«Le vendredi soir, 70 types se sont proposés pour venir sauver le bateau»
Dans le groupe des bienfaiteurs des bateaux à vapeur auto-baptisé «les Vignerons», famille affectueuse et unie, un personnage clé: Bertrand Francey, alias B2 (le droit d’aînesse a attribué le No 1 au Sédunois d’adoption Bertrand Duruz). Comme l’indique son statut WhatsApp «Riche de mes amis», B2 donne sans compter de son temps, de sa gentillesse et surtout de son talent de photographe amateur (moins officiel que Jacques Straesslé mais tout aussi reconnu). «Je donne mes photos gratuitement à la CGN et à l’ABVL. Maurice, je me couperais un bras pour lui.» L’illustré repart de l’entretien avec un superbe calendrier grand format à spirale, «Belle et heureuse année 2024», consacré comme chacune de ses oeuvres à la «Flotte Belle Epoque de la CGN», «ancrée au Léman depuis 150 ans».
Sérieusement, Cully? «Un scandale à l’état pur et une ânerie de la direction. Manque de personnel à Pâques? Le vendredi soir, 70 types se sont proposés pour venir sauver le bateau. A 7 h 30 samedi matin, j’y étais. Un monde hallucinant. J’ai dit, soulagé: «La légende flotte.» Une grand-maman, sur une chaise en plastique au pied d’un arbre, m’a dit: «J’entendais le bateau gémir, je ne pouvais pas dormir, alors je suis venue.» N’importe quel pékin le sait: quand il y a la vaudaire à Cully, tu n’y vas pas. Fallait pas le laisser là avec ce foehn.»
B2 vit en hauteur, avec vue partielle sur le lac. Chez lui, les photos CGN colonisent jusqu’aux murs de l’immeuble, entre les appartements de son étage. «J’ai trouvé des clous, j’ai placé mes photos.» Dans son appartement, les Belle Epoque sont partout. Du 1er janvier au 31 décembre, il couvre tous les événements de la flotte puis édite des albums chez Ifolor. Rangement chronologique dans la biblio. Culte. Maquettes en Lego, poster de Corto Maltese, vitrine avec petits avions (de Singapore Airlines au Concorde) et gilet jaune phosphorescent floqué Bertrand suspendu par un cintre au linteau des rideaux. «J’ai toujours aimé les trains. En allant et en rentrant de l’école, à Cousset, dans la Broye fribourgeoise, je levais et baissais les barrières avec le chef de gare, monsieur Marcel Tissot… C’est B1 qui m’a laissé conduire ma première locomotive, en 1988. Ensuite, j’ai beaucoup roulé entre Vallorbe et Domodossola, la ligne du Simplon. D’où mon affection pour ce bateau, la puissance à l’état pur. Les mécanos des CFF sifflaient les bateaux de la CGN et ceux-ci nous répondaient. Puis on a reçu une circulaire nous disant de ne plus le faire… J’ai pris une retraite anticipée.» Sur un pouf du salon, un polar édité chez Fleuve noir: La tempête ne répond plus.