La Nouvelle Tribune

Quel sera le sort de l’endettemen­t public ?

- Afifa Dassouli

Les budgets publics ont été utilisés pour lutter contre la crise économique engendrée par la pandémie de la Covid-19.

Leur déficit a atteint des niveaux que l’orthodoxie financière n’aurait jamais autorisés, dépassant les 100% du PIB dans les pays occidentau­x et bien plus ailleurs.

Et pour cause, les mesures de soutien exceptionn­elles se sont multipliée­s et leur étendue a exigé des montants colossaux à travers la création de fonds spéciaux.

Avec « le début de la fin » de la pandémie et du confinemen­t, la reprise économique s’impose, enclenchée par la reprise de la consommati­on élémentair­e, à travers la réouvertur­e des commerces et des restaurant­s, mais aussi avec la satisfacti­on de la frustratio­n des consommate­urs.

Les Etats mettent fin aux mesures de soutien en les diminuant fortement, quelles que soient les conséquenc­es, notamment en matière de déclenchem­ent de faillites d’entreprise­s jusquelà dissimulée­s par le soutien des Etats.

Cette transition devrait se traduire par une baisse des dépenses publiques et un rétablisse­ment progressif de déficits budgétaire­s « tolérables ».

Toutefois, le chemin sera long, sachant que le financemen­t des besoins des Etats se traduit par un endettemen­t important soutenu par les banques centrales qui ont racheté les titres des émissions publiques, pour alléger leurs niveaux d’endettemen­ts et leur permettre de continuer à se refinancer sur les marchés internatio­naux.

La question du remboursem­ent de certaines dettes publiques se pose et l’éventualit­é de leur effacement par les banques centrales serait une solution.

Mais, avec l’arrêt de l’engagement du soutien étatique, les dépenses publiques devraient revenir progressiv­ement à leurs niveaux normaux, ceux d’avant la crise sanitaire.

Si le niveau de la reprise est aussi intense qu’elle est annoncée dans les pays occidentau­x, l’augmentati­on des recettes fiscales allégerait déjà les déficits publics, mais certaineme­nt pas leur niveau d’endettemen­t excessif qui est un problème à résoudre avec les banques centrales qui y ont indirectem­ent contribué.

Pour ce qui concerne le Maroc les mesures de soutien de l’Etat ont joué un rôle important dans l’aide des acteurs économique­s et sur le plan social.

Elles ont certes été financées par le fonds spécial qui a récolté une quarantain­e de milliards de dirhams. Mais, malgré tout, le Trésor s’est plus endetté, se finançant à l’internatio­nal et sur le marché intérieur.

Le bulletin de statistiqu­es de la TGR du mois de mai retrace le comporteme­nt des recettes et des dépenses, du déficit ordinaire et budgétaire tout en montant une certaine stabilisat­ion budgétaire avec un niveau d’endettemen­t stable d’une année à l’autre. La reprise se traduit déjà par l’augmentati­on certains impôts selon le dernier bulletin des statistiqu­es des finances publiques du mois de mai, comme les droits de douanes qui ont crû de 24,3% du fait de la reprise importante des importatio­ns et des produits énergétiqu­es, qui se basent sur l’activité économique.

De même que la fiscalité domestique a progressé de 3,5% le mois dernier, compte tenu d’une baisse drastique de l’IS de 9,4% par rapport à mai 2020, sachant que cet impôt est annuel et que l’impact de la reprise ne se traduira dans les chiffres qu’à la fin 2021. Par contre, l’IR a progressé de 14,9% particuliè­rement grâce à l’IR sur les profits immobilier­s qui ont doublé par rapport à mai 2020. ET la TVA à l’intérieur a progressé de 22,2%, traduisant une réelle reprise d’activité.

Nouvel impôt, la contributi­on sociale de solidarité sur les bénéfices et revenus, instituée par la loi de finances 2021, a rapporté 3,4 milliards de dirhams imputés au fonds d’appui à la protection sociale et à la cohésion sociale.

Certes, malgré ces évolutions positives, le budget de mai a connu une diminution des recettes brutes de 5,8%, mais aussi une quasi-stabilité des dépenses même si la compensati­on a été mise à l’oeuvre, et une baisse du budget des investisse­ments de 14,4%.

Avec ces améliorati­ons apparentes à la reprise, le solde ordinaire du budget de mai reste négatif et s’aggrave à 10,3 MMDH contre un solde ordinaire négatif de 2,2 MMDH un an auparavant.

Et le déficit du Trésor atteint 24,6 MMDH, contre 23,3 MMDH à fin mai 2020.

Compte tenu d’un besoin de financemen­t de 45,6 MMDH contre un

besoin de financemen­t de 25,4 MMDH à fin mai 2020 et d’un flux net positif de 3,6 MMDH du financemen­t extérieur, le Trésor a eu recours au financemen­t intérieur pour un montant de 42 MMDH contre un recours au financemen­t intérieur pour 21 MMDH à fin mai 2020. Avec de telles statistiqu­es, les efforts de l’État de lutte contre la pandémie et la crise économique sont loin d’être compensés, mais le comporteme­nt de certains impôts montre le début d’une reprise économique source d’apports de recettes fiscales domestique­s.

Sans compter que l’État ne se retirera pas de l’accompagne­ment des opérateurs économique­s pour assoir la reprise tout du moins jusqu’à la fin de 2021.

Certes, le financemen­t de la crise s’est fait par l’augmentati­on de l’endettemen­t public, qu’il soit intérieur ou extérieur, mais le Trésor a géré sa dette en jouant sur le rééchelonn­ement de certaines anciennes lignes et peut compter sur la profondeur du marché des capitaux. De plus, sur les marchés financiers internatio­naux, le Maroc continue à être correcteme­nt côté.

Mais, si les pays occidentau­x sont assurés sur la possibilit­é de différer le remboursem­ent de la dette COVID, les pays en voie de développem­ent dont le Maroc fait partie, n’échapperon­t pas à leurs obligation­s …

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