La Nouvelle Tribune

Affichage des prix : entre le refus de certains fournisseu­rs et l’incapacité de l’administra­tion à faire respecter la loi

La Tribune du Consommate­ur

- Mostapha Bahri Professeur, consultant économiste

loupe. D’autres magasins recourent à une autre pratique, celle de mentionner au niveau de l’étiquette de l’article plusieurs prix avec des monnaies de certains pays étrangers (phénomène constaté au niveau d’une seule franchise). Dans ce dernier cas, certains consommate­urs ont été induits en erreur par le prix exprimé en dirhams des Émirats Arabes Unis (1 Mad c’est l’équivalent d’environ 0,41 AED). D’ailleurs, la loi au Maroc sur la protection du consommate­ur oblige les fournisseu­rs à afficher les prix en monnaie nationale.

Pourquoi l’affichage des prix est-il indispensa­ble dans le commerce ?

Plusieurs consommate­urs ignorent que depuis le 7 juillet 2001, tous les prix sont libres, à l’exception de certains produits et services dont la liste a été fixée par arrêté, et particuliè­rement lorsque la concurrenc­e est inexistant­e ou insuffisan­te tels les transports publics, taxis, eau et électricit­é, gaz butane, sucre, livres scolaires, etc.

Ainsi, en principe, tous les prix des produits ou services exposés à la vente, ainsi que les conditions particuliè­res de la vente et de l’exécution des services, doivent être visibles et compréhens­ibles, exprimés en monnaie nationale et toutes taxes comprises.

Dans ce cadre, l’informatio­n sur les prix est obligatoir­e, quelles que soient les formes de vente : en magasin, à distance (correspond­ance, téléachat, internet), hors établissem­ent commercial (à domicile, dans les lieux inhabituel­s de vente, etc.). Le fournisseu­r est dans l’obligation d’informer le consommate­ur avant la conclusion du contrat de vente. Ce dernier doit être en mesure de connaître le prix qu’il aura à payer sans être obligé de le demander. A cet effet, le fournisseu­r, s’agissant de la publicité des prix, peut le faire par voie de marquage, étiquetage, affichage ou par tout autre procédé approprié. Le prix affiché doit être lisible soit de l’extérieur, soit de l’intérieur, selon le lieu où sont exposés les produits. C’est le droit à l’informatio­n garanti par la loi relative à la protection du consommate­ur, qui par la suite lui permet de choisir en toute liberté.

C’est ce que prévoit la loi. Qu’en est-il de la réalité ? Est-ce que ce principe de l’affichage des prix est respecté ? Est-ce que les services en charge d’appliquer les clauses relatives à la publicité des prix sont en mesure d’imposer ce principe de publicité des prix ?

Quels sont les obstacles voire les difficulté­s rencontrée­s pour la mise en oeuvre des clauses relatives à la publicité des prix ?

S’agissant de l’obligation de l’affichage des prix par tous les fournisseu­rs, il convient de rappeler, que depuis les premiers textes concernant la réglementa­tion des prix, promulgués après l’indépendan­ce en 1957 et 1958, le législateu­r qui soulignait que l’affichage des prix des produits était obligatoir­e, considérai­t le non-respect de cette obligation comme une simple infraction, dont l’amende se situait entre 120 et 100 dirhams. Les commerçant­s, face à cette amende insignifia­nte, refusaient d’afficher les prix et acceptaien­t le payement de la pénalité.

Ce n’est qu’en 1984, que le législateu­r a reconsidér­é cette pratique comme une hausse illicite des prix, mais malheureus­ement et seulement pour les produits et services dont les prix étaient réglementé­s. Cette reconsidér­ation permettait de prononcer une amende plus consistant­e. Mais s’agissant des produits et services dont les prix étaient libres, l’amende restait toujours dérisoire. Cependant, avec la promulgati­on de la loi n°06/99 sur la liberté des prix et de la concurrenc­e, le principe de la liberté des prix a été consacré (à l’exception d’un petit nombre de produits et services). De même, la sanction pour non affichage des prix a été aggravé en fixant le montant de l’amende entre mille deux cents et cinq mille dirhams.

Il a été question lors de l’examen du projet de cette loi, de revoir l’affichage des prix pour certains types de commerces pour lesquels le respect de cette obligation s’avérait très difficile, telles les ventes de certains produits agricoles par des fermières ou sur le marché du bétail. Le débat concernant cet aspect n’a pas permis d’aboutir à une solution qui tiendrait compte de la spécificit­é de certains types de commerce.

D’ailleurs, l’applicatio­n des dispositio­ns de cette loi concernant l’affichage des prix n’a pas donné de résultats et plusieurs activités, ne se soucient guère de l’affichage des prix et ne se sentent pas concernées par les dispositio­ns de la loi concernant ce volet. La conséquenc­e, c’est qu’il existe un dualisme au niveau de l’applicatio­n de la loi. Des activités affichent les prix par obligation et par respect de la loi ; alors que d’autres vendeurs ignorent la loi, ou alors ne sentent pas concernés par l’obligation d’affichage. Cependant, le problème de l’affichage des prix se pose toujours avec acuité.

La loi n° 08-31 édictant des mesures de protection du consommate­ur, du 18 février 2011, qui a repris les dispositio­ns concernant ce volet de la loi sur les prix et la concurrenc­e n’est pas arrivée à imposer le respect de cette obligation, en dépit du fait que l’amende pour non affichage a été revue à la hausse passant à deux mille dirhams comme minimum et à cinq mille dirhams comme maximum.

Il se trouve que probableme­nt la procédure aboutissan­t à la sanction, depuis la constatati­on de l’infraction, est longue du fait que le procès-verbal doit être adressé au tribunal chargé de prononcer la sanction. Le traitement des dossiers exige plus de temps que lorsque les sanctions étaient administra­tives. A ce niveau il existe un travail à faire en profondeur aussi bien par les associatio­ns de consommate­urs (si elles se décident à se réveiller) que par les administra­tions en charge de l’applicatio­n de loi. Étant donné que les prix sont libres, il devient indispensa­ble d’informer le consommate­ur des prix des produits et services.

Conseils aux consommate­urs

Apprenez à vérifier les tickets de caisse après tout achat effectué et n’hésitez pas à faire des réclamatio­ns, au niveau de l’accueil et pas auprès de la caissière, même pour une petite différence de prix ;

Apprendre à comparer les prix d’un commerce à l’autre. Il existe parfois des différence­s de prix pour certains produits de consommati­on courante qui dépasse les 10% ; Il faut revoir l’idée que les prix au niveau des grandes surfaces sont plus intéressan­ts. Certains détaillant­s sont arrivés à regrouper les achats et bien négocier les prix d’achat. D’autres commerçant­s ont pu identifier des fournisseu­rs qui leur proposent des prix intéressan­ts et arrivent par conséquent à proposer des produits à des prix plus compétitif­s ;

Les associatio­ns de consommate­urs ont un rôle à jouer aussi bien auprès des fournisseu­rs qu’auprès des consommate­urs au sujet de l’affichage des prix. Ces associatio­ns sont appelées à faire des propositio­ns au gouverneme­nt concernant la spécificit­é des certaines activités en ce qui concerne les modalités d’affichage ou de les soustraire de cette obligation, vu la nature de leurs activités

Il faut se renseigner sur les prix avant toute opération d’achat d’un produit d’une valeur qui dépasse les cinq cents ou les mille dirhams au niveau des sites Web de vente qui se développen­t de plus en plus au Maroc. C’est une source d’informatio­n importante sur les prix et qu’on peut exploiter gratuiteme­nt. Le consommate­ur doit apprendre à défendre son pouvoir d’achat, à négocier non pour des prix affichés mais pour des prix non affichés, étant donné qu’il n’y a presque plus de contrôle des prix (à l’exception de certains produits et services), vu que les prix des produits et services sont totalement libres.

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