« Les outils classiques de relance monétaire, économique et budgétaire ne fonctionneront plus comme avant, il faudra les réinventer… »
Les marchés financiers chutent, l’inflation se confirme, les prix des produits énergétiques, alimentaires et des matières premières continuent de s’apprécier, la croissance économique corrige à la baisse dans les pays les plus riches et les plus robustes, et les banques centrales sont impuissantes face à ces dégâts.
En effet, les arguments de politique monétaire deviennent inefficaces pour la relance économique, n’agissant plus sur la situation de dégradation économique générale et mondiale.
Les bourses qui ont connu une période d’euphorie pendant la crise sanitaire faisant preuve d’une confiance en l’économie américaine, elle-même justifiée par une maitrise de l’inflation et un chômage au plus bas, craquent. Le programme d’augmentation des taux fixé par la FED ne suffirait pas à compenser l’inflation actuelle. De taux négatifs qui orientaient spontanément les investisseurs, à la recherche de rendement, vers les marchés financiers, tout en alimentant euxmêmes la hausse des cours par leur demande continue, les marchés subissent la hausse des taux qui recrée une alternative spontanée entre les actions et les obligations ou tout autre produit de taux. Certes, les bourses et les investisseurs en portefeuilles sont préparés à des cycles expansionnistes et dépressifs, à des variations de cours, les « bulls & bears », symboles de Wall Street, mais elles savent que la politique des banques centrales est leur meilleur allié. Celles-ci partagent leur principal intérêt, celui de la maîtrise de l’inflation, dont elle fixe une cible qui encadre le comportement des produits financiers.
Or, avec la guerre en Ukraine, l’inflation n’est plus maîtrisable, elle n’est pas domestique, elle est externe dite importée tout en étant galopante. Elle s’approche de la barre fatidique de 10% dans certains pays occidentaux dont l’Allemagne, l’élève habituellement le plus sérieux de l’orthodoxie monétaire. La Fed et la BCE qui initient normalement les variations des taux d’intérêt par le biais de leur taux directeur sont dans l’embarras. Car elles doivent sortir de leur politique expansionniste d’aide à la crise économique conséquente à la pandémie du Covid 19, en augmentant progressivement les taux mais tout en maintenant leur cible d’inflation à 2%, dans un environnement maîtrisable. Avec le niveau de l’inflation actuelle, une telle politique n’aurait aucun impact sur cette dernière. Les Banques centrales savent que le niveau des taux tel qu’il est prévu par leur politique ne couvrira pas celui d’une inflation non maitrisable impossible à définir dans le temps.
Les banques centrales leaders, doiventelles repenser leur politique monétaire ? Comment en faire une nouvelle arme pour contrer cette inflation de prix héritée d’une guerre qui est loin d’être finie ? D’autant que l’inflation des prix des hydrocarbures et des matières premières est aggravée par la spéculation. D’ailleurs, le président de la FED, Jerome Powell, a partagé son inquiétude sur une baisse drastique des liquidités. La réponse des banques centrales à cette situation nouvelle reste la prudence avec une inquiétude certaine à revenir à la planche à billets…
Face aux marchés financiers, investisseurs et banques centrales qui s’avèrent impuissants face une inflation élevée impossible à juguler, les États doivent se mobiliser de plus en plus. Après la crise sanitaire, ils se trouvent face à de nouvelles responsabilités dans un environnement inflationniste qu’ils n’ont pas connu depuis deux décennies. Leurs engagements habituels ne se suffiront pas de réajustement de salaires qui alimenterait encore l’inflation. Ils doivent recourir à leur politique budgétaire et continuer leur soutien aux économies en période de crise économique du Covid. Mais, dans une nouvelle dimension et sans limite dans le temps comme la guerre l’impose. Les formes d’intervention des États pour soutenir les entreprises face à l’augmentation de prix des matières premières et leur raréfaction sont à renforcer, le soutien du pouvoir d’achat reviendra aux chèques versés par les États pour soutenir leur population et préserver les acteurs économiques de charges supplémentaire, etc. Le plus grave aujourd’hui, c’est que le monde entier doit faire face à une économie de guerre sans être directement impliqué dans la guerre, et sans augmentation du budget de dépense qui la caractérise. Alors même que les outils classiques de relance monétaire, économique et budgétaire ne fonctionneront plus comme avant, il faudra les réinventer…