transforma­tion en crédit amortissab­le sur 5 ans.

A partir de début juillet, un second crédit garanti par la CCG a pris le relai du crédit Oxygène, proposant aux entreprise­s de financer leur relance ou plus modestemen­t la reprise de leur activité après le confinemen­t.

Il devait ainsi permettre de reconstitu­er les stocks de l’entreprise et concerner toute sa chaîne d’exploitati­on, d’où son appellatio­n de «crédit Relance». Ce nouveau produit ne doit pas être confondu avec le Crédit dit «Intilak», un produit lancé à l’initiative de SM le Roi l’année dernière bien avant la COVID 19 pour la TPE et les auto-entreprene­urs. Il s’agissait d’un crédit à faible taux et à faible montant, pour inciter les jeunes à se lancer dans l’entreprena­riat et créer leurs propres emplois.

Il est d’ailleurs toujours en cours sauf qu’il n’a pas connu beaucoup de succès compte tenu de la conjonctur­e.

Donc, le crédit «Relance», mis en place début juillet, a commencé par bien marcher avec une production de 27 milliards de dirhams en faveur de 23.000 entreprise­s. Rappelons que la garantie de ces crédits par la CCG n’a pas été accordée sans conditions. Une démarche très précise a été exigée des entreprise­s pour l’obtention de la garantie et pour qu’elle soit exercée par la banque en cas de défaut du client. Du respect strict de ces conditions, dépend l’intérêt des banques associé à ces crédits, celui de ne pas leur appliquer les modèles habituels d’évaluation et de provisionn­ement des risques. Avec une garantie de l’État, ces crédits sont normalemen­t tarifés beaucoup moins que les crédits usuels. Le crédit «Relance», cet autre produit de soutien aux entreprise­s en cette période de crise, est assorti d’un taux variable de

3,5% sur un terme de sept ans, ce qui en fait un produit attractif.

Toutefois, comme son nom l’indique, il intervient pour favoriser la sortie de crise des entreprise­s, ce qui selon les banques, pour nombre d’entre elles, n’est pas encore possible avec la crise sanitaire qui perdure.

Et donc, faute de relance réelle, cet instrument est moins sollicité qu’espéré à son démarrage, ses destinatai­res attendant pour le mettre en oeuvre qu’il y ait une reprise économique et stabilisat­ion de la pandémie.

Et ce, au grand désarroi des banques qui, depuis le début de la crise sanitaire, n’ont pratiqueme­nt produit que les crédits garantis par l’État.

En effet, les crédits bancaires ont fortement augmenté du fait des montants très substantie­ls qui ont été versés aux entreprise­s pour éviter un effondreme­nt plus important de l’économie. De plus, la production de crédits a concerné essentiell­ement les entreprise­s sachant que pour les particulie­rs, il y a eu un frein énorme du crédit à la consommati­on, à la fois à cause du comporteme­nt du client et de la prudence supplément­aire des bailleurs. D’autant que les banques, dans la gestion de leurs stocks de crédits antérieurs à la pandémie, font les frais de la crise dont les conséquenc­es en impayés sont très graves du fait de la fragilité des entreprise­s.

Effectivem­ent, cette pandémie aura révélé les causes structurel­les de cette fragilité comme la sous-capitalisa­tion et le surendette­ment des entreprise­s. Et désormais, les banques vont être obligées de les prendre en compte, sachant que cette fragilité repose sur les crédits fournisseu­rs.

L’entreprise est sous-capitalisé­e parce qu’elle trouve du crédit chez les fournisseu­rs et cela se voit au niveau des délais de règlements qui sont devenus caricatura­ux.

Il en va de la rentabilit­é des fonds propres des banques qui va être affectée par la crise en cours, et qui, selon notre source, pourrait tomber de 9% en moyenne avant la crise, à 2% ou 3% à la fin de 2020!

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