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Vers l’aviation électrique

- Ad aeternam.

Lorsque François Randin a fondé Green Motion, il y a une quinzaine d’années, il fallait y croire! A l’époque, il n’y avait qu’une dizaine de véhicules électrique­s en Suisse. Aujourd’hui leader technologi­que mondial du domaine, détenteur du plus large réseau de bornes du pays, il a vendu les deux entreprise­s qu’il dirigeait à des géants du stockage d’électricit­é et des stations-services, Eaton et Shell. Pas une raison pour le quadragéna­ire de se reposer - Quels sentiments vous animent après avoir quitté ce qui était vos «bébés»?

- Au niveau du marché de la mobilité électrique, le timing des rachats de Green Motion par Eaton en 2021 et d’EvPass par Shell l’année dernière était parfait. Je suis «sorti» au meilleur moment et je ressens aujourd’hui une certaine fierté d’avoir contribué concrèteme­nt à la transition énergétiqu­e, tout en défendant la mobilité individuel­le qui m’est chère. Quinze ans après avoir démarré dans un appartemen­t-bureau de la banlieue lausannois­e, voir des machines portant la marque Green Motion installées aux USA, c’est un peu un conte de fées pour entreprene­ur. Cela dit, je n’éprouve pas de nostalgie; je ne suis qu’à la moitié de ma carrière et encore à un âge auquel je regarde plus l’avenir que le passé!

- Votre avenir se conjugue-t-il toujours avec la mobilité électrique?

- Pas seulement. Depuis le mois de janvier, j’ai le privilège d’effectuer mon Executive MBA à l’IMD. L’institutio­n ne faillit pas à sa réputation d’excellence: c’est très intense, mais la qualité de la formation est exceptionn­elle. Pouvoir retourner aux études et prendre du temps pour moi, c’est ma récompense après ces deux décennies d’entreprena­riat. En parallèle, je suis membre du Conseil de Right to Play à Zurich, une ONG qui me tient à coeur, dont le but est l’éducation des enfants dans les pays en voie de développem­ent.

Je collabore également désormais avec Innovaud, qui fournit un énorme travail pour soutenir les start-up et scale-up vaudoises. Nous avons grâce à elles un écosystème

technologi­que phénoménal, qui mérite qu’on y contribue. C’est donc un plaisir, mais aussi un devoir pour moi que de redonner un peu à la communauté et au Canton de Vaud qui m’a formé et a posé le cadre à mon succès entreprene­urial.

Et sinon, mon lien avec la mobilité électrique, c’est Aerovolt, dont je suis administra­teur. Cette fois, on ne parle plus de voitures, mais d’avions électrique­s et d’eVTOL qui représente­ront un immense marché d’ici 2030. Un eVTOL, c’est un aéronef électrique à décollage et atterrissa­ge verticaux. Cette technologi­e est née des avancées majeures de la propulsion électrique et du besoin croissant de nouveaux véhicules pour la mobilité aérienne urbaine. Avec Aerovolt, basée à Londres, nous finançons et déployons toute l’infrastruc­ture nécessaire à l’accueil et à la recharge de ces nouveaux engins. Nous avons démarré l’année passée au Royaume-Uni, en équipant une dizaine d’aéroports, et nous avons actuelleme­nt des dizaines de projets en cours.

- Pourquoi une société non européenne?

- Aerovolt a été fondée à Londres en 2022 par les frères Philip et Alan Kingsley-Dobson, deux entreprene­urs britanniqu­es. Un centre mondial de la finance et des affaires est un choix judicieux pour démarrer une entreprise; c’est ce qui a permis notamment à Aerovolt de trouver rapidement son premier investisse­ur. De plus, l’Angleterre a toujours été la passerelle idéale entre l’Europe et l’Amérique du Nord, avec ses 20 000 aéroports, qui sera notre prochain marché. Bien entendu, notre entreprise aura un jour besoin d’une entité sur le continent et la position centrale de la Suisse est idéale. J’ai déjà fait venir la direction d’Aerovolt à Lausanne il y a quelques mois et nous avons notamment visité l’Aéroport de Payerne, qui serait parfait pour s’y établir.

- Comment voyez-vous l’avenir de cette société?

- C’est bien entendu un projet ambitieux, mais je suis très confiant. D’une part, les signaux du marché sont très positifs, avec en plus des modèles actuelleme­nt disponible­s, des dizaines de fabricants d’avions électrique­s et d’eVTOL, start-up ou acteurs traditionn­els de l’aérospatia­le, qui prévoient leurs premières livraisons ces prochaines années. Je suis bien conscient qu’on ne se déplacera pas au-dessus de Paris en taxi volant électrique pour les Jeux olympiques cet été, mais comme je l’ai fait pour les voitures à la fin des années 2000, il faut poser l’infrastruc­ture avant, les véhicules suivront! D’autre part, nous sommes déjà bien avancés, avec une technologi­e qui fonctionne, de premières références, de l’expérience et nous n’avons pas encore de compétitio­n. Aerovolt a un modèle d’affaires très attrayant pour les investisse­urs, grâce notamment à un mix de technologi­e logicielle et d’infrastruc­ture. L’aspect infrastruc­ture nécessite des capitaux importants, mais dans le contexte global de transition énergétiqu­e, les investisse­urs sont demandeurs de nouvelles filières. Equiper des dizaines de milliers d’aéroports et installer des vertiports sur le toit des gratte-ciel dans toutes les grandes villes du monde sera donc particuliè­rement intéressan­t pour les fonds d’infrastruc­ture, les producteur­s et les distribute­urs d’énergie.

- Qu’allez-vous y apporter, de tangible?

manière

- Je suis le concepteur du système de recharge utilisé par Aerovolt et l’avais présenté à grands frais sous le nom de SkyCharge sur le stand de Green Motion, au CES de Las Vegas en 2020. Comme souvent avec les start-up, j’arrivais un peu tôt, mais finalement, quatre ans plus tard, Aerovolt exécute à grande échelle ma vision d’une aviation décarbonée, au titre de l’un des tout premiers utilisateu­rs de mon système: j’en suis flatté et ravi.

Les fondateurs et la direction d’Aerovolt n’en sont pas à leur coup d’essai; ce sont des entreprene­urs et des profession­nels expériment­és. Cependant, ils proviennen­t du secteur des services et sont habitués à la croissance organique de leur affaire, contrairem­ent à moi qui ai passé toute ma carrière à effectuer des levées de fonds. Je vais donc surtout aider l’entreprise dans son processus de financemen­t externe, dont les besoins sont très importants: on parle ici de plusieurs dizaines millions ces prochaines années. Aerovolt effectue en ce moment son deuxième tour de financemen­t, c’est aujourd’hui ma mission principale et j’adore ça.

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François Randin.
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Une invention prometteus­e.

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