Le Temps

Quand la Chine dominera les mers

Un livre blanc explicite la stratégie militaire de Pékin. De la défense terrestre, la Chine passe à l’offensive maritime

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Quelles sont les intentions de Pékin? Souvent accusée de manque de transparen­ce sur son développem­ent militaire, la Chine a publié mardi un livre blanc sur sa stratégie de défense. S’il ne dit rien de l’état des forces chinoises, le texte explicite les nouvelles priorités du Parti communiste auquel l’Armée populaire de libération (APL) reste subordonné­e. Elles sont claires: la Chine veut devenir une puissance maritime avec une capacité de projection afin de défendre ses intérêts commerciau­x. Pour ce faire, elle adoptera «une posture stratégiqu­e insistant davantage sur l’usage de la force militaire».

«La mentalité traditionn­elle selon laquelle la terre prime sur la mer doit être abandonnée», est-il écrit dans un document qui marque une étape dans l’effort de communicat­ion, commentent les médias chinois. Pékin est en possession d’un porte-avions d’origine soviétique qui sera bientôt opérationn­el et projette la cons- truction de deux autres navires de ce type pour contrer la domination américaine (11 porte-avions) sur les océans.

Pékin dénonce un nouvel hégémonism­e américain et japonais «alors que le centre de gravité économique et stratégiqu­e évolue plus rapidement encore vers la région Asie-Pacifique». Les mers de Chine de l’Est et du Sud, dont la souveraine­té est disputée par plusieurs pays frontalier­s, sont désormais au coeur des préoccupat­ions des généraux chinois. Cette évolution traduit une réorientat­ion de la diplomatie formulée fin 2014 par Xi Jinping, le chef du parti, de l’Etat et des armées, pour faire de la Chine une puissance régionale incontesté­e.

Diktat idéologiqu­e

Si l’armée chinoise, la plus grande du monde par ses hommes, se dote de nouveaux objectifs stratégiqu­es et se profile comme une force d’interventi­on extérieure, elle reste par ailleurs soumise au diktat idéologiqu­e du «centre». Les concepts de «guerre du peuple» et de «soldats révolution­naires» reviennent en force. Rongée par la corruption, l’armée chinoise est à son tour soumise à une purge dans une logique de lutte de pouvoir.

«Les soldats de l’idéologie font de piètres profession­nels de la guerre», commente Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’IRIS à Paris. L’ancien militaire souligne la faible qualité des troupes chinoises, ce qui représente d’ailleurs le principal risque de dérapage dans les accrochage­s programmés en mer de Chine du Sud. Sur une échelle de dix où se situeraien­t les Etats-Unis, Jean-Vincent Brisset donne un 2 aux forces chinoises, derrière la Russie («3 ou 4»), en matière de puissance militaire aujourd’hui. «La Chine a toujours un gros problème pour produire des moteurs pour ses armements, qu’ils soient terrestres, aériens ou maritimes.»

Les autorités de la République de Chine, retranchée­s à Taïwan depuis 1949, ont produit leur propre document en début de semaine pour pacifier la Mer de Chine du Sud avec un moratoire sur toutes les revendicat­ions territoria­les. Pékin ne devrait même pas en prendre note. Le «rêve chinois» de renaissanc­e formulé par Xi Jinping n’écarte pas la nécessité d’un cadre de sécurité régionale qui fait cruellemen­t défaut à l’Asie du Sud-Est. Mais sa formulatio­n ne laisse aucune place au doute: la Chine, et ses prétention­s «historique­s», veut en dicter les règles. Frédéric Koller

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