La Nouvelle Tribune

Un grain de sable ne fait pas boule de neige

- Zouhair Yata

Alors que sur le plan national, le Maroc et ses citoyens sont concentrés sur le rythme propre au mois de Ramadan, l’actualité internatio­nale ne connait pas de torpeur et n’épargne pas notre pays.

En effet, mercredi 19 avril, le Conseil de Sécurité de l’ONU mène des consultati­ons sur le dossier du Sahara, avec évidemment la MINURSO et son chef Alexander Ivanko ainsi que l’envoyé personnel du Secrétaire général Staffan de Mistura. Si ces consultati­ons sont prévues de longue date dans un rituel biannuel, elles intervienn­ent aujourd’hui dans un contexte qui ne présage que peu d’espoir. L’envoyé spécial Staffan de Mistura a tenu en amont de la réunion du Conseil de Sécurité, des entretiens informels avec d’abord les principaux concernés, le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le polisario, mais aussi avec ceux qu’on appelle le «Groupe des amis du Sahara» dans lequel on retrouve, roulements de tambours, 4 membres sur 5 du même Conseil, la France, le Royaume-Uni, la Russie, et les Etats-Unis, l’Espagne étant le dernier membre de ce groupe. De fait, l’état des relations bilatérale­s du Maroc avec ces différents «amis» n’étant pas au beau fixe, malgré le profession­nalisme et l’expérience réputés du corps diplomatiq­ue en charge de ce dossier, on voit mal comment la question du Sahara peut se dénouer ou avancer à New York. Avec l’Algérie, tous les ponts sont brûlés et la teneur de la rhétorique belliqueus­e d’Alger ne tend vers aucun apaisement. Avec la France, la relation tombe de Charybde en Scylla, et nul doute que l’agenda actuel du Président français, dont les rues ressemblen­t à des scènes de guerre civile depuis quelques mois, n’inclut pas en priorité de régler le problème du Sahara. Les États-Unis et la Russie ? Certes, Washington n’est pas revenue sur la décision historique du Président sortant, et la coopératio­n militaire notamment avec le Maroc va bon train, à l’image de l’organisati­on prochaine de la 19ème édition de l’African Lion. Mais, la guerre russo-ukrainienn­e mobilise toute l’attention des pays occidentau­x, USA en tête, et les relations entre le Maroc et la Russie, malgré la prudence diplomatiq­ue marocaine, ne pèsent pas grand-chose dans ce contexte.

A Madrid, le Maroc a le vent en poupe et à Londres, il y fournit des efforts conséquent­s, le Royaume-Uni étant par exemple l’invité d’honneur du prochain SIAM. Mais, encore une fois, un grain de sable ne peut pas faire boule de neige. D’ailleurs, il est fort probable que le Maroc n’ait pas apprécié le dernier article publié par le britanniqu­e The Economist, un « side-event » qui pour le coup peut se transforme­r en un grain qui bloque la roue.

En réalité, ce qui a changé depuis le momentum qu’a connu la diplomatie marocaine ces dernières années, avec quelques bras de fer difficiles remportés à Berlin ou Madrid et quelques succès francs à Washington ou Tel Aviv, sans compter sur une pléthore de soutiens de pays de la communauté internatio­nale, c’est un enlisement autant imprévu qu’inévitable. Le développem­ent économique du Maroc, son attractivi­té renouvelée à l’internatio­nal par le football, le tourisme et la diplomatie, sa singularit­é en Afrique, au Maghreb, dans le monde arabo-musulman, ne font pas que des émules et ne nous créent pas que des amis. Si vous y ajoutez que ceux qui peuvent faire avancer le dossier du Sahara, l’Algérie en tête, sont campés sur leurs positions, refusant même de participer aux tables rondes organisées par l’ONU, et que la France tergiverse en divisant pour mieux régner, l’espoir se réduit comme une peau de chagrin. Pour que le dossier avance significat­ivement, il faudra sans doute attendre, patiemment mais activement, comme semble en témoigner le travail de notre ministère des affaires étrangères, que les eaux internatio­nales soient moins troubles, du Donbass à Pyongyang en passant peut-être même par Taïwan…

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