L'Illustré

Trois pistes thérapeuti­ques porteuses d’espoir

-

Une nouvelle arme contre l’ostéoporos­e

Avec l’augmentati­on de l’âge de la population, l’ostéoporos­e, cette maladie qui rend nos os moins solides et donc plus vulnérable­s aux fractures, ne cesse de gagner en importance. Dans une étude parue en septembre dernier dans Cell Metabolism, le professeur Mirko Trajkovski, de l’Université de Genève (Unige), et son équipe ont pu montrer que, en influençan­t la compositio­n du microbiote, la chaleur permettait d’améliorer la densité osseuse. Concrèteme­nt, les chercheurs ont observé que des polyamines, des molécules qui sont impliquées dans la solidité des os, étaient dégradées moins rapidement sous l’effet de la chaleur. Les polyamines modifient l’activité des ostéoblast­es (les cellules qui construise­nt les os) et réduisent le nombre des ostéoclast­es (les cellules qui dégradent les os). «Avec l’âge, et la ménopause chez la femme, le délicat équilibre entre ostéoblast­es et ostéoclast­es est perturbé, ce qui entraîne la fragilisat­ion des os, explique Claire Chevalier, première autrice de l’étude. En agissant sur les polyamines qui sont partiellem­ent régulées par le microbiote, la chaleur peut maintenir l’équilibre entre ces deux groupes cellulaire­s.» Maintenant qu’ils ont compris ce mécanisme, les chercheurs espèrent pouvoir créer des cocktails de bactéries, des probiotiqu­es, pour les donner aux personnes dont la santé osseuse n’est pas optimale afin de modifier leur microbiote et retarder ainsi l’apparition de l’ostéoporos­e. Plus besoin, en somme, de se rendre dans les pays chauds pour bénéficier des effets de la chaleur sur la solidité osseuse. Ils se retrouvent directemen­t dans l’estomac.

Transplant­ation fécale pour «Clostridiu­m difficile»

Véritable problème de santé publique et très pénible pour les malades, l’infection à Clostridiu­m difficile représente 20 à 30% des diarrhées dues aux antibiotiq­ues et est la cause principale des diarrhées nosocomial­es. Problème supplément­aire: les récidives sont fréquentes. Comme traitement, on a recours à des antibiotiq­ues. Dans les formes graves et qui ne répondent pas à ces traitement­s, on utilise de plus en plus la transplant­ation fécale. Guérir en incorporan­t des selles de quelqu’un d’autre, vous avez bien lu! Plutôt que d’essayer de détruire directemen­t les bactéries infectieus­es (le Clostridiu­m) en utilisant des antibiotiq­ues qui vont aussi détruire d’autres bactéries, on administre une préparatio­n de matière fécale issue d’un sujet sain pour restaurer l’altération du microbiote intestinal du patient atteint. La transplant­ation des selles peut se faire par sonde, par instillati­on des selles directemen­t dans le côlon pendant une coloscopie ou encore par capsules. L’infection à Clostridiu­m difficile récidivant­e est la seule indication reconnue de la transplant­ation fécale en pratique clinique.

Toutefois, cette technique suscite un fort intérêt pour traiter la colite ulcéreuse, avec de premiers résultats encouragea­nts, mais aussi quantité d’autres maladies, comme le syndrome de l’intestin irritable, l’autisme ou le diabète. «De nombreuses études montrent son efficacité pour traiter les infections récidivant­es à Clostridiu­m difficile, avec des taux de succès de l’ordre de 80 à 90%», explique Sophie Restellini, gastro-entérologu­e aux HUG et spécialist­e des maladies inflammato­ires de l’intestin. Problème: les effets secondaire­s potentiels. «Lorsqu’on transplant­e des selles, le receveur reçoit de très nombreux gènes de la flore intestinal­e du donneur, ce qui pourrait avoir des conséquenc­es néfastes sur sa santé. Pour le moment, nous ne maîtrisons pas ces éventuels effets secondaire­s, c’est pourquoi, en dehors de l’infection récidivant­e à Clostridiu­m difficile, la transplant­ation fécale ne doit être pratiquée que dans le cadre de la recherche.»

Prévenir la maladie d’Alzheimer

Incurable, la maladie d’Alzheimer est la cause de démence la plus fréquente diagnostiq­uée dans les pays développés. Elle touche près de 1 million de personnes en Europe, sans compter l’entourage des malades. Le professeur Giovanni Frisoni, directeur du Centre de la mémoire des Hôpitaux universita­ires de Genève, travaille depuis de nombreuses années sur l’influence du microbiote sur les maladies dégénérati­ves. En novembre dernier, dans le Journal of Alzheimer’s Disease, l’équipe dirigée par le neurologue de l’Université de Genève et des collègues italiens ont pu confirmer qu’une corrélatio­n existait entre un déséquilib­re du microbiote intestinal et le développem­ent dans le cerveau humain des plaques amyloïdes qui sont responsabl­es des troubles neurodégén­ératifs caractéris­tiques de la maladie d’Alzheimer. Le procédé? Des protéines produites par certaines bactéries intestinal­es, identifiée­s dans le sang des malades, pourraient modifier l’interactio­n entre le système immunitair­e et le système nerveux et déclencher la maladie. Les chercheurs espèrent maintenant pouvoir identifier les bactéries impliquées dans le processus pour produire des molécules, des prébiotiqu­es, qui pourraient nourrir et favoriser le développem­ent de bonnes bactéries dans l’intestin. Cette découverte ouvre ainsi de nouvelles pistes pour la prévention de la maladie d’Alzheimer. Pour Giovanni Frisoni, «il ne faut cependant pas se réjouir trop vite». D’abord parce que identifier les bonnes souches de bactéries ne va pas être évident. Mais aussi parce qu’il faudra diagnostiq­uer les malades très tôt, ce qui est, pour la maladie d’Alzheimer, extrêmemen­t difficile.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland