Le si long sommeil de l’hiver
D’octobre à avril, certains mammifères disparaissent de nos paysages et s’enfouissent dans leurs terriers, saisis par un endormissement profond. Un phénomène mystérieux et fascinant que les chercheurs commencent tout juste à comprendre.
Au coeur de l’hiver, le froid et la neige bloquent la croissance végétale, privant beaucoup d’animaux de nourriture. Face à cette pénurie, la nature a trouvé une solution ingénieuse: constituer des réserves, s’abriter et réduire les dépenses afin de survivre jusqu’au retour du printemps. C’est l’hibernation. Longtemps, on l’a prise pour une façon de s’adapter aux rigueurs du climat. On sait maintenant qu’il s’agit avant tout d’un moyen de parer au manque de nourriture, car l’hibernation existe chez de nombreuses espèces de l’hémisphère Sud qui ne subissent pas de saison froide.
Les hibernations se divisent en trois types différents. Les oiseaux ont choisi la torpeur quotidienne, un processus par lequel ils ralentissent leur métabolisme et baissent leur température corporelle pendant la nuit pour économiser de l’énergie. Vient ensuite l’hivernation (avec un «v»), qui consiste à entrer dans un état durable d’hypothermie modérée, entrecoupé de nombreux réveils. C’est le cas des grands carnivores comme l’ours et le blaireau. Mais leurs organes vitaux restent à leur température normale pour pouvoir réagir rapidement en cas de besoin. L’ourse, par exemple, est capable de donner naissance à ses petits pendant l’hiver.
Enfin, l’hibernation proprement dite est une véritable léthargie, qui implique une diminution profonde de la température du corps et de la plupart des fonctions corporelles, même vitales. Elle touche surtout les animaux de petite taille, comme les loirs, les marmottes et certaines chauves-souris. La température corporelle peut chuter à 0°C et même, dans le cas du spermophile arctique (une espèce d’écureuil), atteindre -2,9°C, un record! Le cerveau se met en mode veille, ne conservant pour les fonctions comme la respiration ou la circulation sanguine qu’une activité minimale. Le coeur ralentit parfois jusqu’à trois battements par minute et le rythme respiratoire peut être suspendu pendant plus d’une heure. D’autres fonctions, comme la filtration rénale, sont littéralement stoppées. Ce n’est pas un simple sommeil. Toute activité du cortex disparaît alors: l’animal remplit les critères légaux de mort clinique!
Ces phases de léthargie, qui durent entre dix et quinze jours,
sont interrompues par des périodes de réveil d’environ vingt-quatre heures. La température du corps remonte à sa valeur normale, environ 36°C, et toutes les fonctions corporelles reprennent. L’animal se dégourdit, mange et fait ses besoins dans un lieu du terrier prévu à cet effet. Durant ces périodes de réveil, il consomme la quasi-totalité de ses réserves. Une lourde dépense, mais qui évite que l’animal ne s’empoisonne par ses propres toxines. Puis l’hibernation reprend ses droits, en cycles répétés, jusqu’au retour des beaux jours. ●