LES MERVEILLES DU MONDE
Les photos électriques d’orages de Dean Gill, météorologue à Météo Suisse, qui publie un livre détonant.
L’éclair et la foudre, forces indomptables de la nature, suscitent depuis toujours crainte et fascination. Dans son livre «Chasseur d’orages»,
le météorologue Dean Gill nous initie à la violence des éléments fondamentaux, lorsque l’eau, l’air, le feu et la glace s’unissent avec fracas.
Coup de foudre intranuageux à Genève en juin 2016.
La décharge reste enfouie à l’intérieur du nuage et éclaire sa partie supérieure,
alors que le bas est illuminé par la lumière de la ville. L’orage commence à s’affaiblir et la zone des précipitations s’élargit. Pourtant, dès la publication de cette image sur les réseaux sociaux, un
site complotiste a prétendu que le CERN avait créé cet orage, ce qui prouverait sa capacité à dérégler le
climat terrestre et à établir des passerelles interdimensionnelles. En réalité, cette cellule orageuse ne s’est pas formée au-dessus du CERN et n’était de loin pas la seule active, ni la plus virulente, dans
la région ce soir-là.
Le sommet du mont San Salvatore, au-dessus de la baie de Lugano, a été le siège de l’un des premiers laboratoires de recherche
sur la foudre, installé en 1943. Le Tessin est l’une des régions les plus foudroyées d’Europe. La fréquence des
orages est favorisée par sa situation géographique particulière: les vents chauds et humides en provenance de l’Adriatique
et du golfe de Gênes viennent buter contre les premiers contreforts alpins pour former des orages particulièrement actifs.
En haut: orage particulièrement électrique aux environs de Lausanne. Au centre: coups de foudre ramifiés sur Lavaux, sous un cumulonimbus visible en entier. Le cumulonimbus est un hydrométéore, soit un élément composé d’eau sous toutes ses formes. C’est le seul qui soit en mesure de générer une activité électrique. Il est composé de gouttelettes d’eau dans sa partie inférieure et de cristaux de glace dans sa portion supérieure. Il contient aussi de la grêle, du grésil, des flocons de neige et de grosses gouttes de pluie. C’est le nuage typique de l’orage.
En bas: sur le haut du lac Léman, lorsque les vents sont parfaitement orientés et que l’air est instable, les averses se succèdent à la queue leu leu en touchant terre toujours au même endroit, vers Montreux-Vevey.
De ses souvenirs d’enfance, Dean Gill n’oubliera jamais le violent orage qu’il a vécu alors qu’il avait 5 ans, à Padoue, calfeutré dans la maison de ses grands-parents. Une nuit entière passée dans un vacarme indescriptible, au milieu de hurlements venus du ciel, d’éclairs incessants et de vents tempétueux. Poussé par sa curiosité, le jeune Dean observait la scène entre les lamelles des stores: tout n’était qu’obscurité interrompue par des flashs aveuglants et répétitifs. Le lendemain matin, il n’en a pas cru ses yeux: sa rue était jonchée de débris de toutes sortes. D’une violence inouïe, un vortex avait parcouru au total 70 km, frôlé la maison de ses grands-parents, provoqué 36 morts, blessé plus de 500 personnes et réussi l’exploit de soulever hors de l’eau un vaporetto… Cet épisode fascinera à jamais Dean Gill: il sera météorologue et consacrera ses loisirs à photographier les orages.
Cinquante ans plus tard, Dean Gill publie son premier livre, consacré… aux orages bien sûr! Réunissant des images exceptionnelles, construit comme un récit à la fois biographique et pédagogique, l’ouvrage nous fait partager les succès, les défis et les dangers qui ont fait frissonner son auteur durant sa longue quête. Des prises de vue grandioses nous emportent au coeur de paysages inoubliables, à la manière d’un road movie: en Suisse, en Italie, en France, mais aussi aux Etats-Unis, dans la Tornado Alley, ce vaste territoire réputé pour ses tornades nombreuses et impressionnantes, qui s’étend du Texas jusqu’au nord du pays. Chasseur d’orages retrace les étapes d’un véritable parcours initiatique, une façon pour son auteur de revivre et de dompter la mystérieuse force céleste qui avait marqué son enfance et que la nuit italienne lui avait cachée.
Captivé par les photos, le lecteur apprend tout sur la foudre et les éclairs, de la formation d’un orage classique à celle des supercellules génératrices de tornades. Des fiches techniques l’emmènent au coeur des cumulonimbus, décortiquent la formation d’éclairs ou décryptent la genèse de la grêle et ses conséquences. Pédagogue, le météorologue-photographe n’oublie pas la relève: les jeunes chasseurs d’orages y trouveront de nombreux conseils scientifiques et pratiques – et de prudence – pour les accompagner dans leur vocation naissante!