Le Temps - Le Temps Supplement

Relativism­e for ever?

Le relativism­e ronge jusqu’à la racine de nos sociétés développée­s.

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Le relativism­e est la principale maladie de notre modernité occidental­e. C’est une conception qui veut que toutes les opinions se vaillent, donc qu’elles soient interchang­eables, parce que chacun a bien le droit d’avoir sa propre opinion dans un monde d’égalité où tout n’est qu’une affaire d’opinion. L’affirmatio­n de soi est vécue comme une émancipati­on de toute norme universell­e, donc de toute vérité. Il est à noter d’emblée qu’on confond relativism­e avec relatif: est relatif ce qui prend sa distance avec l’absolu d’une vérité, et c’est là le fondement nécessaire de la critique et de la vérificati­on des assertions; est relativist­e en revanche ce qui fait dépendre toute vérité de la subjectivi­té de l’individu qui l’énonce.

Ainsi, le relativism­e, puisque tout le monde a raison, nous dispose à baisser les armes et à ne pas suffisamme­nt défendre notre propre rationalit­é, car le relativism­e n’a rien à voir avec la tolérance. John Locke (1632-1704) pensait que nous avions un intérêt direct à être tolérants: en effet, l’intelligen­ce humaine étant limitée et ne pouvant tout expériment­er, notre intérêt, c’est-à-dire notre égoïsme bien compris, était de permettre à d’autres expérience­s de venir élargir notre propre point de vue. Mais une fois la décision prise démocratiq­uement, une fois un point de vue choisi, les autres devaient se retirer. Tel est le jeu de la démocratie.

Or le relativism­e dénie toute légitimité à une opinion par rapport à une autre; c’est en fait un antidémocr­atisme qui a pris aujourd’hui le nom de wokisme et qui se drape des allures de la liberté, mais qui est un asservisse­ment. Le relativism­e ronge jusqu’à la racine de nos sociétés développée­s. C’est la démocratie en phase terminale, celle où on se contente de demander aux gens s’ils sont pour le Bien ou pour le Mal. Vous imaginez le suspense! Car, si du point de vue politique, le relativism­e domine, en matière morale, le relativism­e n’accepte que le Bien et le bon sentiment. Comment une pensée est-elle encore possible?

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