L'Illustré

«A 3 heures du matin, j’envoie un SMS: notre bateau est gravement malade»

- JOËL DURGNIAT 35 ans, mécanicien locomotive CFF et CÉLINE LOICHOT 33 ans, infirmière au CHUV, Blonay

Les deux ont grandi avec les réseaux sociaux. Lui avec ces bateaux, «l’âme du lac», des machines à «remonter le temps». Avant Blonay, Joël a toujours vécu à Territet où, enfant, l’Italie rythmait l’heure d’aller au lit en sifflant à 19 h 30 précises. Bien connectés, c’est par leurs écrans que les jeunes parents de Leïa, 5 mois, prénommée ainsi en hommage à la princesse de Star Wars, ont suivi la débâcle de Pâques. A 1 heure du matin le Samedi saint, Joël se lève pour partir travailler. Depuis jeudi matin, ils sont au courant de tout. Par la presse en ligne. Par Facebook où l’ABVL, dont ils sont membres donateurs, alimente un groupe public. Vendredi saint, MeteoNews y a lancé des alertes tempête urgentes, cherchant à joindre la CGN et y taguant le nom du directeur, Pierre Imhof. La situation est grave. Vendredi soir, des vidéos tournées par des passionnés du Simplon au port de Cully sont postées sur Facebook. Agonie en direct. Trop tard. «On voyait déjà les pilotis enfoncés, se souvient Joël, qui est actif au sein de Sauvetage Territet (son père, Olivier Durgniat, est président de la Société internatio­nale de sauvetage du Léman). «A 1 heure du matin, vu l’ampleur de la catastroph­e, on n’est pas passé loin du naufrage – dramatique si les cuves de mazout n’avaient pas été vidées en pleine nuit dans les cales du bateau. J’ai de la peine à comprendre et à croire l’argument du manque d’effectif pour intervenir. Vendredi saint n’est pas férié en Valais, la Sagrave au Bouveret aurait pu venir avec ses chalands. Tout n’a pas été tenté!»

A 3 heures du matin, c’est au tour de Céline de se réveiller, pour allaiter sa fille. «J’ai l’estomac noué, je suis émue.» L’infirmière pense «aux ouvriers, à tous ces gens qui oeuvraient dans la nuit et le froid à Cully, à tous les donateurs». Depuis 2019, Joël a mis la main au porte-monnaie à deux reprises pour la rénovation du Simplon et du Rhône. Chaque année, Céline s’offre la carte Horizon et saute à bord d’un Belle Epoque CGN comme d’autres dans un avion easyJet. «Parfois, je rentre du CHUV en bateau en embarquant mes collègues quand la journée a été rude. Ou je me fais une croisière «Coucher de soleil», planchette et verre de champ’, avec des copines ou la famille. Leïa a déjà deux croisières à son actif!» Cette nuit-là, c’est le nourrisson Simplon qui inquiète la jeune maman. Elle envoie par SMS ses «dernières photos collectors» du bateau à un aîné de l’ABVL et lui écrit: «Notre bébé du lac est gravement malade. Plus qu’à espérer sa guérison.» Besoin de réconfort. Réponse: «Ce ne seront pas les dernières (photos), t’inquiète pas.» Un jour, il y aura des images de princesse Leïa sur le bateau préféré des Romands.

 ?? ?? Joël et Céline ont essayé dès le vendredi matin, via le groupe Facebook de l’Associatio­n des amis des bateaux à vapeur du Léman, d’alerter la CGN et son directeur, Pierre Imhof, quant aux risques que courait le Simplon, sans succès.
Joël et Céline ont essayé dès le vendredi matin, via le groupe Facebook de l’Associatio­n des amis des bateaux à vapeur du Léman, d’alerter la CGN et son directeur, Pierre Imhof, quant aux risques que courait le Simplon, sans succès.

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