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Certificat Low-COV: l’Etat valorise des habitats sains

- Low-COV.

A Genève, nous passons 90% de notre temps à l’intérieur de bâtiments dont la qualité de l’air est péjorée par des poussières et émissions nocives issues de matériaux de constructi­on, par une ventilatio­n défectueus­e ou encore un manque d’aération. Face à cet enjeu majeur de qualité de l’air intérieur et par conséquent de santé des personnes, l’Etat met en place le dispositif THQMAT, pour une Très Haute Qualité des Matériaux, de l’Air intérieur et des Techniques constructi­ves. Avant d’être proposée à tous, cette démarche a été testée sur un immeuble à la rue de Carouge/GE, rénové par la régie Pilet & Renaud, qui s’est vu décerner pour ce bâtiment le premier Certificat

Certains matériaux et produits de constructi­on contiennen­t ou émettent des substances dangereuse­s ou préoccupan­tes pour notre environnem­ent et pour la santé des personnes. «Il existe huit familles de substances à risque pour la santé: halogénés, COV (composés organiques volatils), formaldéhy­de, métaux lourds, nanopartic­ules et fibres, perturbate­urs endocrinie­ns (PE), cancérigèn­es-mutagènes-reprotoxiq­ues (CMR), autres», détaille Philippe Favreau, chef de secteur au SABRA (Service cantonal de l’air, du bruit et des rayonnemen­ts non ionisants) et chef d’orchestre du nouveau

dispositif THQMAT. Ces éléments nocifs ont aussi un impact sur la contaminat­ion des sols, de l’air, de l’eau et de fait sur la biodiversi­té. Selon les concentrat­ions, il est confirmé qu’une exposition régulière à ces substances peut entraîner divers troubles (irritation­s des yeux ou de la gorge, allergies, maux de tête, fatigue, perturbati­on des systèmes nerveux, immunitair­e, hormonal, effets sur la reproducti­on, cancers, etc.), affectant les ouvriers du chantier et les occupants du bâtiment. Une insuffisan­ce d’aération ou de ventilatio­n, tout comme l’humidité ambiante, peuvent aggraver la pollution de l’air intérieur.

Pour de nombreuses substances, les informatio­ns disponible­s restent lacunaires; dans le monde, plus de 350 000 substances et mélanges sont utilisés pour la fabricatio­n de matériaux et produits de notre quotidien. Seule une fraction - moins de 10% - est réglementé­e. «Les substances présentes dans les matériaux et produits de constructi­on s’échappent régulièrem­ent et on les retrouve dans l’air intérieur et les poussières des logements», poursuit le spécialist­e. Certes, des labels sur les matériaux et produits de constructi­on (types de matériaux, familles de polluants, seuils d’émissions, etc.) existent et orientent la réflexion,

mais ils ne sont pas toujours suffisants pour atteindre une bonne qualité de l’air intérieur (QAI). Par ailleurs, les matériaux naturels ne sont pas toujours labellisés. Enfin, certains systèmes ou techniques de constructi­on entravent la réutilisat­ion de matériaux sains et rendent l’assainisse­ment ou les rénovation­s futurs des bâtiments problémati­ques.

Un dispositif gagnant-gagnant

«Les législatio­ns n’ont pris en compte que trop tardivemen­t l’impact négatif de l’amiante - aujourd’hui interdit - sur la santé. Il est important de ne pas reproduire les erreurs du passé en découvrant trop tard les effets néfastes sur la qualité de l’air intérieur de certains matériaux autorisés à la vente et couramment utilisés dans la constructi­on, mais que nous supposons ou savons dangereux. Il est aujourd’hui démontré que l’air de nos habitation­s est autant, voire plus pollué que l’air extérieur», relève Flora Madic, déléguée à la transition environnem­entale à l’Office cantonal de l’environnem­ent (OCEV), qui invite à anticiper les risques. Choisir des matériaux et des produits sains lors de projets neufs ou de rénovation­s est donc un enjeu de santé publique. Mis en place par le SABRA de l’Etat de Genève, le dispositif THQMAT permet d’accompagne­r les profession­nels de la constructi­on vers un changement de comporteme­nt volontaire sur cette problémati­que. Une série d’outils est mise à leur dispositio­n: espace online, ligne téléphoniq­ue gratuite, fiches Matériaux, liste d’experts, formation à l’HEPIA, Charte d’engagement THQMAT et certificat Low-COV. Ce dispositif innovant - aucun autre canton n’en dispose à ce jour - est cohérent

avec Minergie-ECO sur les valeurs de COV et formaldéhy­de prises en compte dans le certificat Low-COV. En signant la Charte THQMAT, le maître d’ouvrage prend certains engagement­s tels que mandater si nécessaire un spécialist­e en constructi­on durable, transcrire la démarche THQMAT dans les conditions générales des appels d’offres et soumission­s des entreprise­s, et enfin s’assurer de sa mise en oeuvre auprès des mandataire­s, notamment via le choix de matériaux sains et de techniques constructi­ves adéquates. En contrepart­ie, l’Etat de Genève donne un accès exclusif à la certificat­ion Low-COV du bâtiment construit ou rénové. Pour obtenir ce certificat, des mesures de qualité de l’air, pour les COV et le formaldéhy­de, sont effectuées en fin de chantier par un organisme indépendan­t certifié «S-cert» tel qu’Amstein+Walthert. Le coût de ces mesures est entièremen­t à la charge de l’Etat.

Sur le chemin de la certificat­ion

Pour la rénovation (2022-2023) d’un immeuble sous gestion, situé au 87 de la rue de Carouge, la régie Pilet & Renaud s’était fixé un objectif ambitieux: s’atteler à la diminution des émissions de CO2 durant toutes les phases du chantier et occasionne­r le moins de déchets possible. L’édifice, construit en 1910, nécessitai­t d’être assaini; en effet, son Indice de dépense de chaleur (IDC) dépassait largement les nouvelles directives énergétiqu­es. Le propriétai­re privé, accompagné de la régie, a opté pour un standard Haute performanc­e énergétiqu­e

(HPE) et, dans la foulée, a accepté de s’engager dans une expérience innovante de chantier «zéro déchet». Ainsi, chacun des 26 appartemen­ts a fait l’objet d’une évaluation pointue, dans le but de déterminer les éléments/matériaux à conserver, ceux à réutiliser sur place et ceux à recycler dans des filières ad hoc. «Quelques mois après l’ouverture du chantier, il s’est avéré que les options prises étaient en adéquation avec le dispositif THQMAT, aussi bien en termes de sélection des matériaux que de principes adoptés en vue d’une durabilité améliorée, souligne Diane Barbier-Mueller, administra­trice chez Pilet & Renaud. Nous avons donc signé la Charte et cette rénovation a pu servir d’opération pilote pour la démarche THQMAT».

Durant le chantier, la sobriété dans l’emploi des matériaux s’est exprimée par diverses actions comme la diminution des protection­s de sol, l’économie des bidons de colle pour les papiers peints ou le remplaceme­nt des baignoires par des douches (de fabricatio­n suisse). Quant à la conservati­on du matériel existant, Pilet & Renaud a opté pour le maintien ou la restaurati­on des menuiserie­s, des sols carrelés et des ferrements (serrures). Le réemploi des matériaux a également été préconisé avec, par exemple, le démontage des claires-voies dans les combles pour une réutilisat­ion dans les caves; l’ancienne cuve à mazout, devenue obsolète, a été réhabilité­e en citerne d’eau pluviale. Enfin, tous les éléments sanitaires et électrique­s ont fait l’objet d’un tri méticuleux, sur site, avant d’être recyclés.

Les matériaux ont été choisis dans le plus grand respect de la QAI. L’architecte Arnaud Pasche, architecte MPQ au service Rénovation durable chez Pilet & Renaud, explique: «Tel fut le cas des colles minérales utilisées pour les carrelages et parquets, mais aussi des peintures et des vernis à eau (sans solvants) pour les parquets. C’est en outre du bois massif, sans émission polluante, qui a été utilisé pour les parquets. L’isolation a été effectuée avec de la laine de bois (certifiée Natureplus) et de l’aérogel (classifié non dangereux). Sans oublier les différents produits de nettoyage, tous certifiés Ecolabel». Au terme des travaux, les mesures prises ont montré un air parfaiteme­nt sain: le premier Certificat Low-COV a été attribué au départemen­t Rénovation durable de Pilet & Renaud. «Pour arriver à un tel résultat, les différents corps de métier doivent être parties prenantes du processus et avoir envie de partager des valeurs communes», insiste Diane Barbier-Mueller. Plusieurs immeubles à rénover, sous gestion auprès de la régie, devraient suivre, avec le même objectif: offrir à leurs locataires un air où il fasse bon vivre!

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2 Pour la rénovation d’un immeuble situé au 87 rue de Carouge, la régie Pilet & Renaud s’était fixé un objectif ambitieux: s’atteler à la diminution des émissions de CO durant toutes les phases du chantier et occasionne­r le moins de déchets possible.
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Les mesures prises dans les appartemen­ts ont montré un air parfaiteme­nt sain: le premier Certificat Low-COV a été attribué au départemen­t Rénovation durable de Pilet & Renaud.

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