«Les prétentions de Pékin sont illégales»
Daniel Schaeffer, général français à la retraite, livre son analyse
Les différends qui opposent les Etats voisins de la mer de Chine du Sud sont complexes puisque se superposent les droits territoriaux, maritimes et aériens, explique Daniel Schaeffer, membre du groupe de réflexion Asie 21.
Le Temps: Les prétentions chinoises sont-elles justifiées? Daniel Schaeffer:
Pas du tout. C’est absolument illégal. Pékin revendique 80 à 90% de la superficie de la mer de Chine du Sud, qui correspond à celle de Méditerranée. Ses prétentions ont évolué depuis 1947. On parle d’une carte chinoise qui délimite ce territoire par neuf traits. Depuis 2013, il y en a dix, et cela englobe Taïwan.
– Comment ce discours a-t-il évolué?
– Il y a en fait différentes interprétations en Chine même. Il y a une école qui défend l’idée d’une mer historique. Cela n’a aucune valeur au regard de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM). Une autre école parle de mer territoriale. Ce n’est pas plus légitime. Pourtant la Chine entreprend sur l’archipel des Spratleys des constructions faramineuses. De leur point de vue, cela leur appartient.
– Quel Etat reconnaît les cartes chinoises?
– Aucun. A part Taïwan, que Pékin considère comme un territoire rebelle.
– La Chine a pourtant signé et ratifié la CNUDM?
– Oui. Mais on parle ici de différents litiges. Il y a d’abord un litige territorial. Dans ce cas, c’est la Cour internationale de justice qui est compétente. Il y a ensuite un litige sur le partage des eaux. Dans ce cas, il y a au moins deux cours compétentes pour trancher, une à La Haye, l’autre à Hambourg. La CNUDM comporte des articles et des annexes qui peuvent prêter à des interprétations différentes. Les prétentions chinoises mordent sur toutes les zones économiques exclusives, reconnues par la CNUDM, des autres pays. Les Philippines ont fini par déposer un recours en 2013 auprès de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye. Mais la Chine temporise et argue du fait que la CNUDM stipule qu’en cas de conflit, les Etats doivent négocier entre eux. La Haye doit bientôt déclarer si elle est compétente ou pas. Mais il se pourrait que les Philippines aient mélangé les questions de souveraineté territoriale et de partage des eaux.
– Que dit le droit quant au survol des îles construites par la Chine par un avion de surveillance américain?
– C’est parfaitement légal. Une fois de plus, nous sommes au-dessus d’une mer internationale que la Chine essaie de s’approprier. La mer de Chine du Sud, en l’état, reste ouverte. Les Etats-Unis, le Japon et tous les Etats de la région se battent pour qu’elle le reste. Le problème est que la Chine risque de décréter une zone d’identification et de défense aérienne comme elle l’a fait en mer de Chine de l’Est.
– Est-ce légal?
– Qu’à moitié. Là aussi, il y a diverses interprétations. La Chine pourrait remettre en question toutes les règles de vols dans la région. Il y a un vrai danger pour l’aviation civile. Propos recueillis par F. K.