L'Illustré

Arnold Schwarzene­gger ou Conan le juste.

Conan le chic type

- Texte Blaise Calame – Photo Sheryl Nields/August

Né en Autriche puis naturalisé Américain, Arnold Schwarzene­gger, 73 ans, personnifi­e le rêve américain. Il a régné sur Hollywood et dirigé la Californie. Très attaché aux valeurs de la démocratie américaine, il les a défendues avec conviction après l’assaut du Capitole, n’hésitant pas à évoquer son défunt père, égaré dans le nazisme.

Uvidéo de sept minutes postée sur YouTube le 10 janvier. Décor strict, bannière étoilée et drapeau californie­n à l’arrière-plan. Cadrage serré. L’acteur et ancien gouverneur Arnold Schwarzene­gger, 73 ans, se mue en pédagogue pour défendre la démocratie américaine, dont l’insurrecti­on au Capitole a brutalemen­t rappelé la fragilité. Le colosse autrichien, naturalisé Américain le 13 décembre 1973, parle vrai. Il rappelle la Nuit de cristal de sinistre mémoire, évoque son père, un nazi «piégé par les mensonges […], un homme brisé qui buvait pour oublier qu’il avait participé au pire régime de l’histoire». Trump, «dirigeant raté», est dézingué. Le message est fort. «Son meilleur rôle», commentent les internaute­s.

Arnold Schwarzene­gger incarne le rêve américain: un type sorti de nulle part qui a fait fortune et s’est élevé dans l’échelle sociale. Jusqu’à gouverner la Californie, l’Etat américain le plus peuplé. Quel parcours! Son seul nom constituai­t pourtant au départ un obstacle a priori insurmonta­ble… Aujourd’hui, qui ne le connaît pas aux Etats-Unis? Sacré personnage. Massif, intimidant, mais aussi et surtout de l’autodérisi­on à revendre. Ce facho de Steven Seagal, proche de Trump et de Poutine, peut aller se rhabiller. Niveau déconne, il ne fait pas le poids. Il n’y a que Schwarzy pour balancer une réplique comme «Aiguise-moi ça!» à un guérillero qu’il vient de clouer sur une porte avec son poignard dans la jungle de Predator.

Dans les années 1980, aucun film d’action ne s’envisageai­t sans Schwarzene­gger ou Stallone. Leurs cassettes VHS franchissa­ient le Rideau de fer. Tout un symbole. Et si, comme les Vopos de l’ex-RDA à l’époque, on rembobinai­t le film?

C’est à Thal, village de 2000 âmes de la province de Styrie, près de Graz, en Autriche, que le jeune Arnold Alois a grandi, avec pour décor des collines verdoyante­s. Cadet de deux frères, le garçon est chétif et souvent malade. Aurelia, sa mère, a épousé Gustav Schwarzene­gger et sa moustache hitlérienn­e en 1945. Un sportif qui sera successive­ment chef de police, inspecteur postal et officier de police militaire. Une chemise brune aussi, entré volontaire­ment au parti nazi en janvier 1941. Lorsque les Juifs de Graz sont déportés, il détourne le regard. Au sein de la Wehrmacht, il se distingue en Pologne, en France et même à Stalingrad, dont il revient blessé et décoré de la Croix de fer pour bravoure.

La défaite de l’Allemagne, la culpabilit­é aussi, affirme Arnold Schwarzene­gger, précipiten­t cet homme brutal et exigeant dans l’alcoolisme. Il meurt en décembre 1972 dans un accident de la route. Il était bourré. Sa veuve, Aurelia, née Jadrny, le rejoindra en 1998, terrassée par une crise cardiaque alors qu’elle visitait un cimetière…

Des deux garçons du couple, Meinhard, l’aîné, a toujours été le chouchou. Arnold? Trop efféminé, selon son père, trop timide avec les filles, pas assez blond. Meinhard se met au culturisme. Le petit l’observe. Adolescent, il tombe sur un magazine de bodybuildi­ng présentant le Britanniqu­e Reg Park, connu pour incarner Hercule dans des nanars genre Hercule contre les vampires (1961), à sa une. Arnold veut lui ressembler. Piochant allègremen­t dans les stéroïdes anabolisan­ts alors en vente libre, s’entraînant sans relâche, il gonfle à vue d’oeil. Il fume un peu d’herbe parfois, avec les copains. La métamorpho­se s’opère.

Pendant son service militaire, en 1965, Arnold Schwarzene­gger, 18 ans, s’échappe pour aller participer au concours Mister Europe à Stuttgart en Allemagne. Il est titré chez les juniors et… écope d’une semaine de clou à son retour!

Il prend goût aux études. Après le lycée, il obtient un doctorat en marketing à l’Université de Munich, puis il émigre en 1968 aux Etats-Unis où il va décrocher, à l’Université du Wisconsin, un doctorat en économie, gestion des affaires internatio­nales et lettres humaines, excusez du peu. Elu cinq fois Mr. Universe, sept fois Mr. Olympia, il en impose et souhaite devenir acteur. A Hollywood, sa photo circule déjà. Il sera la vedette d’Hercule à New York (1971), une niaine

serie où il apparaît au générique en tant qu’Arnold Strong… Humiliatio­n ultime: il est doublé au montage.

Mai 1972, son frère Meinhard se tue dans un accident de voiture, laissant un fils de 3 ans, Patrick, qu’il va couver. L’Amérique est sa terre promise. Il se lance dans les affaires et ouvre une fabrique de briques avec des potes culturiste­s. A San Francisco, où les séismes endommagen­t régulièrem­ent des maisons, le produit «de qualité européenne» qu’il propose cartonne. On l’ignore bien souvent, mais Arnold Schwarzene­gger était riche avant de devenir une star à Hollywood!

L’acteur débutant travaille sur son accent. Dans Stay Hungry (1976), film oublié consacré au culturisme, il est épatant de naturel. Il obtient le Golden Globe 1977 de la révélation masculine de l’année! Son unique trophée à Hollywood, mais il a rendez-vous avec le public. Conan le Barbare (1982) et Terminator (1984) le propulsent au sommet du box-office. Il n’aligne pas que des chefs-d’oeuvre et frise parfois le ridicule, mais si l’on additionne les chiffres de chacun des films dans lesquels il est ap

paru, on dépasse aujourd’hui les 7,5 milliards de dollars de recettes!

Durant les années 1980-1990, seul Sylvester Stallone lui résiste. Le héros de Rocky le hait. Il faut dire qu’ils se disputent les mêmes rôles. Et à ce petit jeu-là, le plus malin, c’est Arnold. La preuve? Un jour, son agent lui soumet le scénario d’Arrête ou ma mère va tirer, comédie pathétique promise à un bide certain. Schwarzene­gger s’arrange pour faire croire à Stallone qu’il est intéressé. «Sly» se démène pour lui passer devant. Il se ratatine en salle…

Aujourd’hui, les deux hommes sont amis. Stallone, réalisateu­r et acteur, l’a même recruté en 2009 pour The Expendable­s.

Dans l’intervalle, Schwarzy s’est essayé à la politique, un beau mariage à la clé. Le 26 avril 1986, il épouse Maria Shriver, nièce du défunt président John F. Kennedy, qui lui donnera quatre enfants. Leur mariage va durer vingt-cinq ans, jusqu’à leur séparation en mai 2011. Que s’est-il passé? L’ancien gringalet timide, devenu accro au sexe, a eu une liaison avec Mildred Baena, une employée de maison. Un enfant illégitime est né. Quand Maria Shriver l’apprend, le garçon, Joseph Baena, a déjà 14 ans! L’adultère chez les Kennedy, c’est du déjà-vu… mais la séparation est immédiate.

Contrairem­ent à sa belle-famille, Arnold Schwarzene­gger milite au Parti républicai­n. Il admire le président Reagan. Le 17 novembre 2003, il est élu 38e gouverneur de Californie avec 48,3% des suffrages et sera réélu en novembre 2006. On le montre d’abord du doigt pour comporteme­nt inappropri­é avec les femmes. Il change d’attitude et choisit de s’engager en faveur de l’environnem­ent, non sans flair. «Governator» devient «le Géant vert». Il lutte contre la pollution en faisant adopter le Global Warming Solutions Act, une loi sur les gaz à effet de serre provenant notamment des automobile­s, investit dans les énergies renouvelab­les et obtient par référendum la constructi­on d’une ligne TGV San Diego-Sacramento.

«Je suis fermement au centre», confie-t-il à Paris Match. Favorable à l’avortement, à l’instaurati­on d’une assurance médicale universell­e en Californie et à un vrai contrôle sur les armes à feu, il fait en effet un drôle de républicai­n.

Ses relations avec Donald Trump n’ont jamais été simples. Quand Trump, qui s’est taillé une réputation nationale entre 2008 et 2015 grâce à l’émission de télévision The Celebrity Apprentice, sur NBC, est remplacé en 2017 par Arnold Schwarzene­gger, l’audience plonge. Trump se moque de son successeur sur Twitter. Personne n’imagine alors que le démagogue à la mèche orange entrera bientôt à la Maison-Blanche…

«Je suis membre du Parti républicai­n, mais ancré fermement au centre»

Arnold Schwarzene­gger Acteur et politique

Arnold Schwarzene­gger a maintenant repris le chemin des studios d’Hollywood, mais, à 73 ans, jouer les gros bras est un poil risible. Cela ne l’a pas empêché de ressortir l’épée de Conan pour fustiger Trump sur YouTube et proposer une jolie allégorie de la démocratie américaine. Sous son toit, l’acteur a refait sa vie avec Heather Milligan, une physiothér­apeute de 46 ans rencontrée en 2013. Devenu grandpère pour la première fois en août dernier, il espère maintenant voir sa petite-fille Lyla Maria, dont le père n’est autre que l’acteur Chris Pratt, grandir dans un monde plus apaisé, moins pollué. ●

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 ??  ?? Une gueule d’acteur, un regard d’acier. Le nom d’Arnold Schwarzene­gger, 73 ans, est devenu synonyme de films d’action à Hollywood.
Une gueule d’acteur, un regard d’acier. Le nom d’Arnold Schwarzene­gger, 73 ans, est devenu synonyme de films d’action à Hollywood.
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d’Arnold Alois, ci-dessous à l’âge de 6 mois, dans
le jardin de la maison familiale, à Thal, près de Graz (Autriche). Ci-contre, ses parents, Gustav Schwarzene­gger, en uniforme allemand,
et Aurelia Jadrny.
L’enfance troublée d’Arnold Alois, ci-dessous à l’âge de 6 mois, dans le jardin de la maison familiale, à Thal, près de Graz (Autriche). Ci-contre, ses parents, Gustav Schwarzene­gger, en uniforme allemand, et Aurelia Jadrny.
 ??  ?? L’acteur dans «Conan le Barbare» (1982), qui popularise le genre «heroic fantasy». Ci-dessus avec Sylvester Stallone, son rival dans les années 1980 et 1990. Après s’être détestés, ils deviendron­t potes. Enfin, avec Bruce Willis en 1991 pour l’inaugurati­on des restos Planet Hollywood, qui feront faillite.
En 1977, le colosse Arnold pose sur la plage de Venice Beach, à Los Angeles. A l’époque, il n’est encore qu’un culturiste rêvant d’une carrière d’acteur.
L’acteur dans «Conan le Barbare» (1982), qui popularise le genre «heroic fantasy». Ci-dessus avec Sylvester Stallone, son rival dans les années 1980 et 1990. Après s’être détestés, ils deviendron­t potes. Enfin, avec Bruce Willis en 1991 pour l’inaugurati­on des restos Planet Hollywood, qui feront faillite. En 1977, le colosse Arnold pose sur la plage de Venice Beach, à Los Angeles. A l’époque, il n’est encore qu’un culturiste rêvant d’une carrière d’acteur.
 ??  ?? Dans sa vidéo postée sur YouTube le 10 janvier, l’acteur et ancien
gouverneur de Californie ressort l’épée de Conan, dont il compare le travail sur l’acier
à l’entretien indispensa­ble de la démocratie,
fût-ce aux Etats-Unis. Il évoque aussi un passé familial
douloureux, faisant référence
à la terrible Nuit de cristal survenue en 1938.
Dans sa vidéo postée sur YouTube le 10 janvier, l’acteur et ancien gouverneur de Californie ressort l’épée de Conan, dont il compare le travail sur l’acier à l’entretien indispensa­ble de la démocratie, fût-ce aux Etats-Unis. Il évoque aussi un passé familial douloureux, faisant référence à la terrible Nuit de cristal survenue en 1938.
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 ??  ?? La famille, son refuge. Avec sa fille Christina et sa compagne actuelle, Heather (en haut à g.), début 2020 en Autriche, avec son fils illégitime Joseph Baena (en haut à dr.) en 2018, enfin aux côtés de ses enfants Patrick, Christophe­r, l’aînée Katherine dont c’était l’anniversai­re, leur mère Maria Shriver et la cadette Christina.
La famille, son refuge. Avec sa fille Christina et sa compagne actuelle, Heather (en haut à g.), début 2020 en Autriche, avec son fils illégitime Joseph Baena (en haut à dr.) en 2018, enfin aux côtés de ses enfants Patrick, Christophe­r, l’aînée Katherine dont c’était l’anniversai­re, leur mère Maria Shriver et la cadette Christina.
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