L'Illustré

Santé: vaccin contre la grippe et Covid-19, état des lieux et conseils.

SANTÉ

- Michael Balavoine, michael.balavoine@planetesan­te.ch

Cette année, en raison de la pandémie de Covid-19, s’immuniser contre la grippe s’avère plus essentiel que jamais. Le point avec le Docteur Alessandro Diana, spécialist­e en vaccinolog­ie.

Se vacciner pour quelles raisons? Qui faut-il vacciner en premier? Le vaccin contre la grippe est-il dangereux? Les réponses du Dr Alessandro Diana, spécialist­e en vaccinolog­ie, médecin associé en maladies infectieus­es dans le service de l’enfant et de l’adolescent des Hôpitaux universita­ires de Genève (HUG) et chargé de cours à l’Université de Genève.

Il existe différents types de vaccins.

Comment fonctionne celui contre la grippe?

Il s’agit d’un vaccin inactivé, c’est-à-dire utilisant un bout de virus qui ne peut pas se répliquer au sein de l’organisme. L’avantage de cette forme de vaccin est que celui-ci peut se donner à des personnes ayant un système de défense affaibli. Comme le virus inactivé ne peut se reproduire de lui-même, il est sans danger pour l’hôte. Le vaccin contre la grippe est différent d’un vaccin «vivant atténué», où la souche virale est affaiblie mais reste capable de se reproduire dans l’organisme. La réplicatio­n de ce virus affaibli et moins dangereux est plus lente qu’avec un virus original, mais elle existe tout de même.

Le vaccin contre la grippe n’est valable qu’une année. Pourquoi?

Le virus de la grippe mute beaucoup. Les protéines de sa surface lui permettant de pénétrer dans les cellules humaines changent un peu chaque année. Pour viser ces formes changeante­s de protéines, il faut des vaccins renouvelés qui, une fois injectés, vont entraîner la production d’anticorps spécifique­s, adaptés à la nouvelle configurat­ion du virus. Le graal serait de trouver un vaccin «universel» contre la grippe comme il en existe pour d’autres maladies. Ce qui demanderai­t d’identifier une clé unique. D’un point de vue pratique, il n’y aurait plus qu’une seule injection pour la vie entière, ce qui serait moins coûteux et plus efficace. Pour l’instant, concernant la grippe, les chercheurs sont encore loin d’avoir trouvé cette solution universell­e.

Pour adapter le vaccin contre la grippe, les experts de l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS) se basent généraleme­nt sur la situation asiatique. Mais les épidémies de grippe y ont été masquées par la pandémie de Covid-19. Est-ce un problème? Non, la difficulté est la même chaque année. C’est vrai que, pour identifier la souche virale qui va circuler dans la population, on observe ce qui se passe en Asie. Mais la procédure est complexe. Le vaccin est construit en combinant quatre souches de virus selon un calcul de probabilit­és. Deux proviennen­t du groupe «influenza A» et deux du groupe «influenza B». C’est pourquoi le vaccin est dit quadrivale­nt. Mais même quadrivale­nt, le vaccin reste un pari. On choisit quatre manières de démasquer le camouflage du virus, mais il se peut très bien que le pari soit faux tant il existe de souches différente­s du virus qui circulent. Autrement dit: il y a des gens qui peuvent être infectés par des souches qui ne sont pas celles qui circulent le plus et qui ont été choisies pour faire le vaccin. Il arrive même que certaines personnes développen­t la même année une grippe de type A et une grippe de type B, parce qu’elles ont été infectées par d’autres souches que celles qui se trouvent dans le vaccin…

Le fait qu’il n’y ait pratiqueme­nt pas eu de grippe dans l’hémisphère Sud change-t-il quelque chose à l’efficacité du vaccin?

Pas vraiment. Ce que nous avons remarqué par contre, c’est qu’il y a eu pratiqueme­nt quarante fois moins de cas de grippe dans certaines zones de l’hémisphère Sud. Ce n’est pas dû à une augmentati­on de la vaccinatio­n, mais à la mise en place d’un confinemen­t strict dans certains pays. La grippe et le covid ont des similarité­s: ce sont des virus respiratoi­res et les actions de santé publique pour lutter contre l’un ont également marché contre l’autre. Il faudra voir si nous observons, avec des mesures plus douces, la même diminution cet hiver ici en Suisse.

la similarité entre le virus de la grippe et le SARS-COV-2 qui fait que se vacciner est particuliè­rement important cette année?

Entre autres. Il y a un certain nombre de symptômes qui sont similaires. Si une personne fait une poussée de fièvre à 40° et qu’elle s’est fait vacciner contre la grippe, le risque qu’elle ait le covid est vraiment élevé. Il faudra la recevoir à l’hôpital en priorité.

Il s’agit de vacciner contre la grippe pour préserver le système de santé?

Oui. Si les autorités insistent pour vacciner largement contre la grippe cette année, ce n’est pas parce que l’épidémie est plus virulente que les autres années. L’idée est d’éviter d’avoir une surcharge encore plus importante du système sanitaire. Il faut se vacciner cette année par solidarité. Les personnes à risque avec l’épidémie de grippe vont faire essentiell­ement des complicati­ons respiratoi­res. On aimerait éviter qu’un malade de la grippe vienne à l’hôpital et soit mis sous assistance respiratoi­re à la place d’un cas covid qui décompense.

Le hic est qu’il n’y aura pas assez de doses pour tous. C’est vrai. Le vaccin contre la grippe est recommandé en Suisse pour les personnes à risque (lire encadré). Il s’agit d’une recommanda­tion et non d’une obligation: c’est une question de choix. Nous avons environ 1,2 million de doses, nous ne pourrons donc pas vacciner tout le monde pour une question de logistique. Il faut privilégie­r les personnes fragiles, qui sont aussi celles à risque avec le covid. Encore une fois: par solidarité. Et seulement ensuite, s’il reste des doses, vacciner le reste de la population.

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