L’impuissance des banques centrales face à l’inflation importée
La guerre ukrainienne a enclenché une inflation mondiale des prix des produits énergétiques et alimentaires, et porté les taux de celle-ci à des niveaux d’avant la crise financière des subprimes de 2008.
Mais, cet impact inflationniste de la guerre s’est ajouté à une inflation qui accompagnait la forte reprise économique d’après la Covid, notamment des pays occidentaux et tout particulièrement les Etats-Unis.
Ainsi, à cette inflation domestique de la reprise s’est ajoutée la flambée des prix des produits énergétiques et alimentaires, qui a aggravé les taux d’inflation à 9% aux USA, 8% en Europe et 30% en Turquie comme dans d’autres pays émergents. Toutefois, la reprise économique d’après la crise sanitaire ayant été plutôt modérée dans les pays en développement, ils subissent une inflation strictement importée.
C’est le cas de notre pays où l’inflation a bien atteint 7%, mais la banque centrale la qualifie d’essentiellement importée. Ce constat n’en relativise pas l’impact sur le coût des produits pétroliers et surtout ceux alimentaires qui affectent le pouvoir d’achat des Marocains.
Pourtant, au niveau macro-économique, la situation de notre pays affiche une certaine résilience aux effets de la guerre en Ukraine. On peut constater en effet, que l’augmentation des importations actent l’inflation des prix du gaz et pétrole évaluée à + 30% depuis le 24 février dernier, mais que parallèlement la situation extérieure du pays ne s’est pas dégradée. L’OCP, notamment, a doublé son chiffre d’affaires en profitant de l’augmentation de la demande et de cette même inflation extérieure. Celui-ci est passé de 44 à 82 milliards de dirhams, permettant, avec les transferts des MRE qui s’améliorent, de conforter l’équilibre de la réserve de change et de préserver le dirham marocain. Et ce, alors que les importations de notre pays ont subi la même pression à la hausse.
De plus, il semblerait que cet important acteur économique national, procèderait à une négociation avec ses clients internationaux pour une application d’une augmentation significative des prix de ses produits à l’export profitant de la rareté qui s’impose. Toutefois, si les grands équilibres du Maroc continuent à être préservés et que ses importations sont financées par ses exportations et autres rentrées de devises, l’impact de l’inflation sur les prix à la consommation des ménages et l’activité économique dans certains secteurs d’activités restent préoccupants. Seul le gouvernement doit s’atteler à la tâche du soutien économique, par le réactionnement de la caisse de compensation, Bank Al Maghrib ne pouvant pas lutter contre cette inflation par sa politique monétaire. Du fait qu’elle soit exogène, elle ne peut répondre à aucune mesure de politique monétaire, comme une augmentation des taux.
Augmenter son taux directeur et les taux d’intérêt bancaires par transmission, ne ferait qu’agir négativement sur le financement de l’économie du pays et entraver ainsi la croissance de l’activité économique. Le statu quo, préservé par M. le gouverneur Jouahri, qu’il a défendu après le dernier conseil de Bank Al Maghrib en mars, doit être maintenu, dans l’impossibilité d’agir sur une inflation quand elle est importée.
Preuve en est que les politiques monétaires des banques centrales des pays émergents comme l’Égypte la Turquie ou encore la Tunisie, dont les monnaies se détériorent face à la force de l’inflation héritée de la guerre ukrainienne, sont impuissantes face au déficit de devises pour couvrir leurs importations dont les prix flambent.
Du côté de la BCE, Banque Centrale Européenne, et de la FED américaine, leurs pays connaissaient avant la guerre une importante reprise économique inflationniste.
De ce fait, la BCE lors de sa réunion de politique monétaire, a choisi jeudi dernier de poursuivre sa lutte contre l’inflation en retirant progressivement ses mesures exceptionnelles de soutien à l’économie.
Certes, l’Institution de Francfort n’a pas augmenté ses taux directeurs, mais elle a confirmé qu’elle allait réduire dès le mois prochain le
montant mensuel de ses achats d’obligations. L’enveloppe, qui est actuellement de 40 milliards d’euros, passera à 30 milliards en mai, puis 20 milliards en juin. Elle a choisi de garder un peu de souplesse, en réservant à sa réunion de juin sa décision sur l’arrêt définitif de ce programme.
De même qu’elle prévoit de procéder à un premier tour de vis en septembre avec une première augmentation de taux qui sortiraient du négatif. Le niveau de l’inflation plaide en faveur d’une réaction forte et rapide de la banque centrale européenne, sachant qu’en zone euro elle a battu un nouveau record depuis la création de la monnaie unique, en s’établissant à 7,5 % sur 12 mois en mars. Très au-delà de la cible de 2 % que s’est fixée la banque centrale pour garantir la stabilité des prix. D’autant que ses consoeurs, la Réserve fédérale américaine et la Banque d’Angleterre, ont déjà largement commencé leur mouvement de hausse des taux et mènent une politique de resserrement très agressive.
Mais, les membres les plus modérés du Conseil des gouverneurs de la BCE, considèrent que la hausse des prix des matières premières et de l’énergie étant majoritairement extérieures à l’Union européenne, le resserrement de la politique monétaire n’y peut pas grand-chose. En revanche, un resserrement pourrait affaiblir une croissance déjà mise à mal par la guerre en Ukraine. Constat qui rejoint et justifie la position de Bank Al Maghrib ….