Lutte contre la pandémie, Kafka n’était pas Marocain !
Dans quelques mois, une fois que la campagne de vaccination contre la Covid-19 sera terminée, que l’immunité collective aura été acquise et que la pandémie ne sera plus qu’un mauvais souvenir derrière nous, il ne fait aucun doute que pour la majorité, la grande majorité de nos concitoyens, l’année 2020 aura été l’une des plus éprouvantes de l’histoire récente de notre pays. Décès, hospitalisations, psychose, stress et confinement ont laissé et laisseront des traces qui perdureront longtemps dans la mémoire collective et les mémoires individuelles et s’il est une action urgente à mener, c’est bien de convaincre, dès à présent, alors que la campagne de vaccination s’annonce, le maximum de Marocaines et de Marocains de se soumettre au vaccin qui leur sera proposé.
Mais, en sus de tous cela, il restera également, parmi les mauvais souvenirs, l’incroyable maladresse, pour ne pas évoquer l’incompétence, qui a caractérisé les successives annonces qui, depuis mars dernier, ont émaillé le quotidien de l’opinion publique et relatives aux diverses restrictions portées à leurs activités quotidiennes, à leurs déplacements, à leurs projets, à leurs vies, en somme.
Et s’il n’est pas question de discuter le bien-fondé et la pertinence de toutes ces mesures, leur nécessité même dans la lutte contre la pandémie, c’est plutôt la manière et les méthodes employées qui sont éminemment critiquables et largement critiquées au sein de la population. En effet, opacité, flou, précipitation, mesures contradictoires et peut-être inappropriées ont constitué ce quotidien, au point où plus personne n’ose désormais s’engager dans une décision à court terme, un projet, soitil personnel ou professionnel. La dernière batterie de mesures prises en constitue, une fois de plus, un exemple édifiant.
Ainsi, les pouvoirs publics ont annoncé, pour la région de Casablanca-Settat notamment, la prolongation jusqu’au 10 janvier prochain, de toutes les interdictions prononcées, et notamment le couvre-feu de 21H à 6h du matin, de concert avec les diverses fermetures d’établissements de sport, hammams, etc., mais aussi un couvre-feu national de trois semaines aux horaires précités ainsi que la fermeture des restaurants pour la même période pour les villes de Casablanca, Marrakech, Agadir, Tanger.
La première conséquence de ces décisions sera l’impossibilité de célébrer la fin de l’année civile en dehors du strict cercle familial et domiciliaire, alors que les opérateurs du tourisme, les hôteliers et restaurateurs notamment, comptaient sur cette période pour réduire quelque peu les énormes pertes financières et préjudices conséquents qu’ils ont subi tout au long de ces deniers mois.
Avec l’interdiction des rassemblements publics et privés, la fin de l’année 2020 sera donc bien triste et signifiera, très certainement, le coup de grâce porté au secteur des service en son entier, avec des conséquences dramatiques sur l’emploi et les revenus des familles qui en vivent et qui se comptent en centaines de milliers. Pourtant, à lire les bulletins de santé présentés quotidiennement et les bilans hebdomadaires du ministère de la Santé, la situation sanitaire s’améliore incontestablement. Les décès sont en baisse, le RO est inférieur à 1, les cas de nouvelles infections ont chuté, sans que l’on sache cependant s’il s’agit d’une réalité attestée ou la simple conséquence de la baisse du nombre de test effectués chaque jour.
Mais, en tout état de cause, il y a une contradiction manifeste entre ces données et la sévérité des mesures prises, comme si la seconde vague de la pandémie n’était pas en phase finale…
Les plus sages et les plus prudents diront, à raison, que le gouvernement veut éviter par ces actions, l’apparition d’une troisième vague, chose qui se conçoit parfaitement.
Mais, pour autant que l’on sache, les réflexions et analyses personnelles ne comptent pas en cette affaire et seule vaut la clarté de la politique officielle adoptée, appliquée et surtout expliquée à tous et à chacun.
Or en l’occurrence, c’est à ce niveau que le bât blesse, parce que faute de communication suffisante et crédible, chaque citoyen en est réduit à émettre ses propres conjectures, un communiqué de trois lignes énonçant les nouvelles mesures prises étant plus qu’insuffisant pour convaincre l’opinion publique !
Au-delà de l’incompréhension que suscite cette démarche lapidaire, s’exprime peut-être une certaine désinvolture envers les citoyens, ce qui est, à proprement parler, inacceptable.
Chacun, bien évidemment, se conformera aux nouvelles interdictions et restrictions, mais restera dans l’esprit de tous, l’incroyable maladresse, pour ne pas dire légèreté, de ceux qui ont le devoir d’informer l’opinion publique, de la sensibiliser, en considérant que les Marocaines et les Marocains sont des esprits responsables et matures. Et quand viendra l’heure des bilans et des comptes, lorsque l’isoloir sera en place, nul doute que chacun s’en rappellera car la logique, l’intelligence des choses, la compréhension des nécessités sont également communes à tous et Kafka n’était pas Marocain !