D’après la méthode Soriano, il faut avoir en tête 5 éléments dans la construction de son groupe:
Il faut connaître les objectifs individuels de chaque joueur pour comprendre s'ils sont en adéquation avec les objectifs du club. Il faut des joueurs cadres inspirants. Il faut un équilibre et une complémentarité entre les différents profils. Il faut d
Les deux premiers points sont identifiables via des compétences managériales. Le 3ème requiert des compétences métiers précises, tandis que les deux derniers sont mesurables. À sa grande époque, le FC Bâle se reposait sur des joueurs cadres ayant fait leurs preuves à l’étranger et surtout ayant une réelle volonté de jouer ce rôle au sein du club: Marco Streller, Benjamin
Huggel, Alex Frei pour citer des exemples suisses, mais également Marek Suchy, Marc Janko ou Geoffrey Serey Die pour des exemples étrangers. Dans sa structure d’effectif, le club s’assurait de la présence de joueurs complémentaires et différents au sein d’un même poste afin d’offrir à l’entraîneur la variété nécessaire dans ses choix en fonction de sa tactique, de son adversaire et de la forme du moment.
Le meilleur exemple est peut-être au poste de milieu de terrain sous l’ère Murat Yakin. Alors que le coach suisse jouait avec 3 milieux axiaux, il avait dans son cadre: deux récupérateurs (Xhaka, Die), deux constructeurs au profil technique (Zuffi, Diaz), deux joueurs polyvalents avec un gros volume de jeu (Frei, Elneny). Ancien recruteur du FC Bâle, Roberto Crausaz, nous confiait lors d’une interview en juillet que la direction sportive savait avant chaque mercato quel joueur était susceptible de quitter le club et quel type de joueurs devait venir renforcer l’équipe. Cela permettait d’assurer une stabilité générale du groupe. Et pour finir, le FCB a toujours mis un effort important dans l’acquisition ou l’émergence d’un grand talent permettant au club de faire la différence. Les meilleurs exemples ici sont Xherdan Shaqiri, Mohamed
Salah ou encore Breel Embolo.
Pour mesurer le talent global d’un groupe, le cabinet américain McKinsey a publié en 2020 une étude montrant qu’il existe une forte corrélation entre la
valeur marchande d’un effectif (via le site spécialisé Transfermarkt) et les résultats sportifs. Cette corrélation se monte à 59 %, ce qui permet au plus haut dirigeant du club de monitorer l’évolution de son effectif. Une fois que le dirigeant a pu mettre un indicateur sur la valeur de son groupe, il lui reste à mettre en place un plan pour augmenter cette valorisation. Trois moyens sont le plus souvent utilisés:
Faire progresser les joueurs du groupe professionnel.
Faire émerger des talents du centre de formation à haut potentiel.
Effectuer un trading efficient. C’est-à-dire vendre un joueur qui a atteint le potentiel espéré pour recruter un nouveau joueur avec une valeur marchande et/ou un potentiel marchand plus intéressant que son prix actuel.
Cette dernière méthode est risquée, car différents paramètres influent sur la réussite ou non d’un transfert. Et indéniablement, il faut une maîtrise forte des périodes de mercato pour pouvoir réaliser de bonnes opérations régulièrement sans affaiblir l’équipe. Cependant, c’est une méthode qui peut accélérer très rapidement le développement d’un club.
Comme mentionné précédemment, les mercatos sont des périodes charnières pour les clubs. Dans ce paragraphe, nous comprenons également que cela peut être la période stratégique de développement d’un club. Il faut donc savoir se préparer à cela. Le plus haut dirigeant du club doit s’assurer de mécaniser l'intégralité du processus.
Un mercato est un projet, il faut donc un plan de projet. Concrètement, il y a 6 étapes clés dans le recrutement.
La première est cruciale et découle de
l’analyse de la saison écoulée. Il faut identifier les besoins de l’effectif. Que cherche-t-on? Quel profil? Combien de joueurs? Avec quel budget? Quelles sont les forces en présence? Les réponses à ces différentes questions vont permettre d'effectuer un premier filtre grossier mais important: il s’agit là de sélectionner des marchés en fonction des moyens du club, des connaissances des recruteurs ou des intermédiaires (agents, réseaux externes de recruteurs) et de l’attractivité du club.
Pendant longtemps, le FC Bâle avait une stratégie claire dans le choix des
marchés. La Suisse était un premier choix logique. Le club était la meilleure adresse du pays pour tous les joueurs évoluant dans nos frontières. L’attractivité du club n’avait pas d'égal. Cela permettait également aux dirigeants de s’assurer la venue des meilleurs joueurs du pays. Un autre marché que le club rhénan a souvent utilisé était le marché sud-américain. Ici, le rôle du légendaire Ruedi Zbinden et de Roberto Crausaz était crucial. Les deux hommes connaissaient parfaitement ce secteur et avaient de nombreux contacts qui leur permettaient de réaliser de superbes coups (Cabral, Delgado, Derlis Gonzalez, Alderete, etc.). Le troisième marché important de l’époque était le marché européen de «seconde main». Des championnats du même niveau que la Suisse où le FC Bâle était perçu comme une adresse très attractive pour les meilleurs joueurs.
L’arrivée de David Degen a en partie modifié ce schéma gagnant. Le nouveau réseau du patron du FC Bâle a permis au club de se positionner sur d’autres marchés (la France, l’Italie, l’Espagne, l’Afrique) avec plus ou moins de succès. La difficulté pour un club suisse de couvrir une large zone est de perdre un niveau de connaissance pointu des différents marchés. Lors du dernier mercato, les Rotblau ont navigué à vue. Le manque de stratégie est perceptible rien qu’en analysant où le FC Bâle est allé recruter ces nouveaux joueurs.
Après cette segmentation, il est très important, lors de la deuxième étape, de définir clairement les rôles de chacun. Dans la très grande majorité des clubs, l’entraîneur doit être consulté, le directeur sportif doit piloter, les recruteurs doivent scruter et faire une partie du travail opérationnel et le président doit superviser. Si l’ordre n’est pas clairement défini ou respecté, le projet mercato est mal embarqué.
Un peu comme dans le cadre d’un recrutement dans une entreprise standard, les clubs de football sont confrontés à l’afflux d’informations et de candidats. Les demandes viennent de partout et dans tous les sens (agents, joueurs, intermédiaires, recruteurs). Désormais, les clubs sont équipés de différents outils qui leur permettent de procéder à l’étape 3 avec une efficacité totale: le filtrage.
L’outil le plus connu est la plateforme Wyscout, qui permet de visualiser des séquences d’une grande partie des joueurs de la planète, de voir un certain nombre de statistiques et de se créer ses propres filtres. Une étape cruciale pour affiner son recrutement et ne pas partir dans tous les sens.
Mais le terrain, il n’y a que ça de vrai! L’étape suivante est de superviser le joueur dans des conditions réelles. De prendre la température et de pouvoir capter toute une série d’informations qu’il n’est pas possible de sentir derrière un écran. La supervision au stade est toujours un prérequis. Pourtant, plusieurs clubs choisissent parfois de faire l’impasse sur cette étape. À mi-parcours du recrutement, elle est pourtant indispensable pour ressentir les choses.
Ensuite, l’avant-dernier objectif est de centraliser et d’uniformiser les
données récoltées. Ici aussi, il existe des outils technologiques. D’autres utilisent le système «Luis Campos», qui consiste à classer les joueurs en différentes catégories:
Si les rôles ne sont pas clairement défini ou respecté, le projet mercato est mal embarqué.
Et pour finir, la dernière étape. La plus commerciale de toutes. La séduction.
Un joueur a de nombreuses convoitises et parmi toutes celles-ci, il faut que la vôtre puisse être celle qui attire le plus l’attention. Forcément, l’aspect financier joue un rôle qui est plus ou moins important en fonction du joueur et de l’étape dans sa carrière. Mais ce n’est pas tout. C’est là où la vision claire qu’un dirigeant donne à son club peut porter ses fruits. Plus le projet est cohérent, plus le joueur et ses conseillers seront attentifs.