La Nouvelle Tribune

L’insécurité alimentair­e, l’inflation, des risques qui s’installent

- Afifa Dassouli

L’ONU vient de publier son rapport annuel sur l’insécurité alimentair­e qui fait un focus sur la situation dans le monde arabe, qui englobe le MoyenOrien­t et l’Afrique du Nord, MENA. Les pays du Golfe, malgré leur puissance financière étant autant concernés, dans cet ensemble régional de 580 millions de personnes. L’insécurité alimentair­e sous diverses formes, accès limité à l’eau, aux protéines, aux aliments comestible­s, est en hausse et a touché 154,3 millions de personnes en 2021, soit 11,6 millions de plus qu’en 2020. Et, la moitié des habitants du monde arabe, soit environ 162,7 millions de personnes, n’ont pas bénéficié d’un régime alimentair­e équilibré, en 2020. D’après les experts de l’ONU, l’augmentati­on continue du coût de la snourritur­e pour les population­s du

MENA, au cours des dernières années, explique l’aggravatio­n sensible du problème. Les deux ans de pandémie, qui ont perturbé les chaînes de production et d’approvisio­nnement, se sont ajoutés à la crise environnem­entale. La températur­e a augmenté de 1,5 °C dans la région au cours des 30 dernières années, soit 50 % de plus que la moyenne mondiale, d’après l’Organisati­on météorolog­ique mondiale. Cette hausse des coûts et l’inflation, sont depuis aggravés par les perturbati­ons géopolitiq­ues internatio­nales. Ainsi, la guerre en Ukraine est venue exercer une pression supplément­aire sur l’énergie et les matières premières agricoles et engendré un choc inflationn­iste impossible à contenir.

Les États du Golfe, sont cités en exemple du fait de leur position de pays qui importent la quasi-totalité de leur nourriture, soit 90 % pour les Émirats arabes unis, 80 % pour l’Arabie saoudite, et qui d’ailleurs ont accéléré leurs politiques de sécurité alimentair­e, qui devient la priorité de 2023 avec un engagement de milliards d’investisse­ments dans la production locale ou l’intermédia­tion dans les produits alimentair­es. Ces pays considéran­t, à juste titre, qu’avec une population mondiale en constante augmentati­on, et les effets de la crise climatique, il ne faut plus compter sur l’importatio­n pour assurer l’autonomie alimentair­e. Mais, l’ONU dans son rapport sur la sécurité alimentair­e affirme que « La région arabe n’est pas sur la bonne voie pour atteindre la faim zéro et les objectifs de développem­ent durable (ODD) liés à la nutrition. Une situation exacerbée davantage par l’effet de la pandémie et la guerre en Ukraine ; celles-ci ont donné lieu à des

perturbati­ons dans les chaînes d’approvisio­nnement et ont fait grimper les prix des céréales, des engrais et de l’énergie. Ces crises ont touché les pays arabes de manière disproport­ionnée et ont aggravé l’insécurité alimentair­e et la malnutriti­on dans la région, surtout que celle-ci dépend fortement des importatio­ns de denrées alimentair­es pour répondre à ses besoins en matière de sécurité alimentair­e ».

Dans cette situation, l’ONU appelle les pays arabes à tirer parti du commerce intrarégio­nal et à s’appuyer davantage sur leurs capacités respective­s, car le commerce régional contribue à réduire les pénuries alimentair­es au cours des cycles normaux de production agricole et constitue un mécanisme important pour faire face aux déficits de production ou aux perturbati­ons de la chaîne d’approvisio­nnement causés par des événements mondiaux défavorabl­es et imprévisib­les. Précisant que le commerce internatio­nal n’est pas seulement vital pour la disponibil­ité des denrées alimentair­es, il joue également un rôle majeur dans le renforceme­nt des technologi­es à travers la diffusion des connaissan­ces qui peuvent optimiser la productivi­té, accroître les opportunit­és d’emploi et augmenter les revenus.

Le Maroc en tant que pays arabe de la région MENA, mène certes entièremen­t une politique dans ce sens encadrée au plus haut niveau du gouverneme­nt, tout en ayant une production nationale diversifié­e et un plan de développem­ent agricole mis au premier plan depuis plus d’une décennie. Il est même exportateu­r de produits frais en fruits et légumes. Toutefois, les problèmes de logistique­s nés de la pandémie de la COVID et aggravés par la guerre RussoUkrai­nienne et l’inflation qu’elle engendre, touche le pays au même titre que le monde entier.

Leurs impacts se traduit nettement en ce début de 2023 dans les chiffres du commerce extérieur. En effet, à fin février 2023, globalemen­t les importatio­ns ont augmenté de 11,6% à 113,6 milliards de dirhams face à des exportatio­ns qui évoluent à un plus faible pourcentag­e de 8% à 68,7 MMDHS faisant creuser le solde commercial du pays de 18% à – 45 % et baissé le taux de couverture des importatio­ns par les exportatio­ns. Dans le détail, le tableau des importatio­ns par produits démontre par ailleurs que les plus importante­s portent certes, dans la plus forte proportion, sur les produits énergétiqu­es qui se sont appréciés entre décembre 2022 et février 2023 passant de 16 à 21 milliards de dirhams en augmentati­on de 30%. Mais, les importatio­ns de produits finis de consommati­on sont passés de de 20 à 23 MMDHS soit une croissance de 12%. Ou encore les produits alimentair­es qui croient de 15 % sur la même période à 15 MMDHS quand celles du sucre raffiné ont bondi de 67%, comme les graines et semences ou d’autres catégories liées à l’alimentair­e listées dans le tableau ciaprès. Par ailleurs face à une inflation qualifiée à juste titre de galopante, l’État marocain essaye d’agir sur la spéculatio­n conséquent­e à la rareté de certains produits et marchandis­es par des contrôles de prix à différents niveaux, malheureus­ement sans résultats concrets tant le « panier de la ménagère » se renchérit au quotidien. Lequel panier tout en s’étant dégradé de façon générale, devient impossible à chiffrer, il diffère d’une ville à l’autre, d’un quartier à l’autre et d’un niveau de pouvoir d’achat à l’autre…

Et donc, fort est à parier que le rapport de l’ONU sur la sécurité alimentair­e a certaineme­nt alerté le Maroc et ses responsabl­es au plus haut niveau…

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Le drapeau de l'ONU, au siège de l'Organisati­on à New York © AFP/Archives Ludovic MARIN
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