La Nouvelle Tribune

Ces cliniques de la honte !

- Hassan Zaatit

Comme les écoles privées, les cliniques privées déçoivent. En effet, durant cette crise sanitaire, les citoyens ont concrèteme­nt constaté que les deux secteurs n’ont pas été à la hauteur de la solidarité nationale espérée et de la mobilisati­on nécessaire le temps d’un état d’urgence. Loin de là. Ces deux marchands de l’Education et de la Santé n’ont pas été au rendez-vous.

D’ailleurs, la Covid-19 n’a fait que dévoiler la profondeur de la problémati­que de la Santé et de l’Ecole chez nous. Deux secteurs publics vitaux largement délaissés par l’Etat au profit, en bonne partie, de Moul choukaras qui ne pensent qu’à gonfler leurs comptes bancaires et ramasser de l’argent à la pelle en investissa­nt dans les pathologie­s qui rapportent beaucoup…

Au fil du temps et devant un État toujours peu réactif, nombres de propriétai­res de cliniques sont devenus des maîtres des lieux intouchabl­es.

Une résultante, entre autres, du PAS de 1983 où le Maroc devait appliquer à la lettre les dicktats des institutio­ns de Bretton Woods, en matière notamment de privatisat­ion et de libéralisa­tion de son économie. Aujourd’hui, Chakib Benmoussa et son équipe devraient absolument se pencher de la manière la plus audacieuse possible sur ces deux problémati­ques qui coûtent très cher aux Marocains.

D’ailleurs, les Marocains n’ont plus l’envie, ni la force et non plus les moyens de continuer à vivre dans un modèle où le citoyen paie très cher les dysfonctio­nnements qui sévissent dans des secteurs stratégiqu­es. En attendant, les cliniques privées continuent de défier tout le monde. Critiquées par de nombreux citoyens, certaines de ces cliniques continuent de faire fi des lois en vigueur. Ainsi des familles de patients sont sommées de déposer des chèques de garantie d’un minimum de 60 000 Dhs. A défaut, leurs proches, nécessitan­t souvent des soins d’urgence, ne sont pas admis.

Nombreux sont ceux qui se sont vus contraints de recourir à des emprunts auprès d’amis, de proches ou auprès des établissem­ents bancaires pour sauver un père, une mère, un frère…

Alors que la crise sanitaire avait enclenché un élan de solidarité au début, aujourd’hui on assiste à un véritable naufrage.. Exploitant la détresse des familles des malades, certaines cliniques privées, ignorant toute éthique, n’hésitent pas à recourir à des pratiques indignes du serment d’Hippocrate : surfactura­tion, mauvaise prise en charge des malades, non admission des patients alors que leur état de santé l’oblige…

Nous sommes en face donc d’une médecine mercantile et inhumaine, pour qui la course au gain prime sur tout le reste. A l’heure de la Covid-19, les familles crient au scandale. Négligence, incompéten­ce, arrogance, inhumanité… sont des termes qui reviennent dans les nombreux témoignage­s que nous avons recueillis. Aujourd’hui, 14 familles se constituen­t en collectif pour dénoncer ce qui se passe dans une clinique à Casablanca. Toutes ces familles ont perdu un proche et elles ont payé des factures qualifiées de salées et d’injustes.

Ce collectif comprend les familles de patients victimes du Covid-19 et elles ont été rejointes par d’autres familles se déclarant, elles aussi, victimes de la négligence, l’arnaque, l’incompéten­ce et l’arrogance de ladite clinique. Certaines de ces familles accusent même cet établissem­ent de négligence flagrante et de mauvais traitement thérapeuti­que, causant la mort de leur proche. Globalemen­t, on reproche des factures exagérées, la contrainte du chèque de garantie à l’admission du patient, de faux diagnostic­s et de mauvaises prises en charge thérapeuti­ques. On reproche également la volonté de cette clinique d’effectuer systématiq­uement des opérations chirurgica­les souvent qualifiées de non nécessaire­s. Mais aussi, le manque d’informatio­ns et de communicat­ion avec les familles et les patients, la non-assistance et le fait d’imposer aux patients des médicament­s très onéreux. Dans cette clinique, une injection par exemple pour la Covid19 coûte 12 000 Dhs et un comprimé est facturé à 5 000 Dhs… En somme, l’abus et le nondroit ont apparemmen­t atteint des seuils intolérabl­es dans cette clinique casablanca­ise, apprend-t-on auprès de ces familles.

Sur les réseaux sociaux, une multitude de vidéos démontre à quel point les Marocains galèrent avec les cliniques privées en ces moments de pandémie ravageuse.

A ces cris de détresse, le ministre de la Santé explique que les services de son départemen­t ne peuvent agir ou ouvrir des enquêtes sur la base de vidéos publiées sur les réseaux sociaux. D’après lui, il faut déposer des réclamatio­ns auprès des autorités compétente­s pour que les choses se fassent de manière procédural­e et institutio­nnelle. Mais tout ceci ne devrait guère étonner. On sait que certaines cliniques privées sont loin d’offrir des services de soins dignes et éthiques. En présence d’un certain laxisme des pouvoirs publics, qui s’ajoute à cette volonté manifeste de gagner vite et beaucoup, elles ne peuvent d’ailleurs que fonctionne­r ainsi… Cette clinique casablanca­ise n’est malheureus­ement qu’un cas parmi bien d’autres.

Face à cette situation des plus désolante, le Collectif a décidé de dénoncer le comporteme­nt de cette clinique à travers les médias, mais aussi en l’attaquant en justice pour négligence, escroqueri­e et non-assistance à personne en danger.

Ultime recours, la Justice marocaine est appelée aujourd’hui plus que jamais à mobiliser ses experts et à prendre au sérieux cette problémati­que du ‘‘moins Etat’’ dans les services publics et son lourd impact sur le citoyen…

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