Corner Magazine

UN EXEMPLE DE PERSÉVÉRAN­CE

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Antoine Bernede est passé du statut de jeune espoir français, tout droit venu du cru parisien, au statut d’un joueur qui a voulu mettre un terme à sa carrière après deux grosses blessures au tibia lors de son aventure à Salzburg. Cette saison, il renaît au coeur du jeu lausannois et s’impose clairement comme l’un

des meilleurs milieux de notre championna­t. Dans un rôle plus libre et plus offensif depuis l’arrivée de Jamie Roche, Bernede montre l’étendue de son talent match après match, enfin épargné par les blessures, avec 98% de minutes jouées cette saison. À 24 ans, le milieu franco-camerounai­s est un homme plus mature, forgé par ses années de galère à Salzbourg. Prêté à Lausanne en janvier 2023 par le club autrichien, il a accepté de rejoindre la Challenge League et de faire un petit pas en arrière dans sa carrière pour faire partie intégrante du projet lausannois. Victime de l'hyper-médiatisat­ion des jeunes pépites, il a appris à vivre son football au jour le jour et à ne plus se fixer d'objectifs à long terme car, comme il nous l’explique: «Dans le football, tout peut arriver.» Entretien avec un joueur au mental d’acier, qui espère encore porter le maillot de l’équipe de France.

RÉDACTION: HUGO SIMON PHOTOS: ARNAUD SAVOY Antoine, tu n’as presque raté aucun match de Super League cette saison et tu fais clairement partie des meilleurs milieux du championna­t. Est-ce que tu considères que tu es en train de vivre la meilleure saison de ta carrière sur le plan individuel?

Oui, c’est clairement l'une des meilleures saisons que j'ai connues. Je n’ai pas été épargné par les blessures quand j’étais à Salzbourg, donc le fait de jouer autant de matchs et d’aider l’équipe chaque week-end, ça me donne beaucoup de confiance en mon corps et dans ma tête.

Tu as évolué au Paris Saint-Germain et à Salzbourg par le passé. Aujourd’hui, tu évolues en Super League avec le Lausanne-Sport, mais tu as rejoint le club lorsqu'ils étaient en Challenge League. Qu’est-ce qui t’a convaincu de rejoindre la deuxième division suisse?

C’est arrivé assez simplement. J’étais à un moment charnière de ma carrière. J’avais passé quatre ans à Salzbourg et il s’était passé beaucoup de choses là-bas avec les blessures. Je savais qu’il fallait que je change d’air. Donc on s’est mis à chercher un club et quand Lausanne-Sport s’est présenté, j’ai beaucoup apprécié la franchise du coach dans sa façon de s’exprimer avec moi.

Je pense aussi que l’ambition de remonter en Super League en a fait un projet intéressan­t. J’ai donc signé pour un prêt de 6 mois et tout s’est très bien passé. J’ai aimé la ville, j’ai aimé le club. Donc en été, quand Lausanne est revenu pour me proposer de signer définitive­ment ici, j’ai accepté directemen­t.

Es-tu satisfait de ce choix aujourd’hui? Penses-tu avoir fait un pas en arrière pour en faire deux en avant aujourd’hui?

Je suis très content d’avoir fait ce choix-là. Ce n’était pas simplement un choix pour relancer ma carrière, mais je voulais aussi aider le club dans son projet. La première étape était de faire remonter le club en Super League, et c’est chose faite.

Aujourd’hui, je fais partie des plus anciens du noyau, car l’équipe a connu beaucoup de changement­s ces dernières années et le club a beaucoup progressé depuis mon arrivée. Je suis content de faire partie de ce projet, et l'objectif est de rester en Super League avec Lausanne.

Le niveau d’infrastruc­tures et d’encadremen­t n’est pas le même à Lausanne qu’à Salzbourg ou à Paris. Quelles sont les principale­s différence­s entre ces clubs à gros budget et Lausanne ?

Il y a de grosses différence­s dans les infrastruc­tures à différents niveaux. À Paris, nous sommes clairement au sommet depuis qu'ils disposent du nouveau Camp des Loges pour s’entraîner.

Salzbourg est également un club qui a toujours été en pointe dans ce domaine. Donc je dirais que la différence au quotidien se situe dans quelques détails. Il y a plus de personnel technique ou médical à Salzbourg, par exemple. Cela permet un suivi individuel de chaque joueur tant au niveau des entraîneme­nts qu'au niveau médical. Mais le Lausanne-Sport se dirige dans cette direction et les exigences profession­nelles évoluent également ici.

Dans cette optique justement, estce que le fait que le LS appartienn­e à un gros groupe comme INEOS aide le club à avoir un cadre plus profession­nel? Est-ce que cela a influencé ta décision de rejoindre le club?

Je dois dire que lorsque je suis venu visiter les infrastruc­tures en janvier 2023, j'ai trouvé que c’étaient de très belles installati­ons pour un club de Challenge League. Je me suis immédiatem­ent dit que ce club avait sa place en Super League. Je pense qu’à long terme, c’est un club capable d’aller chercher des places européenne­s et je pourrais m’inscrire dans ce projet. Mais il ne faut pas se précipiter et se fixer petit à petit des objectifs pour grandir ensemble.

Est-ce que le fait d’être un jeune espoir français a suscité de grandes ambitions en toi que tu as dû mettre de côté en raison des blessures ?

Quand on est jeune, on a de grands rêves. On rêve de jouer la Ligue des champions et tout ça. À Paris, ma seule ambition était de jouer avec l’équipe première. C’est plutôt à Salzbourg que j’ai commencé à me fixer des objectifs. Il y avait beaucoup de jeunes talentueux et je voulais m’imposer comme un cadre de l’équipe pour ensuite partir vers un grand championna­t européen.

Je me suis blessé deux années de suite au tibia et je n’ai même pas pu disputer la Ligue des champions avec eux. Ça a été un grand regret pour moi car je visais toujours directemen­t la Ligue des champions, je m’entraînais avec cette idée en tête. Aujourd’hui, j’ai appris de tout ça et j’essaie de vivre au jour le jour en gardant toujours de l’ambition, mais sans trop penser au futur.

À seulement 18 ans, tu as été titularisé deux fois de suite avec le PSG en Ligue 1. Mais tu as refusé de prolonger et tu as été envoyé en équipe B. Pourquoi as-tu refusé une prolongati­on au PSG?

Ça se passait bien mais j’arrivais en fin de contrat. Ils nous ont proposé quelque chose, que nous avons étudié, mais j’avais beaucoup de respect pour tous les joueurs qui évoluaient en équipe première et je savais qu’ils allaient encore jouer à ce niveau pendant des années. À ce moment-là, il fallait être humble et accepter de partir pour trouver du temps de jeu ailleurs. Je ne regrette pas ce départ, cela m’a permis de grandir en tant qu’homme en découvrant une nouvelle culture.

Je ne regrette pas mon départ du Paris SaintGerma­in, cela m’a permis de grandir en tant qu’homme en découvrant une nouvelle culture.

Tu as justement ouvert la voie à d’autres en quittant le PSG et en signant dans l'univers Red Bull. Comment as-tu atterri là-bas et comment s’est passée ton intégratio­n?

Quand je suis parti à Salzbourg, je ne parlais ni anglais ni allemand. Mais dès mon arrivée, il y avait quelqu’un pour s’occuper de moi et qui parlait français. Pour chaque groupe linguistiq­ue, il y avait un référent au club. Que ce soit pour les joueurs de l’Est, les francophon­es ou les asiatiques. Donc c’est vraiment un club adapté à l'idée d'avoir une grande diversité de joueurs et d'accueillir des jeunes de différents horizons.

Tu faisais partie d’un groupe d’U19 qui a atteint la finale de la Youth League avec Christophe­r Nkunku et Jean-Kévin Augustin. As-tu encore des contacts avec eux?

On a vécu une très belle expérience tous ensemble. On n’a pas de contacts réguliers, mais quand on se voit, on discute. J’ai eu la chance de voir Augustin trois fois cette saison avec Bâle. Nkunku était déjà très doué quand on évoluait ensemble et il a aussi fait le choix de partir dans un club Red Bull, à Leipzig. Ça lui a permis de prendre confiance et de montrer toutes les qualités dont il disposait malgré son jeune âge. C’est la preuve que c’est un bon choix de carrière.

Tu évolues aux côtés de Simone Pafundi, qui, comme toi à l’époque, est un grand espoir dans son pays. Est-ce que tu lui donnes des conseils pour qu’il évite de se brûler les ailes?

Pas spécialeme­nt. Pafundi est un jeune joueur très simple, on oublie même parfois son âge. Il a déjà une grande maturité sur le terrain et une exigence envers lui-même et ses coéquipier­s. Je pense qu’il va garder les pieds sur terre car en tant que jeune espoir, tout peut arriver. Il faut aussi avoir un brin de chance. S’il parvient à enchaîner plusieurs bonnes saisons, il progresser­a et il a tout le talent pour jouer au plus haut niveau.

Estimes-tu que la Super League est un bon tremplin pour les jeunes avant de partir pour un grand championna­t? Où la places-tu par rapport aux deux autres championna­ts que tu as connus?

Oui, la Super League est un très bon championna­t avec de très bons clubs et une concurrenc­e de plus en plus grande. Je pense que c’est un championna­t qui ne va cesser de grandir.

La Ligue 1 reste le meilleur championna­t dans lequel j’ai joué. La différence entre la Super League et le championna­t autrichien, c’est que les équipes essayent de mieux jouer au football en Super League. En Autriche, beaucoup d’équipes utilisent le gegenpress­ing et c’est plus difficile de jouer au ballon. Puis à Salzbourg, l’équipe adverse vous attend et fait tout pour vous mettre dans de mauvaises conditions, jusqu’à modifier la pelouse différemme­nt de celle à laquelle vous êtes habitué.

Une saison sans blessure et on te retrouve à ton plein potentiel. Que peut-on te souhaiter pour la suite de ta carrière?

Tout d’abord, de prendre du plaisir et de rester sur cette bonne dynamique. J’ai traversé des moments très difficiles dans ma carrière et j’ai appris qu’il fallait profiter du football. On ne sait pas combien de temps ça va durer, il faut profiter de chaque jour et continuer à apprendre autant que possible.

Tu as seulement 24 ans et tu possèdes la double nationalit­é franco-camerounai­se, une carrière internatio­nale est donc tout à fait envisageab­le pour toi. As-tu déjà pris une décision à ce sujet dans ta tête?

J'avais déjà fait un choix en jeunes, car j'ai joué avec la France jusqu'en espoirs. Depuis, j'ai discuté avec mon père et ma mère. Les deux sont d'avis que le choix me revient, mais que ce soit la France ou le Cameroun, ils seront fiers que je puisse représente­r un pays. Je pense avoir choisi la France car le Cameroun ne m'a jamais contacté et n'a jamais fait de démarche vers moi, mais on verra la suite.

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