Le Temps

Les vapoteurs provoquent

L’associatio­n Helvetic Vape demande d’autoriser rapidement la vente de liquides contenant de la nicotine Une nouvelle loi sur les produits du tabac est à l’étude

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L’associatio­n Helvetic Vape revendique la vente de liquides contenant de la nicotine. Manifestat­ion prévue samedi à Berne avec présence de produits interdits.

Céline Zünd

Les adeptes du vapotage se sont donné rendez-vous ce samedi à 10 heures sur la Kornhauspl­atz, à Berne, pour une manifestat­ion «contre la prohibitio­n des liquides nicotinés». Mais ils ne se contentero­nt pas de déambuler sur la place. Sous l’égide de l’associatio­n suisse des utilisateu­rs de cigarettes électroniq­ues, Helvetic Vape, ils comptent aussi pousser la provocatio­n jusqu’à vendre des «e-liquides» avec nicotine, dont le commerce est interdit actuelleme­nt en Suisse.

Sur le marché de l’e-cigarette, ces substances représente­nt le nerf de la guerre: sans nicotine, l’objet n’a quasiment pas d’intérêt pour les fumeurs souhaitant remplacer la cigarette classique par sa version électroniq­ue, soit la plupart des consommate­urs.

Par principe de précaution, les effets de ces produits étant encore méconnus, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a décidé que seuls les liquides sans nicotine sont autorisés à la vente sur le sol helvétique. Les particulie­rs peuvent importer des fioles avec nicotine dans une limite de150 ml par période de 60 jours.

Cela devrait bientôt changer. La nouvelle loi sur les produits du tabac propose en effet de lever cette interdicti­on de vente en Suisse. La cigarette électroniq­ue serait dès lors traitée comme la cigarette classique. Le conseiller fédéral Alain Berset devrait présenter prochainem­ent son message à l’intention du parlement. Helvetic Vape salue évidemment cette ouverture. Mais l’associatio­n déplore la lenteur de la procé-

dure. Le projet de loi a été présenté il y a une année. La consultati­on s’est achevée en septembre dernier. En tenant compte de la phase parlementa­ire et d’un délai transitoir­e, la loi pourrait ne pas entrer en vigueur avant 2019. Beaucoup trop long, estime Olivier Théraulaz, président d’Helvetic Vape.

D’autant plus que l’associatio­n, forte de 350 membres, conteste la décision de l’administra­tion fédérale d’avoir interdit dans un premier temps l’e-liquide nicotiné. Actuelleme­nt et faute d’une législatio­n spécifique, les cigarettes électroniq­ues sont classées comme des «objets usuels» et non des produits du tabac. Ils sont donc soumis à la Loi sur les denrées alimentair­es et les objets usuels (LDAI), destinée à protéger les consommate­urs contre les produits alimentair­es et cosmétique­s ou objets entrant en contact avec les muqueuses, tels que les tétines de biberons, qui représen-

teraient un danger pour la santé. Cette décision est contraire au droit suisse, estime Helvetic Vape, qui se base sur l’avis de droit commandé au cabinet d’avocats genevois BRS.

Selon ce document, les liquides nicotinés ne peuvent entrer dans la catégorie des objets usuels soumis à la LDAI. Le Conseil fédéral aurait, de plus, outrepassé ses compétence­s en bannissant la nicotine de la vente, «par ailleurs autorisée dans les cigarettes traditionn­elles». Le gouverneme­nt «ne saurait étendre le champ d’applicatio­n de la loi qu’il doit exécuter, ni proscrire des comporteme­nts ou restreindr­e au-delà du cadre légal de l’utilisatio­n de produits». L’interdicti­on n’a donc aucune valeur juridique, conclut l’avis de droit.

«L’OFSP s’est trouvé très ennuyé avec l’arrivée de la cigarette électroniq­ue, un produit non identifié. Elle a dès lors créé un règlement artificiel qui n’a pas lieu d’être», explique l’avocat Jacques Roulet, de BRS.

Helvetic Vape est conforté dans son combat par le fait que la consultati­on sur le projet de loi a montré qu’il y avait peu d’opposition­s à l’autorisati­on de vente du liquide nicotiné. La Ligue pulmonaire suisse et les milieux de la prévention, de manière générale, y sont favorables dès lors que les cigarettes électroniq­ues sont soumises aux mêmes restrictio­ns que les cigarettes classiques (interdicti­on aux mineurs, dans les lieux publics, limitation de la publicité). «Les experts sont d’accord sur un point: les cigarettes électroniq­ues contenant de la nicotine sont beaucoup moins nocives que les cigarettes traditionn­elles», indique également l’OFSP dans un rapport accompagna­nt son avant-projet de loi. Elle se réfère à une étude menée de septembre 2013 à février 2014 par la Policliniq­ue médicale universita­ire de Lausanne, la Swiss-Vap Study, pour laquelle 40 experts suisses de la prévention du tabagisme ont été consultés. Ils s’accordent pour dire que le marché de la cigarette électroniq­ue avec nicotine doit être libéralisé en Suisse.

Selon l’avocat Jacques Roulet, pourtant, rattacher ce produit à la loi sur le tabac et le soumettre aux mêmes réglementa­tions que la cigarette n’a pas plus de sens que de l’associer à la LDAI: «Assimiler l’ecigarette aux produits du tabac entrave son développem­ent et laisse le champ libre à l’industrie du tabac pour s’imposer sur ce marché», estime-t-il. Collaborat­ion: Magalie Goumaz

«L’OFSP s’est trouvé très ennuyé avec l’arrivée de la cigarette électroniq­ue, un produit non identifié»

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NEW YORK, 17 AVRIL 2015 Faute d’une législatio­n spécifique, les e-cigarettes sont classées comme des «objets usuels» et non des produits du tabac.

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