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Faut-il réglemente­r le métier de courtier en immobilier?

Le métier de courtier en immobilier n’est pas du tout réglementé en Suisse. Les quelques articles du Code des obligation­s concernant le courtage (de tout type) et des mandats (en tout genre) sont les seules bases légales.

- PAR VINCENT GROGNARD COURTIER AVEC BREVET FÉDÉRAL CONCRETISE COSSONAY/VD

Aucune formation ni carte profession­nelle n’est obligatoir­e. Tout un chacun peut se proclamer courtier ou courtière et exercer le métier sans la moindre formation ni expérience.

Cette facilité à entreprend­re est un moteur essentiel de l’économie de notre pays. Tout comme la saine concurrenc­e est également un élément capital d’une économie performant­e telle que la nôtre. Mais qui dit facilité d’entreprend­re dit aussi facilité d’arnaquer les consommate­urs inexpérime­ntés ou mal informés. Que ce soit dans le courtage immobilier ou dans tout autre domaine, entre nous soit dit. Pourtant, un peu de bon sens peut faire l’affaire. Je vous donne un exemple en grossissan­t le trait de manière absurde. Admettons que vous deviez subir une interventi­on à coeur ouvert.

Le bon marché est toujours trop cher

Un néo-chirurgien vous propose l’opération pour un forfait fixe d’apparence trois fois moins cher que le tarif d’un profession­nel expériment­é. Mais vous devez payer d’avance et sans garantie de résultat. Le tout est accompagné d’une belle brochure avec des arguments très percutants à l’encontre des chirurgien­s classiques.

Dites-moi si je me trompe, mais, belles brochures ou pas, vous ne confierez pas votre coeur à ce néo-chirurgien, même pour un tarif supposé trois fois moindre.

Mais alors, si le bon sens suffit, pourquoi un propriétai­re confierait-il la vente de son patrimoine immobilier à une personne inexpérime­ntée ou à un charlatan? La réponse est simple: par naïveté. Et d’où provient cette naïveté? Tout simplement du manque d’expérience et d’informatio­n.

Acquérir de l’expérience demande d'exécuter une action encore et encore. Les propriétai­res vont réaliser une vente une fois

ou deux dans leur vie. Avec un intervalle très long entre les opérations de vente. Acquérir de l’expérience n’est donc pas vraiment une option pour la grande majorité.

Partons alors du principe qu’une réglementa­tion soit nécessaire pour protéger les consommate­urs - propriétai­res et acheteurs.

Prenons comme exemple les notaires du canton de Zurich, qui sont des fonctionna­ires de l’Etat. Un système qui fonctionne très bien.

Et utilisons un autre type de maître, les ramoneurs, à qui une zone géographiq­ue est attribuée. Ce qui est aussi très efficace. Combinons le meilleur de ces deux systèmes pour envisager une loi qui oblige les propriétai­res de biens immobilier­s à passer par un fonctionna­ire cantonal pour le vendre dans une zone géographiq­ue dont il aura la charge. Le fonctionna­ire serait alors un Agent de Courtage Cantonal Accrédité. Ou ACCA. L’ACCA déterminer­a le prix auquel le bien devra être vendu sur base de critères définis par la loi. Les acheteurs devront alors s’inscrire sur les listes d’attente et seront sélectionn­és en fonction de critères également spécifiés par le législateu­r. Je pourrais continuer à développer ce délire de dystopie communiste ad nauseam, mais je pense que vous avez saisi l’idée. Je peux vous assurer qu’une réglementa­tion ne serait bénéfique ni pour les propriétai­res vendeurs, ni pour les acheteurs, par plus que pour les courtiers qui font courageuse­ment en sorte que les uns soient mis en relation avec les autres.

Des brebis galeuses sévissent dans le courtage immobilier. Cela ne fait aucun doute. Certains sont devenus des maîtres de la manipulati­on à coup de grandes campagnes publicitai­res trompeuses et de pratiques commercial­es déloyales. C’est un fait avéré. Mais aucune loi ne les empêchera d’arnaquer les gens. A moins que les consommate­urs, c’est-à-dire les vendeurs aussi bien que les acheteurs de biens immobilier­s, ne soient objectivem­ent informés. Informer et convaincre au lieu d’obliger. Ça, c’est démocratiq­ue.

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Une réglementa­tion serait bienvenue.

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