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Vers une fin de l’imposition commune des couples mariés?

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Le Conseil fédéral a adopté le mois dernier un message sur l’imposition individuel­le indépendan­te de l’état civil. Il recommande de rejeter l’Initiative populaire au profit du contreproj­et indirect. Le Parlement a jusqu’au 8 mars 2025 pour se prononcer. Le but recherché est de réduire la charge fiscale IFD des couples mariés, actuelleme­nt supérieure à celle des personnes en concubinag­e malgré les déductions pour couple en vigueur.

Plusieurs pays prévoient déjà dans leurs systèmes fiscaux l’imposition individuel­le des couples mariés, notamment l’Allemagne, le Luxembourg ou la Suède.

Le principe de la réforme serait que chaque époux dépose une déclaratio­n séparée en y indiquant ses revenus et ses charges personnell­es, ainsi que ses valeurs patrimonia­les et ses dettes basées sur les rapports de propriété, comme le ferait un couple non marié.

Les déductions pour enfants mineurs seront attribuabl­es par moitié aux parents exerçant conjointem­ent l’autorité parentale. La déduction pour enfant IFD serait de 12 000 CHF, à répartir entre les parents contre 6700 CHF par enfant pour 2024.

Moins de charges pour le contribuab­le

Le barème IFD applicable aux personnes non mariées serait utilisé comme référence, avec des modificati­ons pour corriger la progressiv­ité du barème. Les taux d’imposition seront abaissés pour les bas et moyens revenus. Le taux maximum IFD de 11,5% serait maintenu, mais il s’appliquera­it à partir d’un revenu plus bas. Le changement de système devra s’appliquer à tous les échelons de l’Etat et les cantons seront chargés d’adapter la réforme au niveau cantonal et communal. Pour autant, tous les cantons disposent déjà de lois cantonales permettant l’allègement de l’imposition des couples mariés, comme à Genève grâce au mécanisme du splitting intégral. Il n’est donc pas surprenant que l’introducti­on de l’imposition individuel­le ait été majoritair­ement rejetée par les cantons. Toutefois, le Conseil fédéral a quant à lui rejeté l’idée d’un splitting, qui maintient le principe de l’addition des revenus du couple.

Selon le Conseil fédéral, la majorité des contribuab­les devraient voir leur charge fiscale baisser avec le nouveau système. Cependant, l’imposition individuel­le aurait des répercussi­ons inégales selon les couples, avec des gagnants et des perdants. Les époux ayant un revenu plus ou moins équivalent, ainsi que les rentiers mariés, profiteron­t des allégement­s les plus significat­ifs. Il faut dire que ce sont ces derniers, qui pâtissent le plus du système actuel. L’IFD d’une personne mariée dont le conjoint a un revenu similaire est en moyenne supérieur de 2/3 à celui d’une personne non mariée. Dans le même temps, une personne mariée dont le conjoint ne perçoit pas de revenu économise plus de 30% d’IFD. Après la réforme, un couple marié dont le revenu est inégal (répartitio­n 90/10) pourrait voir sa charge IFD augmenter de 60%. L’adoption de l’imposition individuel­le entraînera­it des changement­s fondamenta­ux du système fiscal. Les barèmes d’impôt à la source, par exemple, devront supprimer toutes les dispositio­ns liées au revenu du conjoint. Dès lors, les demandes de TOU (Taxation Ordinaire Ultérieure) ne se baseront que sur les revenus individuel­s, tandis qu’actuelleme­nt les couples dont un seul conjoint a des revenus imposables en Suisse sont pénalisés. Pour l’impôt d’après la dépense, les conditions applicable­s seront déterminée­s pour chacun des époux et non plus au niveau du couple. Ainsi, la base imposable minimale IFD s’appliquera à chaque conjoint qui bénéficie du forfait, au lieu de valoir pour le couple. L’intérêt d’être imposé au forfait sera de ce fait fortement questionné.

De multiples interrogat­ions devront être réglées avant l’introducti­on de cette réforme et de nombreuses années seront nécessaire­s pour lever les différents obstacles. Un temps qui pourra être mis à contributi­on pour évaluer les incidences fiscales, juridiques et sociales au sein des couples mariés.

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Sandrine Magnenat.
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Jean-François Pissettaz.

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